L’écologie peut avoir deux définitions :
- celle du journal, pour lequel il est souvent suffisant, pour mériter la casquette d’écologiste, de s’autoproclamer comme tel, et peu importe alors le fond de ce que l’individu préconise ou la manière dont il se comporte à titre individuel, ses préconisations ou ses actes pouvant parfois (et même assez souvent…) être parfaitement contradictoires avec le but poursuivi,
- la recommandation, pour soi-même et les autres, de comportements dont l’observation aboutit, de fait, à une moindre pression sur l’environnement
J’ai choisi d’illustrer comment on pouvait alors, comme un Monsieur Jourdain des temps modernes, être écologiste à travers un discours ou un comportement qui n’avait surement pas cette vocation-là, mais qui, quand on le regarde de près, montre qu’il conduit de fait à préserver l’environnement.
Jean-Pierre Coffe
La première impression du lecteur sera peut-être de se demander si je n’ai pas reçu quelque objet de poids sur la tête, ou si je n’ai pas descendu des escaliers sur cette même partie de mon corps, en qualifiant Coffe d’écologiste. Et pourtant… que dit l’individu dans son dernier livre, « A table en famille avec 15 euros par jour » ? (Plon).
- que 150 grammes de viande par personne et par jour sont amplement suffisants,
- qu’il faut se fournir au marché et non en grande surface,
- qu’il faut acheter des produits locaux et de saison.
Notre ami parle d’or pour notre propos. Pourquoi ?
- les nuisances de l’agriculture sont pour une large part la conséquence de notre souhait de manger beaucoup de viande. Plus de la moitié des surfaces agricoles servent à nourrir des animaux (que nous mangerons ensuite), et il faut rappeler que pour les émissions de gaz à effet de serre l’agriculture représente le premier poste en France.
Répartition par activité des émissions en France pour l’année 2004, tous gaz à effet de serre (sauf ozone) pris en compte. Il s’agit des émissions brutes (je ne sais pas imputer les puits par activité !).
(*) le transport aérien international n’est pas pris en compte.
On remarque que la première source est l’activité agricole au sens large. Toutefois si l’on réintègre les émissions des raffineries, de l’industrie auto, etc, les transports montent probablement à plus de 25%.
Cela étant, un raisonnement similaire peut s’appliquer à l’agriculture : si nous rassemblons dans un même sac tout ce qui est émis pour nous fournir de la nourriture (agriculture, mais aussi le transport et la transformation industrielle de la nourriture, y compris la fabrication des emballages que nous jetterons ensuite), alors manger est probablement à l’origine d’un tiers des émissions environ.
Source : CITEPA, 2005
Actuellement la consommation de viande par Français est de l’ordre de 100 kg par an. Avec 150 grammes par jour (suggérés par Coffe), elle devient théoriquement de la moitié (150 grammes x 365 jours donnent un peu plus de 50 kg), et en pratique probablement de un peu moins, car la moyenne de 100 kg/personne/an tient compte des vieillards chenus et des nourrissons, qui mangent moins que 100 kg par an.
En proposant de nous faire manger moitié moins de viande, Jean-Pierre COFFE contribue indirectement à la baisse des nuisances agricoles de toute nature et notamment de ses émissions de gaz à effet de serre. La mise en oeuvre de ses préconisations (diviser la consommation de viande par 2) ferait baisser les émissions françaises de 5 à 10% : ce n’est pas rien !
- les courses à l’hypermarché sont les moins écologiques qui soient : c’est le magasin où l’on se rend systématiquement en voiture, et les marchandises vendues sont rarement produites localement, donc ont aussi parcouru beaucoup de kilomètres avant d’être achetées. Diverses tentatives de chiffrage que j’ai vues montrent que, à montant d’achats égal, un hypermarché engendrait de 2 à 20 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’un commerce de centre ville (dont les marchés font généralement partie).En conseillant d’aller au marché plutôt qu’à l’hypermarché, Jean-Pierre COFFE préconise indirectement de faire ses courses plus souvent à pied et moins souvent en voiture, et d’acheter plus souvent des produits locaux (au marché on trouve encore quelques maraîchers, éleveurs de volailles, producteurs de miel, de fromages…) qui n’ont pas parcouru des milliers de km et moins des produits venant de loin, qui auront leur contrepartie en termes de camions qui nous font tant pester sur les routes.
- les produits qui ne sont pas de saison ont soit poussé sous serre (chauffée, quelques fois, avec fioul ou gaz) soit poussé très loin (fraises en février par exemple) et dans tous les cas de figure cela engendre des émissions de gaz à effet de serre supplémentaires.
- Enfin au marché on est sur de ne pas ressortir avec un panier à moitié rempli de choses que l’on avait absolument pas l’intention d’acheter en entrant, or ces « choses », pour être fabriquées, ont conduit à des émissions de polluants divers dont des gaz à effet de serre. Au pire, vous vous retrouverez, dans cette catégorie, avec quelques olives, pistaches et épices pour couscous ou curry (j’en ai plein mes placards et je crois que je n’ai jamais fait un vrai curry de ma vie…), mais aucun danger de devoir dépenser des sommes folles en biscuits à apéritif, ou aux rayons « non alimentaires » parce que le petit dernier a vu tel truc « à la télé » ou que tel article est « en promotion » et que cela ne se refuse pas, même si vous n’en avez pas l’usage ! En évitant d’acheter des choses inutiles, on peut à la fois dépenser plus d’argent dans une nourriture de meilleure qualité et dépenser plutôt moins globalement, et tout cela est bon pour l’environnement (sauf si les économies servent à prendre l’avion, à acheter une voiture ou à agrandir les pièces chauffées de la maison, bien sur…).
Les préconisations de Coffe sont en plus l’illustration que l’écologie, ce peut être joyeux et goûteux : d’expérience, c’est quand même nettement plus sympathique d’aller faire le marché (où dès que l’on a ses habitudes les commerçants sont généralement très agréables, voire farceurs) que d’aller promener un caddie dans un hypermarché anonyme et aseptisé, et surtout c’est drôlement meilleur une fois dans l’assiette !
Les autonomistes corses
Que cherchent généralement les mouvements écologistes ?
- la préservation des espaces naturels,
- la diminution des nuisances de toute nature liées à notre civilisation moderne (bruit, émissions diverses dues au trafic routier, absence d’industries polluantes, etc)
- si possible, l’arrêt des projets (centres commerciaux, autoroutes, usines, programmes immobiliers…) qui vont à l’encontre des deux premiers objectifs.
Or, vu sous cet angle, et sans qu’il soit nécessaire de me retenir une chambre à Sainte Anne, force est de constater que les autonomistes corses agissent en parfaite conformité avec ces objectifs :
- en créant un climat peu propice aux investissements économiques ils préservent dans le même temps leur île des nuisances indissociables du « développement » éponyme : pas d’investissements industriels, c’est l’assurance de ne pas avoir d’usines polluantes, de norias de camions, de bruit, d’accidents industriels…, et pas d’investissements dans le tertiaire, c’est notamment moins de trafic routier !
- en contribuant à donner de la Corse l’image d’un « pays de fous » – et en plastiquant un peu ici et là de temps à autre pour être sûrs que l’on s’en souvienne – ils dissuadent aussi sérieusement les investissements touristiques, or il est probable que sans cela il y a longtemps que le littoral corse serait une côte d’Azur bis, dont la préservation des espaces naturels (je parle de la Côte d’Azur) n’est pas vraiment une caractéristique première,
Evolution de l’urbanisation d’une portion de la côte d’Azur entre 1960 et 1990.
Source : Conservatoire du littoral.
- plus généralement, le fait de ne pas avoir permis que la Corse devienne des Baléares bis a sérieusement limité les nuisances liées au tourisme :
- le touriste se déplace (provoquant une augmentation des transports), au besoin par avion, alors que le trafic aérien n’est pas vraiment ce que l’on fait de plus respectueux pour l’environnement (voir émissions de gaz à effet de serre des avions sur un exemple concret), et sinon par voiture en exigeant de larges autoroutes pour ne pas être bloqué dans les bouchons (lesquelles autoroutes serviront ensuite à développer le transport routier longue distance pendant le reste de l’année, ce qui fera lever les bras au ciel de bon nombre des mêmes touristes, mais pris avec leur casquette de « riverain d’une autre voie routière d’importance ailleurs en France » !),
- s’il se sent bien dans l’endroit qu’il visite et qu’il a les moyens, le touriste fera monter les prix de l’immobilier, ce qui poussera à l’urbanisation des espaces naturels (et accessoirement empêchera les autochtones, qui n’ont pas les moyens, de devenir propriétaires chez eux, ce que l’on constate par exemple dans bon nombre de régions du Sud de la France),
- s’il aime la voile (c’est mon cas) le touriste pousse à la contruction de ports de plaisance, qui ne sont pas toujours des bienfaits pour le littoral,
- le touriste cueille volontiers les fleurs rares, jette facilement ses ordures un peu partout, et j’en passe : sans la moindre volonté d’être méchant ou destructeur, le touriste exerce inéluctablement une sérieuse pression sur l’environnement. Les régions « sauvées » par un tourisme qui aurait permis de financer des remises en état sont très nettement marginales devant celles que le tourisme a sérieusement contribué à dégrader du point de vue de l’environnement.
- même l’agriculture corse est très respectueuse de l’environnement : les vaches s’y promènent dans la montagne, au lieu de manger du maïs fourrage qui aura pollué tant et plus pour sa culture !
Bref les autonomistes corses sont d’authentiques écologistes, puisqu’ils font tout ce qu’ils peuvent pour la préservation de leur île en l’état. N’en connaissant aucun, je ne sais pas si la préservation des espaces naturels fait partie de leurs objectifs avoués, mais en tous cas leur comportement devrait objectivement leur valoir la sympathie de tous les mouvements écolos « officiels ».
Il y a certes besoin de quelques morts pour assurer le succès de cette politique, mais on pourra argumenter que le fait d’avoir évité quelques accidents industriels (peu d’usines) et accidents routiers (moins de trafic, notamment de camions) rend peut-être le bilan pas si mauvais que cela ! Pour défendre le plus efficacement possible l’environnement dans une région donnée, il me semble donc que d’y créer un mouvement autonomiste est une option à considérer très sérieusement….