Comme il n’y a pas de raison de changer une formule qui marche, et surtout que les entreprises qui prospectent et « produisent » le gaz sont les mêmes que celles qui prospectent et produisent le pétrole, la nomenclature des réserves pour le gaz suit très exactement celle utilisée pour le pétrole. Nous allons donc retrouver exactement les mêmes termes que ceux qui est employé pour les hydrocarbures liquides :
- les ressources en place désignent le gaz effectivement présent dans le gisement, sans considération sur la fraction qui voudra bien en sortir,
- les réserves prouvées désignent la quantité de gaz dont l’opérateur garantit l’extraction future aux conditions techniques et économiques du moment dans les gisements en exploitation. Pas plus que pour le pétrole l’opérateur ne garantit que ces quantités vont sortir avec un débit croissant ou constant, et les exprimer en « années de consommation » conduit à la même funeste erreur d’appréciation que pour le pétrole. Pas plus que pour le pétrole ces réserves prouvées ne peuvent inclure du gaz contenu dans des gisements qui ne sont pas encore exploités.
- les réserves ultimes correspondent à la totalité du gaz qui finira par sortir d’un gisement (ou d’une zone, ou de la planète dans son ensemble).
- les réserves 2P correspondent à l’évaluation la plus probable, ex-ante, des réserves ultimes.
Avant de passer à ce qui suit, qui va essentiellement se borner à souligner les différences entre pétrole et gaz, je vais donc me permettre de renvoyer le lecteur (parfois une lectrice, au demeurant) vers la page qui disserte sur les réserves de pétrole, tout en se souvenant que souvent… pétrole et gaz sont associés dans un même gisement.
Quantification des volumes
Pour le pétrole, les réserves prouvées sont notamment évaluées sur la base des débits des puits d’exploitation déjà forés, et pour le gaz l’idée générale est à peu près la même. Mais la prévision du débit futur (puisque la production garantie n’est rien d’autre que le cumul du débit futur) à partir du débit présent est un exercice plus compliqué pour le pétrole que pour le gaz. En effet, pour ce dernier l’exploitation consiste essentiellement à décompresser une poche souterraine. Du coup, pour le gaz, dès l’instant où les volumes produits ont généré une baisse de pression du gisement suffisante, les volumes extractibles restant sont connus avec une assez grande précision.
Du coup, les réévaluations en cours de vie du gisement sont bien plus faibles que pour le pétrole. Pour augmenter les réserves prouvées, il faut donc nécessairement trouver de nouveaux gisements. Et en matière de découvertes, il se trouve que la situation est assez analogue à celle du pétrole : cela fait 40 ans, environ, que nous avons passé le maximum des découvertes annuelles, et la tendance est désormais à la baisse.
Evolution des découvertes mondiales de pétrole et de de gaz extractible pour le monde dans son ensemble, hors USA et Canada.
L’échelle de gauche donne les volumes découverts par décennie, en milliards de barils de pétrole ou d’équivalent pétrole pour le gaz, et la courbe de droite donne le nombre de gisements découverts.
Le nom du plus grand gisement géant de gaz ou de pétrole est indiqué pour chaque décennie (Burgan et Ghawar concernent le pétrole, Urengoy, North Field et South Pars du gaz).
La quantité de pétrole ou de gaz mentionnée est l’évaluation la plus probable de ce qui finira par sortir des gisements découverts, en tenant compte des réévaluations effectuées depuis la découverte.
Notons deux faits bien connu des pétroliers mais beaucoup moins du grand public en ce qui concerne les découvertes de gaz :
- Cela fait 40 ans que nous sommes passés par le maximum des découvertes annuelles, qui déclinent depuis 1970, et sont désormais inférieures à la production (mais cela n’empêche pas les réserves prouvées de continuer à croître, entre autres parce qu’il peut s’écouler longtemps entre le moment de la découverte et le moment de la mise en exploitation, laquelle exploitation est indispensable pour pouvoir publier des réserves prouvées)
- Le nombre de gisements découverts chaque année est le même aujourd’hui que dans les années 60, mais pour des volumes 4 fois inférieurs (les gisements sont donc 4 fois plus petits).
Source : IHS energy, 2006
Si nous combinons les découvertes à la baisse, avec un taux de « jaillissement naturel » déjà très élevé, le gaz ne devrait pas permettra autant cette « réserve d’optimisme pour l’avenir » que le pétrole nous a offert, avec la réévaluation constante des réserves prouvées malgré une décroissance rapide de la découverte de nouveaux réservoirs.
Par contre le gaz non conventionnel vient rajouter une couche de complexité, avec des réserves faibles – la production future garantie à partir des puits existants est faible – mais une production qui peut être significative à condition de forer en permanence.
Où sont les réserves de gaz ?
Comme pour le pétrole, le gaz n’est pas vraiment distribué de manière équitable entre tous les pays du monde. La première zone par ordre d’importance reste le Moyen Orient, mais sa suprématie est moins écrasante que pour le pétrole. Par contre, comme pour le pétrole, l’Union Européenne consomme un gaz qu’elle ne produit pas !
Part de chaque zone géographique dans les réserves prouvées, la production, et la consommation de gaz en 2013.
Source : BP Statistical Review, 2014
Un classement par pays pour les réserves prouvées donne les deux premières places du podium à la Russie et l’Iran, dans un ordre qui varie avec les années. Par ailleurs l’Iran et le Qatar partagent un même champ géant qui s’étend sur les deux pays, et du coup décider qui a quoi quand deux pays piochent dans le même réservoir est une affaire pas complètement triviale.
Montant des réserves prouvées de gaz pour les 30 premiers détenteurs mondiaux, en milliers de milliards de mètres cube.
Les trois premiers du classement totalisent 50% des réserves mondiales, et les 10 premiers environ 80%. L’Union Européenne et la Norvège réunies sont au niveau de l’Australie, avec 2% du total mondial.
Source : BP Statistical Review, 2014
Quelle évolution aux réserves de gaz ?
Comme pour le pétrole, les réserves prouvées de gaz ont une certaine tendance à croître en permanence, alors même que les grandes découvertes sont passées et que l’exploitation vide fatalement les gisements découverts. Mais les découvertes sont plus récentes, et il n’est pas possible d’avoir l’effet pervers d’une « OPEP du gaz », puisque qu’il n’existe pas de telle organisation. Il est donc possible que nous soyons encore dans « la vérité »…
Evolution des réserves prouvées de gaz par zone, en milliers de milliards de mètres cubes.
Source : BP Statistical Review, 2014
Notons aussi que cela fait des décennies que l’Amérique du Nord domine la production mondiale de gaz… en ayant depuis des décennies des réserves très basses !
Part de chaque zone dans la production mondiale de gaz, en milliards de mètres cubes par an.
(un milliard de mètres cubes ≈ 0,9 million de tonnes équivalent pétrole).
Source : BP Statistical Review, 2014
Les réserves prouvées ne disent donc pas tout pour les pronostics de production future…
Quel type d’acteur détient les réserves ?
Comme les acteurs industriels de l’exploration production font à la fois pétrole et gaz, ce sont les mêmes compagnies qui détiennent les réserves de pétrole et celles de gaz. Le graphique ci-dessous rappelle les noms de ceux qui font la course en tête.
Classement par ordre d’importance des premiers détenteurs de réserves dans le monde, gaz et pétrole agrégés.
Les compagnies d’état sont en beige, les compagnies russes (privées en théorie, mais fonctionnant presque comme des compagnies d’état en pratique) en bleu, et dans ce classement ne figure qu’une seule compagnie internationale, Exxon (en vert puisqu’il s’agit de grands écologistes !).
Les autres compagnies familières des européens (BP, Shell, Total), sont détentrices chacune de 1% à 2% des réserves mondiales seulement, et ne figurent pas dans ce classement.
Source : PFC, 2005
Les vérifications des réserves prouvées, mieux que pour le pétrole ?
Il n’y a pas plus de vérification, par des tierces parties, des montants publiés dans le gaz que dans le pétrole. Question réglée !