Tribune parue dans Les Echos du 20 septembre 2016
Par un étrange paradoxe, les records de chaleur et de sécheresse ici, ou de précipitations là, semblent favoriser une poussée de doute sur l’influence de l’homme sur le climat. Est-ce à dire que la science serait toujours aussi fragile ? Que nenni ! En fait, même si la température planétaire devait prendre 3 °C ou 4 °C, nous aurons toujours des climatosceptiques, alors que l’effet de serre est connu depuis Fourier (1824), et que l’amplitude d’un réchauffement suivant un doublement du CO2 dans l’atmosphère est connue depuis Arrhenius (1896). Nous en aurons toujours, parce que leur motivation profonde est à chercher ailleurs que dans la science.
Il y a d’abord eu des chercheurs qui ont trouvé dans la contestation publique du travail de leurs collègues un moyen de satisfaire un problème d’ego. Et nous voilà avec quelques Allègre et consorts face à un micro, alors qu’aucun d’entre eux n’a jamais publié le moindre article scientifique qui légitimerait ses propos publics.
Sont ensuite arrivés des dirigeants économiques, dont les intérêts sont heurtés par ce nouveau problème : des « ultralibéraux » (qui n’aiment pas la contrainte quelle qu’elle soit), notamment dans le secteur financier, mais aussi de nombreux patrons du secteur pétrolier, charbonnier et gazier, des constructeurs de voitures et d’avions… Une catégorie proche concerne les dirigeants retraités de grandes entreprises, qui ont contribué à diffuser la consommation de masse pendant les Trente Glorieuses et après. Dur d’admettre que la médaille de ces avancées du XXe siècle a un revers !
A l’autre extrémité de l’échelle sociale, les « gens qui souffrent » sont eux aussi tentés de leur emboîter le pas : accepter le problème, c’est accepter une contrainte supplémentaire, alors qu’ils considèrent (et on peut les comprendre) en avoir bien assez comme cela. Restent encore ceux pour qui la marche du monde est uniquement l’affaire de Dieu, l’homme ne pouvant rien y changer, et qui sont nombreux aux Etats-Unis.
Tout cela peut faire un certain nombre d’électeurs : rien d’étonnant, alors, à ce que les candidats populistes, ou ceux qui chassent sur leurs terres, adoptent des prises de parole conformes à l’avis de leurs électeurs. C’est le contraire qui serait étonnant !