Le gaz naturel est fréquemment présenté comme l’énergie idéale du futur. De fait il présente un certain nombre d’avantages :
- il est peu cher pour l’instant,
- les estimations des réserves prouvées permettent d’envisager une durée plus importante avant le pic de production que pour le pétrole,
- il est mieux réparti à la surface du globe que le pétrole, lequel a ses réserves massivement concentrées dans les pays du Moyen Orient,
- il contient moins de composants mineurs produisant de la pollution locale (soufre, particules, métaux lourds, etc) que le pétrole ou le charbon,
- il contient moins de carbone par unité de masse que les produits pétroliers, et sa combustion provoque donc moins d’émissions de CO2 (gaz à effet de serre).
Mais en faire la solution à tous nos problèmes serait aller un peu vite en besogne :
- même s’il est moins riche en carbone que le pétrole ou le charbon, le gaz engendre quand même des quantités significatives de CO2 lors de son utilisation : à énergie dégagée équivalente, utiliser du gaz permet une baisse de « seulement » 25% des émissions par rapport au pétrole et « seulement » 40% par rapport au charbon.
Combustible | CO2 dégagé par tonne équivalent pétrole brûlée, en kg équivalent carbone | Emissions par tep, par rapport au gaz naturel | Emissions par tep, par rapport au charbon |
---|---|---|---|
Gaz naturel | 651 | 0% | -42% |
Charbon (moyenne) | 1.123 | +73% | 0% |
Pétrole, essence | 830 | +27% | -26% |
Fioul lourd | 890 | +37% | -21% |
Diesel, fioul domestique | 856 | +31% | -24% |
GPL | 731 | +12% | -35% |
Kérosène | 845 | +30% | -25% |
Coke de pétrole | 1.096 | +68% | -2% |
Le tableau ci-dessus s’interprète de la manière suivante : lorsque l’on dispose d’une tonne équivalent pétrole d’énergie (soit 11600 kWh, ou encore 42 milliards de Joules) en brûlant du fioul lourd, cela dégage 890 kg équivalent carbone de gaz carbonique dans l’atmosphère, soit 37% de plus que si cette même quantité d’énergie avait été obtenue en brûlant du gaz naturel, mais 21% de moins que si l’on avait obtenu cette énergie en brûlant du charbon.
- en conséquence, bien que sa part soit inférieure à celle du pétrole ou du charbon, le gaz contribue de manière significative aux émissions mondiales de CO2
Contribution de chaque combustible fossile aux émissions mondiales de CO2 en 2015.
Pour une consommation mondiale d’énergie inférieure de 20% à celle du charbon, le gaz fait un peu moins de la moitié des émissions du charbon, ce qui est mieux, mais ce n’est pas zéro !
Calculs de l’auteur sur source BP Statistical Review, 2016
- le gaz naturel, c’est essentiellement du méthane, qui est un gaz à effet de serre 28 fois plus puissant que le CO2. Il suffit que le taux de fuite du puits à l’utilisation finale soit de 4% (taux qui est bien supérieur au taux réel pour l’essentiel des réseaux, mais qui n’est peut-être pas impossible en quelques endroits du monde, notamment certaines installations russes) pour que l’utilisation du gaz soit équivalente à celle du charbon en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
- il n’est pas plus renouvelable que le pétrole,
- en particulier, une substitution totale du charbon et du pétrole par le gaz, pour permettre cette « propreté », conduirait à augmenter notre consommation d’un facteur 4 à 5, ce qui nous épuiserait les réserves prouvées en seulement 15 ans de consommation constante !
L’engouement auquel nous assistons actuellement pour le gaz – qui peut s’argumenter en tant que solution de transition pour certains usages, afin d’enclencher un début de décroissance des émissions, le temps de diminuer la consommation d’énergie, de recourir à certaines renouvelables (notamment le solaire), ou au nucléaire dans certains cas – n’est donc pas justifié comme choix de long terme.