Il s’agit là d’une interaction pouvant paraître étonnante : comment le changement climatique peut-il agir sur la « couche d’ozone » ? Rappelons tout d’abord que changement climatique et « trou dans la couche d’ozone » sont deux processus provoqués par des causes bien distinctes.
Rappelons aussi que nous parlons ici de l’ozone stratosphérique, c’est à dire du « bon » ozone, celui qui se trouve dans la stratosphère, entre 10 et 30 km au-dessus de nos têtes. La « couche » d’ozone ne mesure bien sûr pas 20 km d’épaisseur, et en fait il ne s’agit pas d’une couche – comme une couche de neige – mais juste d’une concentration supérieure en ozone à ces altitudes que ailleurs dans l’atmosphère (graphique ci-dessous).
Pression partielle d’ozone en millièmes de millibar (axe horizontal), en fonction de l’altitude (axe vertical de droite).
La pression atmosphérique totale à l’altitude considérée est indiquée sur l’axe de gauche en millibars.
Les trois courbes représentent la concentration d’ozone pour 3 années différentes.
On constate facilement que la proportion de l’ozone dans l’air n’excède pas 0,5% : un peu mince pour une vraie couche !
On constate aussi qu’au fil du temps l’ozone diminue en altitude mais augmente près du sol.
Source : Gérard LAMBERT, L’air de notre Temps, Seuil 1995
Pour en revenir à l’action possible du changement climatique sur la raréfaction de cet ozone, le système de dominos fonctionne de la manière suivante :
- certaines émissions humaines (les CFC) dégradent l’ozone stratosphérique (celui de la fameuse « couche d’ozone ») à cause du chlore que ces composés libèrent dans la haute atmosphère. Il s’agit d’un phénomène se produisant en permanence.
- mais ce phénomène peut se trouver particulièrement amplifié au printemps au-dessus du Pôle Sud, et cause alors le fameux « trou d’ozone ». Les raisons en sont les suivantes :
- lorsque le Pole Sud est plongé dans la nuit de l’hiver austral, les CFC ne sont plus dégradés par les ultraviolets du Soleil au-dessus de cette zone (voir les explications sur cette autre page sur l’ozone).
- pendant cet hiver les températures descendent très bas (de l’ordre de -80°C) dans la stratosphère, ce qui y permet l’apparition de nuages formés de petits cristaux de glace (les nuages stratosphériques polaires). Cette glace n’est pas pure, mais contient également de l’acide sulfurique et/ou nitrique.
- ces cristaux servent de catalyseur et permettent aux CFC de libérer leur chlore sous des formes qui n’agissent pas directement sur l’ozone. Ce processus se poursuit pendant tout l’hiver austral, tant qu’il y a ces fameux nuages stratosphériques polaires,
- pendant l’hiver austral, l’air qui surmonte le pole forme une espèce de grand tourbillon (le vortex) qui bloque la communication entre l’air qui s’y trouve et le reste de l’atmosphère. De la sorte, l’accumulation de chlore reste confinée au-dessus du pôle.
- lorsque le Soleil réapparaît, au printemps austral, ses ultraviolets dissocient d’un coup tous les composés chlorés accumulés pendant l’hiver austral, libérant alors le chlore sous forme atomique, lequel attaque immédiatement l’ozone stratosphérique dont 90% peut disparaître en quelques semaines.
- or si l’effet de serre augmente, cela augmentera la température de la partie basse de l’atmosphère, mais diminuera corrélativement l’apport d’énergie à la stratosphère, qui va avoir tendance à se refroidir en moyenne, et en particulier va atteindre plus tôt dans l’hiver austral des températures très basses.
Evolution des températures dans l’atmosphère en fonction de l’altitude et de la latitude (et de la période), pour le scénario A1B (soit environ un doublement des émissions entre 2000 et 2100), sur 3 périodes différentes.
L’axe horizontal donne la latitude (l’Equateur est à zéro, et les Pôles à 90 Nord et Sud).
L’axe vertical indique la pression en hectopascals, qui décroit quand on s’élève ; la stratosphère débute à environ 200 hectopascals (un peu moins à l’équateur) et à 0 on est sorti de l’atmosphère !
Plus on va vers le rouge et plus cela se réchauffe, et plus on va vers le bleu puis violet et plus cela se refroidit.
On voit clairement que les plus hautes couches de l’atmosphère se refroidissent partout au cours du temps : en particulier, le « réchauffement » climatique refroidira de plus en plus la stratosphère au-dessus des pôles.
Source : GIEC, 4è rapport d’évaluation, 2007
- Cela peut donc entraîner une augmentation de la période où l’accumulation de chlore sera possible, et par contrecoup une diminution accrue de l’ozone stratosphérique au moment du printemps austral,
- et surtout, un tel phénomène pourrait voir le jour au-dessus du Pôle Nord, où la température de la stratosphère commence à descendre suffisamment bas l’hiver pour permettre l’apparition de nuages stratosphériques, qui constituent un catalyseur indispensable. Si un tel « trou » se manifestait au-dessus du Pôle Nord, ce pourrait être plus ennuyeux pour les hommes et animaux terrestres, car les moyennes latitudes australes sont peu dotées en terres émergées, comportant juste quelques millions de Néo-Zélandais et d’Argentins de la Terre de Feu, alors que les moyennes latitudes de l’hémisphère Nord hébergent un milliard d’individus.
Mais, puisqu’il est maintenant interdit de produire des CFC, y-a-t-il encore de ces composés dans la stratosphère ? Hélas oui : les CFC ont une durée de vie très longue (des dizaines à des centaines d’années) et la concentration de CFC est encore proche du maximum jamais atteint. En outre on trouve un peu de chlore dans la stratosphère de manière parfaitement naturelle.
Concentration en CFC-11 dans la troposphère (la troposphère est la plus basse couche de l’atmosphère, celle qui est en contact avec le sol et se termine au démarrage de la stratosphère).
Le CFC-11 est le deuxième CFC le plus abondant dans l’air. Nous sommes toujours près du maximum dans la troposphère, et, par suite du délai qui sépare le maximum dans la troposphère du maximum dans la stratosphère (car il faut du temps pour que ces molécules lourdes diffusent dans la stratosphère), la concentration stratosphérique continue de croître.
Source : GIEC, 2001
Par un « effet domino », on voit donc que le changement climatique risque donc d’entraîner une diminution supplémentaire de la couche d’ozone. Il faut savoir que – cas extrême impossible à l’horizon de visibilité, heureusement – si la couche d’ozone disparaissait totalement, toute vie terrestre évoluée finirait probablement par être rapidement éradiquée ailleurs que sous l’eau.