Il est courant d’entendre que la réduction de notre consommation énergétique, ou de nos émissions de gaz à effet de serre est souhaitable. Ce n’est pas moi qui dirai le contraire !
Les ordres de grandeur qui sont avancés en pareil cas sont fréquemment plus près de la division par 2, 3 ou 4 que de la diminution de 5% des émissions ou de la consommation. En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre dans les pays européens, par exemple, l’ordre de grandeur de la réduction qu’il faut viser est une division par 4 à 6 des émissions de CO2, valeur qui se retrouve maintenant – et ce n’est pas non plus moi qui le regretterai – dans nombre de discours ministériels.
La lecture de cette conclusion fait souvent « sauter en l’air ». Si nous entendons parvenir à ce résultat en un mois en France, par exemple, il est clair que les seules options ouvertes sont l’épidémie massive divisant la population par 4 ou une guerre atomique sur l’ensemble du territoire métropolitain. Mais si nous acceptons l’idée que cet objectif peut être atteint en quelques décennies (et personne ne vise autre chose), il faut alors, pour fixer les idées, convertir un objectif de réduction à terme en effort annuel.
Prenons par exemple ce souhait d’une division par 4 des émissions de gaz à effet de serre en France d’ici 2050. De combien faut-il diminuer nos émissions par an pour parvenir à cet objectif ? Et bien la réponse est de…..2,7% par an (graphique ci-dessous).
Réduction totale obtenue au bout de 50 ans (axe vertical) en maintenant pendant toute cette durée une réduction annuelle donnée (axe horizontal).
Par exemple, en maintenant une diminution annuelle de 1,38% par an (trait vert fin) nous obtenons une division par 2 au bout de 50 ans.
Pour obtenir la « fameuse » division par 4 des émissions de gaz à effet de serre en France en 2050, soit une réduction de 75%, il faut maintenir pendant 50 ans une réduction annuelle de 2,7% environ. Impossible ?
Enfin avant de prendre peur, n’oublions pas que dans l’autre sens (l’augmentation de la consommation d’énergie et des émissions) les choses sont aussi allées très vite : notre consommation d’énergie par habitant a, en gros, triplé en France de 1960 à nos jours : une division par 2 nous ramènerait au début des années 70 et une division par 3 au niveau de 1960. Et la seule question qui compte est finalement celle-ci : en 1960, le « Français moyen » était-il trois fois plus malheureux que nous ? Le « bonheur national brut » était-il trois fois inférieur ? 1960, ce n’était pas l’âge des cavernes….
Par contre il est clair que d’atteindre un tel objectif demande de le rendre prioritaire sur bien d’autres choses. Si dans le même temps nous souhaitons faire baisser les émissions de gaz à effet de serre de 2,7% par an et disposer d’une croissance économique de 2,5% par an, cela signifie qu’il faut « décarbonner » notre économie de 5% par an. C’est techniquement et probablement socialement possible, mais cela constituerait clairement un point (très) dur de toute politique publique.
Bref, ce petit raisonnement illustre que, si nous nous donnons le temps et savons garder un cap, il ne faut pas nécessairement prendre peur devant un objectif ambitieux : ramené à une évolution annuelle, cela reste dans la fourchette des évolutions que nous pouvons gérer sans nécessairement engendrer un clash social ou sociétal, même si, au final, le monde avec une réduction de cette ampleur ne ressemblerait probablement plus tellement au nôtre, et si le chemin à emprunter suppose dès le départ la remise en cause de bien des postulats actuels.