L’un des termes les plus fréquents dans le débat sur l’effet de serre est « les scientifiques ». Qu’ils soient invoqués pour appeler à la prudence, ou pour justifier la contestation des dangers à venir, il n’y a qu’un seul et même terme : « les scientifiques ». Le profane s’imaginera peut-être qu’il s’agit d’une catégorie homogène et peu nombreuse, et que tout « scientifique » possède nécessairement un avis autorisé sur l’évolution climatique. Rien ne saurait être plus inexact !
Bien sûr, il y a tout d’abord des modélisateurs. Ils travaillent par exemple, en France, au Laboratoire de Météorologie Dynamique du CNRS, ou en Grande Bretagne au Hadley Centre. Ces modélisateurs simulent une évolution future du climat en se basant sur
- la compréhension du monde qui leur est fournie par d’autres disciplines de la science, que j’aborde ci-dessous.
- des modèles, qui sont sensés représenter au mieux cette compréhension. Ils sont aidés, quelques fois, pour cette deuxième tâche, par des gens dont le métier est de faire des logiciels scientifiques pour la modélisation, mais pas nécessairement uniquement sur le climat. C’est par exemple le cas du CERFACS.
- des scénarios, qui décrivent quelques cas de figure possibles sur la manière dont va évoluer le monde.
Mais surtout, comme je viens de le dire, la modélisation ne vise qu’à reproduire le monde réel (un modèle n’invente rien : il ne fait que tenter de reproduire), et il y a énormément de disciplines qui concourent à nous faire comprendre comment fonctionne notre planète, et dont les résultats sont exploités dans le dossier du changement climatique. Afin de bien faire comprendre ce point, je donne ci-dessous une petite partie (nécessairement : je suis loin d’en avoir fait le tour !) des disciplines concernées, et pour chacune d’elles j’ai mis un site web d’une équipe pour illustrer mon propos.
Mais chaque discipline possède des centaines de sites web. Sur bon nombre des serveurs que je cite, vous pourrez découvrir par vous même la grande quantité de liens vers d’autres organismes traitant du même sujet : les « scientifiques », cela fait du monde !! Et vous verrez que la quasi-totalité des disciplines concernées ne sont pas nées avec l’étude du changement climatique, et que leurs résultats sont validés dans d’autres cadres.
Voici donc ce que donne un début d’inventaire (liste non exhaustive) si l’on essaie de savoir qui fait partie des « scientifiques » :
- des astronomes, qui s’intéressent à l’activité du Soleil, et aux variations de l’orbite de la Terre, toutes choses qui conditionnent la quantité d’énergie reçue par notre planète (qui est primordiale pour le climat), que l’on trouvera par exemple, en France, à l’Observatoire Midi-Pyrénées, mais également à bien d’autres endroits,
- des astrophysiciens, qui décrivent certaines caractéristiques de l’Univers qui conditionnent notre environnement (rayonnement cosmique par exemple) et que l’on trouvera par exemple à l’Institut d’Astrophysique spatiale,
- des aérologues, qui étudient la composition de l’atmosphère et son fonctionnement général, ce qui est indispensable pour savoir comment se répartit l’énergie dans l’atmosphère et au sol, comme par exemple ceux du laboratoire d’aérologie du CNRS à Toulouse, mais aussi de la NOAA américaine,
- des océanographes, qui étudient le comportement de l’océan, lequel est primordial pour les évolutions à moyen et long terme, par exemple à l’IFREMER,
- des biogéochimistes, qui étudient les grands cycles des éléments (carbone, azote, etc) sur la terre, et que l’on peut par exemple trouver au LEGOS,
- des hydrologues, qui s’intéressent au cycle de l’eau, par exemple ceux du centre de Wallingford en Grande Bretagne,
- des météorologues, qui disposent d’archives permettant de comparer la manière dont les modèles simulent le climat passé avec ce qui a réellement été mesuré, comme par exemple ceux de Météo France,
- des biologistes et des agronomes, qui étudient le comportement des végétaux dans des conditions climatiques différentes, par exemple ceux de l’INRA,
- des spécialistes des glaces : des glaciologues, pour analyser la composition des glaces anciennes et en tirer des renseignements sur le temps qu’il a fait au moment de la chute de neige, que l’on trouvera par exemple au laboratoire de glaciologie de Grenoble,
- des géologues, dont les connaissances sont mises à profit à divers titres (cycle du carbone, montée des océans, volcanisme…), par exemple ceux de l’Institut de Physique du Globe,
- des physiciens des particules, qui ont expliqué la formation de certains isotopes radioactifs (qui seront ensuite utilisés par les spécialistes de la ligne suivante), par exemple ceux qui travaillent au CERN,
- des spécialistes des faibles radioactivités et de l’analyse isotopique, comme ceux qui interviennent pour la datation au carbone 14, ou qui reconstituent les températures du passé grâce à la proportion de deutérium dans la glace, et que l’on peut trouver en France – entre autres – au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement.
- des dendrochronologues, qui reconstituent les températures des derniers millénaires en analysant les cernes des troncs des vieux arbres (ou des arbres morts), par exemple ceux qui travaillent au Laboratory of Tree-Ring Research (LTRR), at the University of Arizona
- des spécialistes de la mesure physique, qui mesurent désormais en continu les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, l’un des lieux mondialement connus pour ce faire étant l’Observatoire américain de Mauna Loa (Hawai).
J’ai sûrement oublié beaucoup monde… Mais j’espère avoir convaincu le lecteur que de se permettre de contester « les scientifiques » en matière de changement de climat, cela équivaut à avoir un avis pertinent sur toutes les disciplines mentionnées ci-dessus. Ce n’est assurément pas le cas de tous ceux qui critiquent !
Les « scientifiques » sont-ils écologistes ?
L’un des arguments les plus souvent employés par les « contestataires » du fait que l’homme est devenu un agent climatique est que les « scientifiques » sont embarqués dans un vaste complot fomenté par des écologistes qui leur font dire n’importe quoi. Cela suppose, pour être cohérent, que ces « scientifiques » sont tous des écologistes sincères, mentant effrontément parce que leur cœur aveugle leur raison.
Or, en espérant que je ne vexerai aucun d’entre eux, il faut le dire haut et fort : les « scientifiques » ne sont pas plus écologistes que le reste de la population, et même plutôt moins. A peu près tous ceux que je connais roulent en voiture, prennent l’avion (très nettement plus que la moyenne des Français, or l’avion est ce que l’on fait de pire en matière de transport), mangent de la viande à tous les repas (rappelons que l’agriculture est la première source d’émission en France, notamment à cause du fait que nous mangeons beaucoup de viande), habitent de grandes maisons chauffées au gaz ou au fioul, disposent d’un parc électroménager au-dessus de la moyenne, etc.
Ceux que je connais – mais je n’aurai pas la prétention de les avoir tous rencontrés – ne semblent pas plus avoir envie de se passer de ces éléments de mode de vie que mes voisins (alors que la lutte contre le changement climatique le demanderait), et aucun de ceux que j’ai croisés ne vit dans les arbres, vêtu de peaux de bêtes, en souhaitant ardemment être imités par le reste de la population. Vous les rencontreriez à un dîner sans savoir ce qu’ils font, vous les considéreriez comme des individus parfaitement normaux, au sens de « dans la norme ». Je ne sais s’il faut le déplorer, mais une chose est sûre : l’argument qui voudrait que les « scientifiques » aient leur bon sens aveuglé par leur idéologie ne correspond absolument pas à un quelconque début de réalité. La curiosité a toujours été une motivation bien plus puissante chez les chercheurs que le salut de l’humanité !
Et, à ma connaissance, Greenpeace ou le WWF n’ont jamais donné un kopeck au CEA ou à la NASA (qui possèdent tous les deux des laboratoires notoires sur le sujet) pour financer leurs recherches.
Il faudra que ceux qui refusent d’accepter les conclusions que nous pouvons tirer des connaissances que nous avons sur notre avenir climatique trouvent autre chose comme argument : celui-là est une pure chimère, comme du reste bien d’autres arguments avancés par les « contestataires ».
Panorama de quelques disciplines scientifiques concernées : un peu de lecture instructive
Je recommande vivement, pour approfondir ce sujet, la lecture aussi distrayante qu’instructive du livre de Gérard LAMBERT intitulé “La Terre Chauffe-t-elle”.