Comment exploite-t-on du charbon ? Voici une question simple : une mine de charbon, c’est un grand trou dans la terre, des ouvriers qui perçoivent des pelles et des pioches, des petits wagonnets pour remonter la houille, et hop, le tour est joué. Au temps de Zola peut-être, mais désormais c’est parfois plus complexe !
Charbon de surface ou charbon sous terre
Il y a deux grandes catégories de mines de charbon sur la planète :
- les exploitations souterraines, qui supposent de creuser des galeries pour accéder aux veines de charbon, galeries qu’il faut donc creuser, étayer, déblayer, drainer (il y a parfois beaucoup d’eau dans une mine de charbon !), ventiler, éclairer, etc
- les exploitations à ciel ouvert, ou le charbon affleure la surface. En pareil cas on enlève les premiers mètres de terre, et ensuite le charbon est extrait par excavation depuis la surface, ce qui demande beaucoup moins de technologie complexe.
Comme le charbon le plus vieux, et donc le plus riche en carbone, est aussi le plus profondément enfoui, la lignite s’exploite plutôt à ciel ouvert, et les charbons de type « hard coal » plutôt en galeries souterraines.
Extraire du charbon vapeur ou à coke
Extraire, c’est creuser puis laver. Creuser, cela se comprend facilement. Dans les mines artisanales, qui restent très répandues dans certains pays comme la Chine, les ouvriers travaillent toujours avec des pelles et des pioches ou pas loin. Par contre, dans les pays occidentaux la mécanisation est forte. De ce fait, la productivité d’un ouvrier dans une mine de charbon varie de quelques centaines de tonnes par an (soit un peu plus d’une tonne par jour) à plus de 10 000 (en Australie, soit environ 30 tonnes par jour). La production actuelle de charbon étant de 7 milliards de tonnes, dont plus de la moitié vient de pays à faible productivité (Inde, Chine), l’extraction du charbon occupe environ 6 millions de personnes dans le monde, dont environ les 3/4 en Chine.
Et laver, pourquoi diantre ? Parce que ce qui est extrait est en fait un mélange de charbon proprement dit et de bricoles diverses, comme des poussières, cailloux, etc. En enlevant ces impuretés avec de l’eau sous pression, on perd aussi des petits morceaux de charbon, ce qui fait perdre de 10% à 50% du charbon remonté du sous-sol, selon la qualité et la compacité du charbon extrait. Ces débris minéraux sont à l’origine de la formation des terrils de mine. C’est seulement après cette opération de lavage que le charbon est prêt à être vendu ou utilisé.
Pour le « hard coal« , les coûts d’extraction sont de l’ordre de quelques dizaines de dollars la tonne ; le détail est donné ci-dessous pour quelques pays exportateurs (données 2001).
Coût d'extraction ($/t) | Australie | RSA | USA | Indonésie | Colombie |
---|---|---|---|---|---|
Charges hors amortissements (min) | 10 | 12 | 10 | 15 | 17 |
Charges hors amortissements (max) | 30 | 17 | 31 | 30 | 25 |
Charges hors amortissements (moy) | 22 | 15 | 22 | 22 | 21 |
Amortissements | 5 | 4 | 4 | 4 | 4 |
Total moyen | 27 | 19 | 26 | 26 | 25 |
25 dollars la tonne, pour un charbon vapeur à 6500 kcal/kg (soit 0,65 tep par tonne), cela nous amène dans les eaux des coûts d’extraction des autres énergies fossiles. Par contre, avec le coût du transport pour une distance « représentative », le charbon devient plus onéreux que le pétrole à énergie délivrée égale.
Coûts indicatifs d’extraction et de transport de diverses énergies fossiles, en cents (de $) par kWh.
La valeur « transport 4000 km » pour le charbon suppose du fret international par voie maritime, et la valeur « fret terrestre 2000 km » est pour du fret ferroviaire. Le prix du transport pour le charbon peut aussi inclure de la manutention portuaire ou terrestre qui n’est pas mentionnée ici.
On voit que le pétrole est l’énergie qui coûte le moins cher à transporter (et à extraire pour les vieux gisements géants du Golfe Persique).
Sources diverses
Extraire de la lignite
Dans les mines de lignite, généralement situées sur le carreau de la centrale ou réciproquement, l’exploitation se fait souvent à ciel ouvert, avec d’énormes « machines à creuser »
Exploitation de lignite en Allemagne.
La lignite, combustible en moyenne plus « jeune » que le charbon, se trouve souvent dans des couches peu profondément enfouies sous la surface, et son exploitation consiste alors à :
- exproprier les éventuels habitants résidant au-dessus de la couche (dans les pays densément peuplés, comme l’Allemagne, ce n’est pas une vue de l’esprit), laquelle couche peut faire des dizaines de km² de superficie,
- enlever la couche de surface, qui peut faire quelques mètres à quelques dizaines de mètres de terre,
- faire passer la machine illustrée à droite pour extraire la lignite, qui sera ensuite déposée sur un jeu de tapis convoyeurs puis un train vers une centrale proche (il n’est pas économiquement rentable de faire voyager loin de la lignite, qui a un contenu énergétique trop faible par unité de poids),
- quand la mine ferme, comme la couche de lignite extraite était épaisse de plusieurs dizaines de mètres, on ne va pas acheminer quoi que ce soit de l’extérieur pour combler la dépression, sauf éventuellement les cendres de la centrale si elle est juste à côté. L’ancienne mine est parfois transformée en lac artificiel.
Gros plan sur une « machine à extraire la lignite » (du genre de celle que l’on voit au centre de la photo précédente).
Transporter
Dans tous les cas de figure où le charbon n’est pas utilisé sur le carreau de la mine, il faut le transporter depuis son lieu d’extraction jusqu’à son lieu de consommation. Or notre charbon, jusqu’à preuve du contraire, est solide. De ce fait, un des moyens souvent utilisé pour transporter du gaz ou du pétrole ne lui est pas accessible : le tuyau (oléoduc ou gazoduc, bien sûr). Restent en théorie le camion, l’avion, le rail et le bateau.
Bien évidemment les coûts de transport par avion sont prohibitifs pour une marchandise aussi peu chère à la tonne que du charbon (le fret aérien est surtout utilisé pour des produits valant cher à la tonne : électronique, luxe, fleurs, fruits exotiques, marbre parfois), et sur terre le train est bien plus efficace que le camion pour de forts tonnages. Du coup les seuls modes utilisés de matière significative pour le charbon sont :
- rien du tout (!) si le lieu d’utilisation jouxte le lieu de production (exemple de la centrale sur le carreau de la mine)
- le rail quand le lieu de production et le lieu de consommation sont sur le même continent,
Tonnages de charbon transportés par rail aux USA en 2002.
Les grandes zones productrices sont le Wyoming et les Appalaches.
Ironie de l’affaire, le transport du charbon par voie ferrée est à l’origine du maintien de la part modale du train aux USA : on peut se demander si c’est une victoire de la préoccupation écologique !
Source : Glenn Harrison, Oak Ridge National Laboratory
- la voie d’eau en cas de changement de continent,
- marginalement la voie d’eau sur les canaux ou fleuves,
Dans le cas du transport par bateau, les coûts de transport ramenés à l’unité d’énergie sont au niveau de ceux du pétrole (et bien moins élevés que ceux du gaz) ; ils sont évidemment fonction de la distance.
Ordres de grandeur du coûts de transport de différentes énergies, en dollars par million de British Thermal Units (ah ces anglo-saxons !), en fonction de la longueur du trajet en km (en abscisse, attention les intervalles de distance ne sont pas constants).
Un million de BTU ≈ un gigajoule ≈ 290 kWh.
Pipe = gazoduc ;
LNG = Liquefied Natural Gas, c’est-à-dire la liquéfaction du gaz dans une installation côtière du pays de production avant embarquement sur des méthaniers et regazéification au sein d’un terminal situé dans le pays consommateur.
Source : Pierre-René Bauquis, Total Professeurs associés, 2008 & Jean Teissié, 2001
Au final les transports terrestres majorent le coût direct mine (c’est-à-dire le montant des charges d’exploitation, hors amortissements) de 10% à 50%, et le fret maritime de 20% à 80%. En moyenne le coût CIF (CIF = Charged Insurance and Freight ; coût complet avec manutention, fret et assurance) d’un charbon d’importation représente 3 fois le coût départ mine : l’essentiel du coût du charbon dans les pays d’importation est donc du coût de transport. Bien malin qui peut dire comment ce coût va évoluer en cas de tension sur le prix du pétrole !
Cela étant, il convient de rappeler que l’essentiel du charbon ne fait pas l’objet d’échanges internationaux, mais est utilisé de manière domestique, ce qui transparaît clairement dans les statistiques de vente des 25 premiers producteurs mondiaux.
Production des 25 premiers producteurs de charbon au monde (représentant 35% de la production mondiale et quasiment 100% des exportations) avec répartition entre exportations et ventes domestiques.
Il est bien visible que l’essentiel des producteurs ne produisent que pour leur marché domestique.
Source : AIE, World energy Outlook, 2009
Accéder au charbon sans même le sortir de la mine
Pour l’avenir, d’aucuns envisagent d’exploiter le charbon sans même le sortir de la mine. Le principe est celui d’une gazéification in situ : on crée du « gaz à l’eau » au sein même de la veine de charbon en injectant de l’oxygène ou de la vapeur d’eau par un premier forage, et puis on remonte le gaz créé par un deuxième forage, qui est ensuite envoyé dans une unité de « gas to liquids« . Ce procédé est envisagé pour des gisements situés profond sous terre.