LE TREUT Hervé, Nouveau climat sur la Terre, éditions Flammarion, 2009
(230 pages, 21€)
Commentaire
Ayant eu le grand privilège de partager l’affiche avec Hervé Le Treut dans la rédaction de “l’Effet de Serre”, il y a maintenant presque 10 ans (p…, 10 ans !), je serais de la plus parfaite mauvaise foi en prétendant à l’objectivité dans ce qui va suivre. Je vais donc nécessairement dire que la dernière production de notre ami mérite le débours de 21 euros, mais, ce qui est à mon sens plus intéressant, disposer de cette antériorité et de cette proximité permet de mesurer l’évolution du discours de l’auteur en une décennie…. et ce qui n’a pas changé depuis notre aventure littéraire commune.
Ce qui n’a pas changé, c’est le souci presque maniaque du mot juste et de la profondeur de l’explication. Engagé depuis de très nombreuses années dans une inlassable croisade de pédagogie sur son domaine de compétence (la simulation du climat futur), tant il est persuadé (à juste titre) que seules les contraintes comprises – donc expliquées – peuvent se gérer dans la démocratie, Hervé Le Treut a produit un livre peut-être un tout petit peu difficile d’accès pour le véritable grand public, mais qui, pour le lecteur attentif et intéressé, est un remarquable compromis entre pédagogie (et tout ce qu’elle suppose de mesure et de nuance) et explications techniques exhaustives sur la machine thermodynamique qui a permis notre apparition et que nous sommes en train de perturber de manière excessive.
Certes, si l’on regarde le fond, l’essentiel des informations sur la physique du climat qui figurent dans ce livre étaient peu ou prou disponibles dans « L’Effet de Serre« , ce qui au fond est normal puisque les lois qui régissent le fonctionnement du climat sont les mêmes qu’il y a 10 ans. Par ailleurs, Hervé Le Treut a choisi de rester concentré sur son sujet (la machine climatique) et ne s’est donc pas aventuré dans des domaines connexes (le détail des émissions, ou encore des usages de l’énergie) que d’aucuns aimeraient peut-être trouver dans un tel livre. Mais cette dernière livraison a bénéficié des avancées les plus récentes de la recherche sur le climat (et rappelons que, en matière de recherche, la frontière entre les sujets de débat et les acquis se déplace en permanence), et, dans ce domaine, nous propose une incursion en profondeur qui laisse peu de questions de côté.
Rédigeant seul pour la première fois, Hervé Le Treut a réussi un très bel exercice où les questions citoyennes sont sans cesse posées en filigrane ou de manière plus explicite (faut-il augmenter le prix de l’énergie ? recourir au nucléaire ? avoir une approche particulière des relations internationales ?), sans que l’auteur ne se risque jamais à user, pour ces sujets « aval », de la même autorité que celle dont il dispose dans son domaine de compétence. En ces périodes où ses « contradicteurs » sont loin d’avoir autant de scrupules, cette distanciation avec le sujet dès qu’il pense qu’il sort de son domaine de compétence est tout à son honneur. Mais, tout en ne tombant pas dans le même piège, ce livre a indirectement bénéficié du « climatoscepticisme ». Car loin d’y répondre avec des invectives, ou même des sautes d’humeur qui seraient pourtant tentantes face à la mauvaise foi habituelle des « sceptiques », l’auteur y a répondu en redoublant d’efforts de pédagogie et sans jamais se départir de son calme et ses réponses soupesées du premier au dernier mot, à l’identique de ses prestations orales que je conseille très vivement à tous ceux qui ont la possibilité d’y assister.