Depuis 1860, date des premières statistiques que j’ai pu trouver, la consommation énergétique mondiale n’a cessé de croître de manière plus ou moins exponentielle (ci-dessous).
Evolution constatée de la consommation totale d’énergie commerciale (c’est à dire hors bois, dont une large part échappe aux circuits commerciaux), depuis 1860, en millions de tonnes équivalent pétrole (une tonne équivalent pétrole = 11600 kWh).
Nous avons là une belle exponentielle ! On constate facilement que :
- ni la guerre de 14, ni celle de 39, ni le choc pétrolier de 1974, ni la « Guerre du Golfe » n’ont affecté significativement une hausse constante,
- nous sommes massivement dépendants des énergies fossiles (85% de l’approvisionnement mondial aujourd’hui),
- les diverses énergies se sont plus « surajoutées » que substituées, et en particulier le pétrole n’a pas tué le charbon, dont la consommation continue de croître, et le gaz n’a pas tué le pétrole !
Sources : Schilling & Al. 1977, Agence internationale de l’Energie, Observatoire de l’Energie.
Un zoom sur la période récente confirme que les 2 chocs pétroliers et la Guerre du Golfe ont conduit à un léger infléchissement passager, mais rien de plus.
Evolution de la production d’énergie primaire mondiale de 1971 à 1997 répartie par sources d’énergie.
Les combustibles des transports maritimes et le marché de l’électricité ne sont pas compris.
La répartition différente entre nucléaire et hydroélectricité (par rapport au premier graphique de la page) tient à une différence dans les coefficients de conversion.
On voit très clairement que les sources non fossiles (nucléaire, hydroélectricité) sont très minoritaires. Attention : les renouvelables comprennent le bois de chauffage, qui, sans replantation (ce qui est le cas dans les pays tropicaux), ne devrait pas rentrer dans cette catégorie (puisque le bois n’est alors pas renouvelé !).
Mtep = millions de tonnes d’équivalent pétrole
Coal = charbon
Oil = pétrole
Gas = gaz
Nuclear = nucléaire
Renewable = renouvelables
Other* = autres = solaire, éolien, chaleur, etc.
Source : Agence internationale de l’Energie.
Et à l’avenir ?
La quasi-totalité de nos émissions de CO2 – et une partie des émissions des autres gaz à effet de serre – sont issues de notre consommation énergétique. Or, tendanciellement, c’est à dire « si on continue comme maintenant », les consommations d’énergie vont fortement augmenter,
- sous l’effet de la croissance démographique de première part,
Evolution démographique mondiale constatée de 1880 à 2001, en milliards d’hommes.
Source : Musée de l’Homme.
Un exemple d’évolution démographique projetée, en milliards d’hommes, jusqu’en 2100.
NB : il y a bien sur plusieurs scénarios de croissance démographique possibles, et même une infinité ! Par exemple, un autre scénario du GIEC débouche sur 15 milliards d’hommes en 2100.
Toutefois il s’agit toujours d’évolutions « douces », de telle sorte qu’il n’existe aucun scénario prévoyant une diminution rapide de la population dans les décennies à venir : aucun « prévisionniste » ne table sur une épidémie massive ou une guerre mondiale, deux éventualités parmi d’autres que pourtant personne ne peut déclarer comme impossibles.
Un scénario n’est donc rien d’autre que la réponse à des hypothèses bien précises, et plus ou moins probables et exhaustives, et personne ne peut parler de « prévision exacte », par nature impossible à faire.
Source : GIEC.
- sous l’effet de la croissance économique ensuite, sachant que la corrélation entre croissance de la consommation d’énergie et croissance économique est actuellement assez forte avec notre système socio-économique en vigueur (ce qui marche dans les deux sens : une bonne récession, il n’y a aujourd’hui rien de tel pour faire baisser la consommation d’énergie !)
Evolution de la consommation d’énergie finale mondiale de 1971 à 1997 répartie par région.
L’Asie ne comprend pas la Chine.
Ce zoom sur les années récentes illustre le corrélation mentionnée ci-dessus : on constate facilement une brusque contraction de la consommation énergétique des pays composant l’ex URSS au début des années 90, juste après la chute du communisme (en vert clair), au moment où ces pays ont enregistré une très importante récession. Cette évolution est aussi marquée, quoi que moins facile à lire sur le schéma, pour les anciens pays communistes d’Europe de l’Est (non-OCDE Europe). Les chocs pétroliers (lorsque le prix de l’énergie augmente, en 1974, 1979, 1990) ne conduisent qu’à une stabilisation au niveau mondial, mais pas à une diminution significative.
Source : Agence internationale de l’Energie.
Pourquoi est-ce que nous aurons cette augmentation « en continuant comme maintenant » ?
Parce que, dans les pays occidentaux :
- Nous consommons de plus en plus de produits manufacturés dont la fabrication coûte de l’énergie et engendre des émissions de gaz à effet de serre (c’est la fameuse « augmentation de la consommation des ménages », que tout le monde considère généralement comme étant une bonne nouvelle),
- Nous nous déplaçons plus souvent et plus loin, et considérons cette possibilité comme un droit non négociable,
- Nous mangeons de plus en plus de viande (enfin cette augmentation semble s’être un peu stabilisée récemment), or la production de viande, étonnamment, requiert une grande consommation d’énergie fossile ; « dans » un kg de bœuf il y a plusieurs kg d’hydrocarbures !
- Bref la « croissance économique » (la fameuse croissance, qui est aussi considérée comme une bonne nouvelle) a tendance à nous faire consommer plus d’énergie, même avec la « dématérialisation » de l’économie.
Et parce que, dans les pays « en développement » :
- Les habitants aspirent à rouler en voiture, comme nous,
- ils aspirent à prendre l’avion, comme nous,
- ils aspirent à consommer beaucoup de biens de consommation, comme nous.
- ils aspirent à manger beaucoup de viande, comme nous (la consommation de viande a été multipliée par 5 en France de 1800 à 2000, et je suis prêt à parier une partie de mes économies qu’une évolution semblable s’est produite dans bon nombre de pays occidentaux).
- Bref ils aspirent à notre mode de vie, particulièrement à celui des américains, qui sont les plus gros consommateurs d’énergie par habitant de la planète, et qui, à travers leurs exportations audiovisuelles, qui sont les premières du monde, peuvent montrer leur manière de vivre à la terre entière.
A l’évidence, nous ne saurions les empêcher d’augmenter leur consommation de manière pacifique sans changer nous mêmes nos modes de vie.
Il existe de nombreux scénarios concernant la consommation d’énergie à l’avenir, et les émissions de gaz à effet de serre qui sont associées. On peut trouver sur une autre page de ce site internet une description sommaire des scénarios utilisés par le GIEC pour alimenter les modèles climatiques, ou encore, sur une autre page, quelques réflexions sur les scénarios qui figuraient dans le « Rapport du Club de Rome« .
Une remarque importante pour finir : les scénarios habituellement diffusés par les grands organismes internationaux (OCDE, World Energy Council, United Nations, etc) ne prennent en compte aucun « bouclage », c’est à dire que la consommation d’énergie n’est infléchie par aucun événement négatif qui découle précisément de la consommation d’énergie. Par exemple aucun scénario de ces grands organismes ne considère l’éventualité qu’une conséquence déjà significative du changement climatique vienne tellement perturber les activités humaines que la consommation d’énergie cesserait d’être une fonction croissante. Seul le Club de Rome avait tenté ce genre d’expérience, mais sa méthodologie n’a pas fait beaucoup de petits au sein des organismes sus-mentionnés.
Pour en savoir plus
Les statistiques de l’Agence internationale de l’Energie ; celles du World Energy Council.