Que l’énergie ait un prix, c’est évident. Mais lequel ? Tout dépend de qui paye, et de ce que l’on paye…. Ce qui suit vise juste à faire prendre un peu de hauteur de vue avec toutes les affirmations comme « ceci n’est pas compétitif » ou « cela coûte trop cher »… Le prix, c’est autant le résultat des règles du jeu du moment qu’une contrainte qui fixe les règles !
Prenons par exemple le prix payé par l’utilisateur final (qui peut être un particulier, un industriel, une activité de bureaux, une administration…) pour disposer d’une certaine quantité d’énergie. Ce prix va refléter à la fois :
- les coûts intrinsèques de « production » de l’énergie (qui n’est généralement qu’une extraction ou une conversion),
- l’offre et la demande du moment,
- la fiscalité.
En tenant compte de tous ces facteurs, le coût de l’énergie au kWh pour l’utilisateur final varie en France d’un facteur 10 selon le type d’énergie.
Prix moyen TTC en centimes d’Euros par kWh selon la nature d’énergie en 1998.
L’électricité concerne uniquement l’électricité de réseau.
Source : Observatoire de l’Energie/IFEN
Si l’on repose la question de savoir quel est le coût de l’énergie, on voit bien que la réponse n’est déjà plus évidente !
Il est en outre intéressant de constater que :
- le prix n’est en rien fonction des nuisances environnementales, au contraire : le charbon et le fioul lourd, les deux énergies fossiles les plus nocives à tous points de vue (effet de serre, pollution locale) étant les moins chères au kWh, et en outre parmi les moins taxées.
Fiscalité (hors TVA) de l’énergie exprimée en euros par kg équivalent carbone.
Cela signifie que lorsque nous émettons 1 kg équivalent carbone, pour les diverses énergies, nous « payons » la somme mentionnée au-dessus de la barre au travers de la fiscalité.
i la fiscalité sur l’énergie ne concernait que les émissions de gaz à effet de serre – notamment de CO2, et si les énergies étaient toutes « taxées » sur la même base, les barres seraient toutes égales. Ce que signifie ce diagramme, c’est tout simplement que « polluer le climat » ne coute pas le même prix selon l’énergie utilisée. Il y a des énergies avec lesquelles « polluer le climat » est exempt de taxes (gaz naturel domestique, kérosène, charbon).
Source : DGEMP, 2002
- l’utilisateur industriel paye systématiquement moins cher que l’utilisateur particulier, ce qui reflète pour une petite partie des volumes plus importants et pour une large part des différences de fiscalité.
Fiscalité spécifique de l’énergie (TVA non comprise) en centimes d’Euro par kWh selon la nature d’énergie en 2001.
Source : Observatoire de l’Energie
On entend aussi quelques fois par « prix de l’énergie » le prix de production de l’électricité (d’une manière générale la réduction abusive de l’énergie à l’électricité est extrêmement fréquente). C’est en particulier ce sens que l’on lui donne quand on parle de la réforme en cours des marchés de l’électricité. Cette dernière pouvant être produite de plusieurs manières, avec une décomposition du coût de production très différente selon les modes, le « prix de l’électricité » n’est pas plus une notion objective que le « prix de l’énergie ».
Coûts moyens de production d’un kWh électrique en centimes d’Euros selon les modes.
Le coût de production s’appelle encore le coût en « sortie de centrale » ; il ne tient pas compte du coût de distribution ni de commercialisation.
On ne compte ni coût de stockage ni coût d’un mode alternatif les jours sans vent pour l’éolien, ce qui est parfaitement discutable sur le plan de la méthode.
L’hydraulique n’est pas représentée faute de données.
Source : Ministère de l’Industrie, 1997.
On voit tout de suite que « le prix de l’électricité » n’est pas gravé dans le marbre quelles que soient les circonstances : si le gaz augmente, si l’on instaure une taxe carbone, si le vent moyen faiblit ou augmente, cela modifie les données et donc les prix !
Il est aussi intéressant de noter que ces différents modes ne sont pas égaux pour la fourniture d’emplois en France. En effet, les dépenses d’investissement et d’exploitation correspondent pour l’essentiel à des emplois français, alors que les dépenses de combustible correspondent essentiellement à des emplois russes, algériens, australiens ou saoudiens, puisqu’il s’agit d’achats de matières premières que nous n’avons pas sur notre sol.
Emplois par secteur, en milliers, en France, en 2002.
(1) Comprend CEA, COGEMA et, depuis 1999, les effectifs de Framatome ANP
(2) Effectifs de la pétrochimie inclus
Source : Observatoire de l’énergie, 2003.
Pour le nucléaire, toutefois, même s’il y a achat d’uranium (voir plus bas), les dépenses de combustibles correspondent pour l’essentiel à des emplois en France, car l’essentiel du prix du combustible correspond à des étapes intermédiaires pour passer du minerai d’uranium au matériau prêt à être mis dans le réacteur (c’est Cogema qui fournit EDF en combustible nucléaire ; le retraitement n’est pas sa seule activité).
Ensuite, le « prix de l’énergie » peut aussi désigner le coût des importations. On parle alors de facture énergétique, qui en France est pour l’essentiel due au pétrole.
Facture énergétique de la France pour les combustibles fossiles, en millions d’euros constants (le total fait donc environ 30 milliards d’Euros en 2000), de 1973 à 2000.
Source : Observatoire de l’énergie, 2000.
Mais, dira-t-on, peut-être que l’on paye beaucoup plus cher pour le pétrole tout simplement parce que l’on en consomme beaucoup plus que du reste. C’est partiellement vrai, aussi est-il intéressant de regarder ce que coûtent nos importations par unité d’énergie consommée sur le territoire national. Cela donne ce qui suit.
Coût d’importation en euros par tonne équivalent pétrole consommée en France
(une tonne équivalent pétrole = 11.600 kWh).
Source : Observatoire de l’énergie, 2000.
En d’autres termes, si on consomme en France une tonne équivalent pétrole de charbon, cela contribue à hauteur de 83 euros à nos importations. Si on consomme une tonne de produits pétroliers, cela « coûte » 235 euros d’importations. Si l’on consomme une tep d’électricité, cela ne coûte (pour le moment) que 3 euros d’importations.
Tous ces prix n’évoluent pas nécessairement en parallèle, même s’ils sont corrélés. Le plus bel exemple est celui de l’évolution du cours du pétrole brut à l’importation et des prix pour le consommateur final.
Evolution parallèles des indices de prix – en monnaie constante – pour diverses énergies depuis 1973.
L’indice de chaque énergie vaut 100 en 1973, sauf pour le super sans plomb (100 en 1990 ; avant il n’y en avait pas).
L’intitulé « indice du prix de l’énergie » désigne le mix de toutes les énergies commerciales.
Source : Observatoire de l’énergie, 2000.
On constate que le prix pour le consommateur final n’a augmenté que de 30% depuis 1973, alors que le pouvoir d’achat a doublé pendant cette période, et qu’en outre le prix de l’énergie en général et des carburants en particulier avaient plutôt baissé depuis 15 ans.
Conclusion : malgré les apparences, et sous quelque forme que ce soit, l’énergie vaut de moins en moins cher en fraction du pouvoir d’achat. C’est notre dépendance à l’énergie qui augmente ! (dit en termes d’économiste, l’élasticité diminue).