Tribune parue dans Les Echos du 26 novembre 2012
En matière d’hydrocarbures, explorer est un must : pour faire sortir du pétrole de terre, il vaut mieux commencer par l’avoir localisé. C’est du reste parce que les découvertes déclinent depuis 1965 que l’on peut dire, sans trop se tromper, que, si nous ne sommes pas encore au maximum mondial de la production d’or noir, nous n’en sommes plus très loin.
Nous serions bien inspirés de recourir à cette même exploration de l’existant quand il s’agit non point de produire du pétrole, mais d’interpréter les scénarios de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) sur sa disponibilité future. Dans une tradition solidement établie de croissance sans limites, cette agence a très récemment indiqué que les USA étaient partis pour redevenir un eldorado pétrolier, par la magie des pétroles de schiste.
Comment faire pour avoir un avis sur ce pronostic ? A nouveau, grâce à l’exploration ! En l’espèce, cette dernière va concerner non point le pétrole, mais… les avis passés de l’AIE. Car cela fait presque 20 ans qu’elle publie, tous les ans, un scénario sur la production future de pétrole, dans son World Energy Outlook. Il devient donc possible, comme pour un médecin, de juger de sa compétence en confrontant les pronostics passés à la réalité des évolutions.
En 1995, l’AIE avait annoncé pour 2010 une production de pétrole s’élevant à 95 millions de barils/jour. En pratique, le monde en a produit 85 cette année là. Si nous parlons de 2020, de 1995 à 2010 la production projetée n’a cessé de descendre, de 112 à 90 millions de barils/jour. Or 22 millions de barils/jour, c’est deux fois la Russie ou l’Arabie Saoudite !
Compte tenu de l’importance centrale du pétrole dans le fonctionnement de la machine économique, bâtir des plans pour l’avenir sur des « prévisions » excessivement optimistes se traduira par des crises massives et des millions de chômeurs. Vu leur audience auprès des gouvernements, il est donc plus que temps de faire toute la lumière sur les conditions d’élaboration des scénarios « sans limites » de l’AIE. A quand une commission d’enquête parlementaire sur les méthodes prospectives de l’AIE ?