MEGIE Gérard, Ozone, l’équilibre rompu, éditions Presses du CNRS, 1989
(250 pages, 23€)
Avant de devenir président du CNRS, Gérard Mégie a été professeur à Paris VI (Jussieu), directeur du service d’aéronomie du CNRS (intégré depuis dans un ensemble plus vaste appelé LATMOS), et fondateur et premier président (1991-2000) de l’IPSL. Il était membre de l’Académie des Sciences. Il est malheureusement décédé en juin 2004.
Je suis particulièrement fier que ma première incursion dans le monde littéraire (lors de la rédaction de « L’effet de serre« , aux côtés d’Hervé Le Treut) ait été jugée suffisamment digne d’intérêt par Gérard Mégie (mais le nom d’Hervé a probablement emporté 95% de la décision !) pour qu’il accepte d’écrire une recension de notre modeste ouvrage.
Commentaire
Cet ouvrage permet de boucler la boucle de la compréhension du fonctionnement de l’atmosphère, en se focalisant sur un composant peu abondant (c’est le moins que l’on puisse dire !) de l’air, mais déterminant à plus d’un titre : l’ozone stratosphérique, sans lequel le monde ne ressemblerait en rien à ce qui nous entoure. Rédigé au moment de la mise en oeuvre du Protocole de Montréal, il présente le dossier scientifique connu à l’époque sur les rôles (car il y en a plusieurs) joués par l’ozone stratosphérique dans le « système Terre », et présente en détail les caractéristiques de ses agresseurs d’origine humaine, les CFC.
Rédigé par un des spécialistes mondiaux du sujet (voir notice biographique plus bas), cet ouvrage propose un panorama large, partant des processus naturels en cause pour se terminer par les marges de manœuvre qui sont à notre disposition pour résoudre le problème posé. Il est toutefois conseillé de ne pas être trop réfractaire à la chimie pour se plonger dans cette lecture, mais il est vrai que la chimie de l’ozone étant un véritable casse-tête, il est difficile de traiter du problème sans écrire une seule réaction !
Malgré son titre, il commençait aussi à se pencher sur les variations climatiques induites par l’homme, avec de bonnes raisons cependant, puisque d’une part l’ozone est un gaz à effet de serre, et d’autre part que le parallèle entre les deux problèmes a un sens : dans les deux cas, il s’agit d’un bien commun à préserver (l’atmosphère), d’un phénomène global et non local, d’émissions persistantes (la durée de vie des CFC se compte en siècles, comme celle du CO2) rendant leur localisation indifférente, et donc, dans un cas comme dans l’autre, une solution qui ne peut se mettre en place qu’à l’échelle mondiale (n’en déplaise aux anti-mondialistes ! « chacun dans son pré carré sans se préoccuper du voisin » aurait ici été une catastrophe…).
Enfin je ne résiste pas à l’envie de vous citer la conclusion, qui montre que les plus écologistes ne sont pas nécessairement ceux qui s’autoproclament comme tels lors des élections, et que bon nombre d’ouvrages scientifiques comprennent des invitations à la réflexion sur notre avenir qui sont loin d’être mineures.
« Face aux modifications de l’environnement terrestre induites par les activités humaines, la voie est donc étroite entre une absence d’action s’appuyant sur les incertitudes scientifiques et la croyance aveugle dans le progrès technologique, et une réaction trop brutale qui menacerait les équilibres politiques et socioéconomiques. Consommateurs, industriels, hommes politiques et scientifiques doivent aujourd’hui s’engager dans un combat commun pour préserver l’avenir des générations futures. Combat qui implique tout d’abord le développement de la recherche dans plusieurs domaines. Scientifique, pour une meilleure compréhension des mécanismes qui régissent l’équilibre du climat et de l’environnement. Économique, pour inventer de nouveaux modes de croissance et mieux gérer les ressources naturelles. Technologique, pour mettre au point énergies nouvelles et produits de substitution. Ce combat intègre nécessairement une réflexion à long terme sur le partage indispensable des richesses de la Terre, la croissance démographique, et l’accélération du développement du Tiers-Monde. Enfin, il impose la prise en compte de la dimension écologique dans tout processus de décision politique et économique. La sauvegarde de notre planète et des intérêts vitaux de l’humanité est à ce prix.«