JOLY Eric, Ecologiquement incorrect, éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2004
(210 pages, 17.5€)
Eric Joly a été journaliste à l’Express. Avec Jean-Paul Croizé, il va pouvoir monter l’AAJDCCO : Association des Anciens Journalistes Dénonciateurs du Complot Climatique Onusien.
Commentaire
NB : ce livre ne parle pas que de climat, et ma recension ne concerne donc que le chapitre qui en traite (le premier, en l’occurrence).
Ce livre aurait pu être une fort bonne idée : celle d’une analyse critique du discours des organisations dites écologistes, qui – je l’ai constaté un certain nombre de fois – ne se privent pas, parfois (voire souvent, sur certains sujets), d’interpréter à leur manière le discours des scientifiques, de préconiser des actions incohérentes entre elles, de confondre 1 et 1000, ou encore d’avoir des militants qui font, à titre personnel, exactement l’inverse de ce qui est préconisé « pour les autres ».
En pareil cas j’aurais été très fier d’y être cité (c’est la première fois que je suis livré en pâture au lecteur dans un bouquin : c’est la gloire !), car je souscris volontiers au constat que bien des organisations ou figures dites écologistes ne sont pas exemptes d’incohérences dans leur manière d’agir ou de discourir (et si tant est que l’on me considère comme un militant écolo parfois, je ne fais probablement pas exception à cette règle).
Malheureusement, en ce qui concerne le chapitre climat (je n’ai pas lu les autres), c’est raté. L’auteur tombe dans tous les travers qu’il dénonce chez ceux qu’il vise, ce qui rend l’exercice quelque peu risible :
- l’auteur n’a manifestement pas consacré plus de quelques minutes à comprendre de quoi il retourne : sa définition de l’effet de serre tient en une phrase (incompréhensible), il confond perpétuellement évolution moyenne et évolution locale (un peu comme si on disait que toutes les notes doivent monter dans une classe pour que la moyenne monte), il confond tout autant passé et présent (au prétexte qu’il ne s’est encore rien passé de grave, il ne se passera nécessairement rien de grave plus tard), il confond encore prédiction à 100 ans et à 1000 ans, il confond climat et météo, il confond le CO2 dans l’atmosphère et la pollution par les particules à Paris (!), et le pompon c’est quand il confond (page 17) le rayonnement terrestre et le CO2 !
- accessoirement il est évident qu’il n’a pas lu les rapports du GIEC qu’il critique tant, pas plus que le rapport du Club de Rome qu’il mentionne également,
- les informations qu’il cite sont rarement sourcées (on ne sait pas s’il a lu ce qu’il rapporte dans le magazine Voici, dans un livre, ou dans la revue « Climate Dynamics« ). Il n’y a que quelques rares exceptions, qui concernent toutes des publications non scientifiques (des livres grand public, Le Monde, ou encore Paris Match), et des auteurs qui ne sont pas des scientifiques concernés (voire pas des scientifiques tout court). Mon cher internaute (ou ma chère internautesse, ce qui est nettement mieux) pourra constater que toutes les informations disponibles dans ma rubrique climat (tableaux, figures) sont sourcées (c’est-à-dire que j’indique de quel organisme je les tiens, et quelle est l’année de la publication).
- la plupart du temps, il est difficile de comprendre si il vise les scientifiques, les militants qui citent les scientifiques, ou même les journalistes qui citent des militants qui eux-mêmes se prévalent de scientifiques, mais le sait-il lui-même ? Lorsque ce qu’il dénonce est finalement une exagération de la presse, le coupable est-il vraiment le(s) scientifique(s) dont « on » a tordu les propos ? Que ne s’en prend-il à la chaîne de transmission de l’information qui en est à l’origine ?
Enfin la série n’aurait pas été complète si cet auteur n’avait pas, lui aussi, enfourché le cheval du complot onusien, expliquant comme tant d’autres avant lui que le GIEC profite de ce prestigieux parrain (mais qui n’est pas le seul : il y a aussi l’organisation météorologique mondiale) pour mentir à la planète entière. Compte tenu de tous ses prédécesseurs en la matière (Lenoir, Fourçans, Sorman, Lomborg, Croizé, Kohler, et peut-être quelques autres qui m’ont échappé), une chose qu’il ne peut plus dire c’est qu’il se dresse seul contre tous ! C’est maintenant une armée de chevau-légers de la dénonciation du prétendu complot qui est partie à l’assaut…. Une conclusion que j’en tirerais bien, c’est que ce créneau (le pamphlet climatique) est rentable, parce qu’un éditeur n’est pas un philanthrope, mais un chef d’entreprise qui doit faire tourner sa boutique. Si tant se lancent dans l’aventure, c’est que cela doit se vendre, non ?
Bref, cette partie du livre est un gros flop à partir d’une bonne idée. A refaire, quoi….