DIAMOND Jared, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, éditions Gallimard, 2006
(400 pages, 29.5€)
Commentaire
Il est assez fréquent, dans la manière de présenter les enjeux environnementaux, d’opposer les pâquerettes, les dauphins et les ours à l’homme : quand il s’agit d’être vivants autres que nous, notre espèce est manifestement un empêcheur de proliférer en rond, et une bonne défense de l’environnement se fait nécessairement au détriment du bonheur des hommes, en nous « privant » d’un espace de liberté quand l’essentiel de la contrepartie profite à d’autres espèces. C’est dans la continuité de cette même approche que l’environnement est souvent perçu comme un centre de coûts pour notre économie (il faut dépenser pour éviter de polluer) et non comme un centre de profit (on préserve un actif qui va nous rapporter des sous).
C’est tout le mérite du livre de Diamond que de contribuer à tordre le cou à cette opposition infondée. A partir d’une compilation proprement impressionnante de travaux portant aussi bien sur l’exploitation minière dans les Etats-Unis du 20è siècle que sur la religion chez les Vikings du Groenland ou encore le régime alimentaire des Mayas, Diamond démontre lentement mais sûrement que dans le passé les négligences environnementales – conscientes ou non – ont pu coûter humainement très cher ensuite, allant jusqu’à contribuer de manière déterminante à la disparition de sociétés entières pour quelques cas sur lesquels il disserte longuement.
Ce livre aurait pu s’en tenir au constat historique, il n’en aurait pas été moins intéressant. Mais ce qui intéresse Diamond est bien sûr d’aller au-delà, pour lancer – lui aussi – quelques alertes pour l’avenir. Il rejoint d’une certaine manière tous ceux qui considèrent que l’actif environnemental est essentiel à l’essor des sociétés humaines, y compris à la croissance économique qui nous excite tant ces jours ci. Si ce capital est suffisamment entamé, la croissance cède le pas à une décroissance plus ou moins rapide, voire à un effondrement. Diamond souligne à ce propos que nombre des sociétés qu’il a étudiées se sont effondrées peu de temps après leur apogée « apparente » (les plus grandes statues, les plus beaux temples…), ce qui bat en brèche l’idée que quand tout va bien le début des ennuis est nécessairement pour dans très longtemps.
Bien que je n’ai pas relevé d’erreur grossière dans le domaine que je connais le mieux, il est évident qu’une telle somme doit comporter quelques inexactitudes. A mon sens, elles ne font en rien obstacle à l’essentiel du propos, nuancé, argumenté, posé, et donc d’autant plus inquiétant.