Qu’est-ce qu’un biocarburant ?
Le terme « biocarburant » est avant tout un raccourci commode pour ce qui devrait s’appeler « carburant d’origine agricole », voire « carburant d’origine végétale ». En effet, un « biocarburant » est un combustible liquide obtenu, après des traitements plus ou moins importants, à partir de cultures ou de végétaux non cultivés.
Il existe classiquement trois grandes filières de biocarburants :
- les combustibles obtenus à partir de cultures oléagineuses (littéralement , une plante oléagineuse est une plante qui peut fournir de l’huile), et qui sont essentiellement le colza et le tournesol. Dans cette catégorie on va trouver :
- ce que l’on appelle « l’huile pure », c’est-à-dire le produit direct du pressurage de la graine (de colza ou de tournesol), lequel, après filtration, peut s’utiliser directement comme carburant dans un moteur diesel, sans modification de ce dernier,
- l’EMHV (ester méthylique d’huile végétale), qui est obtenu en faisant réagir de l’huile de colza ou de tournesol (qui est en fait un acide gras) avec de l’alcool méthylique. On utilise pour cela une réaction porte le nom d’estérification et qui se présente schématiquement comme suit : acide + alcool -> ester + eau ;
en l’occurrence pour l’EHMV il s’agit d’une transestérification (on estérifie deux fois et la 2è réaction est ester 1 + alcool -> ester 2 + autre alcool) et en bout de course on obtient comme sous-produit du glycérol, encore appelé glycérine.
L’EMHV est rarement utilisé pur, mais souvent par incorporation au diesel dans des proportions de 5 à 30%, pour donner ce que l’on appelle du diester,
- les combustibles obtenus à partir d’alcools (méthanol, éthanol). Les cultures concernées sont toutes celles qui peuvent fournir des matériaux capables de fermenter pour donner un alcool. Toutes les cultures sucrières sont donc éligibles (betterave, canne) mais aussi celles qui donnent de l’amidon (le blé par exemple), lequel amidon, par hydrolyse, donne ensuite du sucre. Dans cette catégorie on va trouver :
- les alcools utilisés purs (comme au Brésil), mais cela nécessite de modifier le moteur des voitures,
- l’ETBE (Ethyl Tertio Butyl Ether), et le MTBE (Méthyl Tertio Butyl Ether), qui sont obtenus en faisant réagir les alcools avec un produit pétrolier obtenu en raffinerie, l’isobutène (encore appelé isobutylène), qui est un hydrocarbure de formule C4H8.
- les combustibles obtenus à partir du méthane contenu dans le biogaz. Le biogaz est ce qui résulte de la fermentation, hors de la présence d’oxygène (donc hors de la présence de l’air, en pratique), de n’importe quel matériau organique : déchets alimentaires, déchets de bois, paille, et bien sûr produits des cultures. En pratique ce biogaz est obtenu en mettant des matériaux organiques dans une enceinte qui est à l’abri de l’air et en « laissant faire » les bactéries qui vont les décomposer, puis on en extrait le méthane (qui représente de 50% à 90% du gaz dégagé par la fermentation, le reste étant essentiellement du CO2 et de la vapeur d’eau).
Ce méthane peut s’utiliser pur (comme le GNV, ou gaz naturel véhicule, lequel provient par contre de gisements de gaz naturel) ou servir à alimenter un procédé industriel de fabrication de combustibles liquides à partir de gaz (le procédé Fischer-Tropsch).
Ces diverses filières peuvent fournir ce que l’on appelle des « co-produits », c’est-à-dire des produits qui ne sont pas ceux désirés mais qui peuvent quand même « servir à quelque chose » :
- après trituration (c’est-à-dire essentiellement broyage), ce qui n’est pas de l’huile dans les graines de colza et de tournesol forme une espèce de pâte que l’on appelle des tourteaux, et qui servent à l’alimentation animale (c’est une source de protéines),
- l’estérification produit de la glycérine, qui est utilisée par les chimistes,
- la production d’alcool à partir de betteraves produit des pulpes (ce qui reste après obtention du jus), des vinasses (car la fermentation du jus de betterave produit une espèce de « vin », qui contient bien plus d’eau que d’alcool, et qui doit être distillé : l’alcool est évaporé en premier et il reste des vinasses, exactement comme pour la production des eaux-de-vie !),
- la production d’alcool à partir de blé ne produit pas de pulpe, mais des résidus solides subsistant dans la « mixture » qui a fermenté, laquelle « mixture » est obtenue en broyant les graines de blé, en y ajoutant de l’eau, ainsi que quelques additifs divers nécessaires au procédé. Cette « mixture » produit donc une espèce de vin mélangé à des particules solides, et ces particules, évacuées en cours de traitement sous une forme plus ou moins humide, s’appellent des drêches.
Un petit calcul d’ordre de grandeur : qu’espérer de ces biocarburants dans la situation actuelle ?
En 2002, notre pays a consommé 95 millions de tonnes de pétrole, dont 50 millions de tonnes sont allées aux transports, soit plus de la moitié de notre consommation de pétrole totale, et près des 2/3 de la part réservée aux usages énergétiques (graphique ci-dessous).
Consommation de produits pétroliers par usage final, en France, de 1970 à 2008, en millions de tonnes.
On note la très importante décroissance, depuis le choc pétrolier, de la consommation industrielle en valeur absolue, et la croissance des transports.
« Non énergétique » correspond aux usages comme matière première (bitumes, plastiques, cires, huiles….).
Source : Chiffres Clé de l’Energie pour 2009, Service de l’Observation et des Statistiques (Commissariat Général au Développement Durable), 2010
Bien des espoirs sont placés dans les biocarburants pour remplacer ce pétrole, qui ne durera que ce qu’il durera. Peut-on tenter d’estimer le potentiel de cette solution, présentée comme très verte et renouvelable ?
Sur la base des rendements bruts des cultures utilisées pour les diverses filières évoquées ci-dessus, nous pouvons déjà tenter un premier calcul d’ordre de grandeur des surfaces qu’il faudrait mobiliser pour remplacer l’intégralité du pétrole utilisé pour les transports, soit 50 millions de tonnes (notées 50 Mtep) :
Filière | Culture initiale | Poids brut de carburant obtenu par hectare (tonnes) | Energie ramenée au poids (tep/t) | Energie brute ramenée à la superficie (tep/Ha) | Superficie minimum mobilisée pour produire 50 Mtep (km2) | En % du territoire français | En % des superficies cultivées en 1997 |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Huile | Colza | 1,37 | 1 | 1,37 | 365.000 | 66% | 232% |
Huile | Tournesol | 1,06 | 1 | 1,06 | 472.000 | 86% | 300% |
Ethanol | Betterave | 5,78 | 0,69 | 3,98 | 125.000 | 23% | 80% |
Ethanol | Blé | 2,55 | 0,69 | 1,76 | 284.000 | 52% | 183% |
Source : rapport DIREM/ADEME sur les biocarburants, 2003
Notons, incidemment, que la possibilité même de ce « remplacement » est discutable aujourd’hui :
- les « biocarburants » sont actuellement utilisés comme des additifs minoritaires aux produits pétroliers. Sans produits pétroliers, on ne peut même plus les utiliser sous leur forme actuelle !
- les seuls qui soient utilisables « tels quels », les huiles, sont justement ceux qui ont le plus mauvais rendement brut,
- pour utiliser de l’alcool pur, il faut modifier les moteurs : cela nécessite donc de remplacer progressivement le parc.
Mais revenons à nos surfaces. Les pourcentages ci-dessus, calculés sur la base de production brutes, sont déjà significatifs : nous comprenons tout de suite que nous ne roulerons jamais totalement au colza ou au tournesol, car sans même parler des « pertes en cours de route », cela nécessiterait des disponibilités en terres arables qui sont totalement hors de portée.
Il est alors tentant de penser que cet inconvénient n’existe pas avec la betterave, qui dispose d’un bien meilleur rendement. Malheureusement, les choses ne sont pas si simples. En effet, avant de tirer des conclusions de ce qui précède, il faut tenir compte des étapes qui permettent de passer de la plante au carburant. A partir de l’énergie contenue dans le précieux biocarburant obtenu, il faut alors déduire l’énergie nécessaire à la production des engrais, à l’utilisation d’engins agricoles pour la culture et la récolte, aux moyens de transports, et enfin aux traitements après la récolte. On parle souvent, pour l’énergie qui a servi à tout cela, de « consommations intermédiaires ».
Cela étant, nous avons vu ci-dessus que ces biocarburants ne sont jamais le seul produit de la culture qui a permis leur obtention : toutes les filières fournissent en même temps des « co-produits » – encore appelés « sous-produits » (paille, tourteaux, drêches, vinasses pour l’éthanol, etc), c’est-à-dire des produits qui ne sont pas ceux recherchés « en premier », mais qui sont obtenus de toute manière dans le processus. Dès lors qu’ils « servent à quelque chose », les analyses de cycle de vie « comptent quelque chose » pour ces co-produits, ce qui n’est pas totalement dénué de fondement, il faut bien le reconnaître.
Et c’est là que les problèmes commencent, parce qu’il y a plusieurs manières de compter : il est possible de répartir l’énergie utilisée en amont au prorata de la masse de chaque produit sortant, de leur prix de revient ou de leur prix de marché, de leur contenu énergétique… Aucune règle n’est « à l’évidence » celle qui est préférable aux autres ; tout est affaire de contexte, et le contexte peut changer !
Ainsi, à peu près toutes les filières de biocarburants produisent en même temps des produits qui servent à l’alimentation animale des élevages hors sol. Tant que nous conservons des tailles importantes de cheptel bovin ou porcin, il est clair que ces produits « valent quelque chose ». Cela étant, il ne semblerait pas stupide, si le but du jeu est de limiter autant que faire se peut les nuisances environnementales (par exemple pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre), de diminuer les tailles de cheptel dans le même temps que nous allons augmenter la production de biocarburants. Dans un tel contexte, sommes-nous sûrs que ce qui sert aujourd’hui à l’alimentation des élevages industriels pourra toujours servir en totalité à l’avenir ? Si non, alors nous n’aurons plus des « sous-produits » mais des déchets, et il « compteront pour rien » dans la répartition des consommations intermédiaires.
Cela n’est pas neutre pour le calcul du rendement, car souvent le « autre chose » que les carburants est majoritaire, en poids, dans l’ensemble de ce qui est obtenu :
- pour le colza, le tourteau représente une grosse moitié du poids de la graine (l’huile représentant une petite moitié) (source Prolea). Une allocation au poids entre l’huile – qui donnera le biocarburant – et le tourteau conduit donc à n’affecter au biocarburant « que » un peu moins de 50% de l’énergie nécessaire à la fabrication des engrais (et « que » un peu moins de 50% de l’énergie liée à l’utilisation des engins agricoles),
- pour les betteraves, les pulpes – c’est-à-dire ce qui reste après extraction du jus riche en sucre – représentent environ la moitié de la matière sèche totale (l’autre moitié est du sucre), puis une fois que la fermentation a eu lieu, les vinasses déshydratées et autres sous-produits représentent facilement, encore, quelques dizaines de % du poids de ce qui est obtenu après distillation (laquelle distillation consomme énormément d’énergie.
Si nous effectuons le calcul du rendement de manière conservatrice, c’est-à-dire en affectant au biocarburant l’ensemble des consommations intermédiaires (ce qui semble logique si nous considérons que l’élevage industriel des animaux ne croît pas dans un monde qui souhaite se passer de pétrole, et donc que les sous-produits ne vaudront rien, ou pas grand chose, si nous multiplions la production de biocarburants par 10 ou 50), la prise en compte de ces consommations intermédiaires va nous amener à des productions nettes très inférieurs, et quasi-nulle pour l’éthanol à base de blé.
Filière | Culture initiale | Energie brute produite ramenée à la superficie (tep) | Energie nécessaire pour les engrais, la culture et la distillation (tep/Ha) | Energie nette produite ramenée à la superficie (tep/Ha) | Surface mobilisée pour produire 50 Mtep (km2) | En % du territoire français | En % des superficies cultivées en 1997 |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Huile | Colza | 1,37 | 0,50 | 0,87 | 574.000 | 104% | 365% |
Huile | Tournesol | 1,06 | 0,29 | 0,77 | 648.000 | 118% | 413% |
Ethanol | Betterave | 3,98 | 3,22 | 0,76 | 660.000 | 120% | 420% |
Ethanol | Blé | 1,76 | 1,72 | 0,04 | 14.800.000 ! | 2700% | 9400% |
Pourquoi une telle chute pour la betterave ? C’est qu’il faut dépenser beaucoup d’énergie pour les procédés intermédiaires, notamment la distillation, qui est en outre, aujourd’hui, faite avec des combustibles fossiles (gaz ou fioul). L’énergie nécessaire à la fabrication des engrais et au fonctionnement du tracteur fait le reste. De ce fait, toutes les cultures sont à peu près à égalité et restituent environ 0,75 tonne équivalent pétrole par hectare, sauf le blé qui ne restitue quasiment rien.
Pour produire 50 millions de tonnes équivalent pétrole, il faut donc mobiliser, en ordre de grandeur, 3 à 4 fois les terres agricoles actuelles. Bien évidemment cela n’est pas possible, et même satisfaire 10% de la consommation actuelle des transports avec des biocarburants nécessite la mobilisation de 30 à 40% des terres agricoles actuelles, sans parler de substituer le moindre pétrole pour le chauffage.
On voit bien que les filières actuelles des biocarburants ne permettent pas d’espérer substituer « un jour » ce que nous consommons aujourd’hui comme pétrole, ni même une fraction significative de celui-ci. En clair, considérer que ce n’est pas grave d’avoir un mode de vie étroitement dépendant de ce combustible liquide, parce que « le jour venu » nous pourrons tous rouler et nous chauffer au biocarburant tel qu’il est produit aujourd’hui, est hélas se bercer d’illusions.
Et plus tard ?
Il y a cependant des manières de procéder qui permettraient non point de changer le rendement net, mais par contre d’obtenir sous forme de combustibles toute l’énergie brute du tableau 1, sans avoir utilisé de combustible pour les processus de transformation. Pour cela, il « suffit » de fournir l’énergie intermédiaire avec « autre chose » que des hydrocarbures ou de la biomasse (qui mobilise aussi des surfaces agricoles ou forestières). Et là, vus les ordres de grandeur en jeu, si nous voulons simplement avoir l’équivalent des carburants routiers actuels en biocarburants, nous sommes renvoyés …. au nucléaire.
Il faudrait alors :
- supprimer les forêts françaises, ce qui permet de libérer 10 millions d’hectares de terres arables,
- tout planter en betteraves sucrières,
- utiliser la chaleur de centrales nucléaires pour faire les engrais (la fabrication des engrais consomme de l’hydrogène comme matière première, et cet hydrogène peut très bien être fait avec des centrales nucléaires), et pour fournir les calories des traitements thermiques intermédiaires : distillation, séchage, etc.
Mais même un tel « plan massue » ne permettrait pas d’obtenir l’équivalent de la consommation pétrolière actuelle (il faudrait supprimer forêts et prairies !), et pour obtenir 50 Mtep de biocarburants, il faudrait disposer d’une quantité d’énergie calorifique du même ordre de grandeur, soit quelque chose comme 40 réacteurs nucléaires supplémentaires !
La filière biogaz avec un procédé Fischer-Tropsch derrière, permettant d’obtenir des carburants liquides exactement identiques à l’essence, butte sur les mêmes limitations : avec des rendements nets compris entre 1 et 2 tep à l’hectare, obtenir 20 millions de tep de la sorte (soit 50% des carburants routiers actuellement) requiert 10 millions d’hectares, soit l’affectation à cet usage de l’ensemble de la superficie forestière actuelle, à peu de choses près.
Il apparaît donc que jamais les biocarburants ne permettront de conserver l’abondance actuelle de carburants liquides, et il s’en faut de beaucoup. Espérer 20% des carburants routiers actuels à partir de biocarburants (rendement net), soit 15 Mtep environ, est probablement une limite haute, dans un cas de figure très favorable.
Et ailleurs dans le monde ?
Mais, va penser le lecteur, peut-être que ce qui n’est pas possible pour la France, qui est un pays pas très grand et densément peuplé, l’est pour le reste du monde ? Well well well, au niveau mondial nous disposons actuellement de 1.400 millions d’hectares de terres arables (source FAO). Avec la petite correspondance ci-dessus de 1 tonne de carburant pour un hectare cultivé (contrairement à ce qui est souvent indiqué, la productivité primaire des écosystèmes tropicaux n’est pas nécessairement supérieure à celle des régions tempérées), nous voyons qu’en mettant toutes ces terres en cultures nous obtiendrions 1400 millions de tonnes d’équivalent pétrole, alors que le monde en consomme aujourd’hui…..3500 millions de tonnes. Bref, en ne mangeant plus, nous pourrions faire rouler 40% de nos voitures au biocarburant !
Affecter 10% des surfaces agricoles à des biocarburants permettrait une production nette de l’ordre de 4% de la consommation actuelle de produits pétroliers, pouvant monter jusqu’à 10% en cas d’hypothèses très favorables. Même en supposant que nous pourrions, sous les tropiques, planter des variétés beaucoup plus productives en huile, nous n’y sommes pas pour rouler entièrement au biocarburant, et il s’en faut de beaucoup.
Les biocarburants permettent-ils de rouler « sans gaz à effet de serre » ?
Enfin, en matière de gaz à effet de serre, on est tenté de penser que le carburant issu de la biomasse n’engendre aucune émission de CO2 fossile et donc que ces carburants sont « propres ». Actuellement rien ne saurait être plus faux (d’une manière générale la production d’énergie de manière totalement « propre » n’existe pas). En effet :
- les consommations intermédiaires (tracteur, distillation) sont actuellement assurées avec des énergies fossiles, donc « il y a du CO2 dans les biocarburants »,
- si l’on fertilise les champs (ce qui est indispensable pour obtenir les rendements mentionnés ci-dessus), il faut fabriquer les engrais, or l’agrochimie, comme toute chimie, est une source de gaz à effet de serre (en outre les engrais azotés sont actuellement faits avec du gaz naturel comme matière première),
- l’épandage de ces mêmes engrais est une source de N2O, gaz à effet de serre (cette remarque vaut du reste pour toute activité agricole), et cela resterait valable même si ces engrais étaient faits avec de l’énergie nucléaire,
- si ce sont des prairies qui se mettent à être cultivées pour obtenir du biocarburant, cela va conduire à une émission de CO2 par le sol (voir graphique sur les contenus en carbone des sols : un sol de prairie stocke 3 fois plus de carbone qu’un sol cultivé, donc en mettant en culture une prairie on conduit à des émissions de CO2 supplémentaires)
- enfin la combustion du carburant « vert » lui-même peut dégager des gaz à effet de serre mineurs (N2O, CH4) en quantité supérieure à ce que l’on obtient avec un litre d’essence, même si, il est vrai, ces émissions de gaz sont marginales comparées à celles de CO2.
Il en résulte que, très vraisemblablement, l’utilisation du biocarburant représente une économie par rapport à l’essence en matière d’émissions de gaz à effet de serre, mais penser que le salut réside dans la généralisation du système est aller bien vite en besogne.
Enfin si on généralisait ce système on serait tenté de faire des cultures aussi intensives que possible, ce qui ne pourrait qu’accroître les autres inconvénients – déjà significatifs – de l’agriculture sur l’environnement, par exemple à travers les pesticides ou l’érosion des sols.
Une vraie marge de manœuvre pour les agriculteurs
Les calculs d’ordre de grandeur ci-dessus montrent que l’on peut néanmoins envisager quelques millions de tonnes de biocarburants en France sans inconvénient ingérable. Encore une fois, nous n’y sommes pas pour faire rouler la voiture de Monsieur tout le monde au biocarburant, mais sachant que la consommation de produits pétroliers de l’agriculture est de l’ordre de 4 Mtep dans le pays, pourquoi ne pas affecter prioritairement ces biocarburants pour faire rouler les tracteurs ? On pourrait ainsi partiellement protéger une profession qui est souvent financièrement tendue – les agriculteurs – des soubresauts du marché pétrolier, le prix des biocarburants ne variant pas aussi vite que ceux du diesel en cas de hausse brutale de ce dernier (et ne variant pas du tout si ces biocarburants sont produits avec des calories nucléaires).
On achèverait ainsi de traiter ce dossier des biocarburants pour ce qu’il est vraiment , au moins aujourd’hui : un intéressant problème de politique agricole, mais un enjeu secondaire de politique énergétique. Sur ce dernier point, il vaut bien mieux commencer par faire de sérieuses économies d’énergie pour s’affranchir du pétrole que de tout miser sur un « pétrole vert », qui sera justement d’autant plus intéressant en proportion de la consommation que cette dernière aura commencé par sérieusement baisser avant.