Grandjean Alain, Jancovici Jean-Marc, Le plein SVP ! La solution au problème de l’énergie, éditions Seuil, 2006
(190 pages, 18.3€)
Commentaire
« Le Plein s’il vous plait !« , d’Alain Grandjean et votre serviteur, a été publié aux éditions du Seuil en février 2006, et est désormais disponible en poche. Notre ambition est modeste, puisque la parution de cet ouvrage est juste destinée à sauver la planète (avec l’inconvénient que cela suppose aussi de sauver tous les emm… qui habitent dessus, petit problème sur lequel il faudra que nous nous penchions un de ces quatre), et que nous visons sa lecture par seulement 10% des électeurs inscrits avant la prochaine présidentielle. Ce serait juste un peu mieux, question ventes, que ce que Michael Crichton a fait aux Etats Unis avec son dernier roman : vous voyez, nous faisons profil bas.
Normalement, notre éditeur se charge de tout pour parvenir à ce résultat : petits arrangements avec le président iranien pour faire monter les cours du pétrole peu avant la sortie du livre, mise en avant du pétrole dans le discours de Bush sur l’état de l’union, négociations avec l’Education Nationale pour rendre le bouquin obligatoire au lycée, négociations avec les syndicats professionnels concernés pour le rendre obligatoire dans les salles d’attente des dentistes, coiffeurs, manucures et salons de toilettage pour chiens, et nous n’allons bien évidemment pas vous dévoiler ici tous ses trucs, des fois que la concurrence s’avise de nous les barboter.
Afin de ne pas être accusés de ne strictement rien faire pour sa promotion, quand même, nous avons décidé d’ajouter notre petite pierre à l’édifice en mettant en accès public, pour appâter le chaland toujours réticent à débourser 6,5 euros (tout fout le camp, je vous jure…), quelques informations hautement confidentielles telles que les critiques et commentaires publiés sur notre prose (juste les bonnes, quand il y en aura, vous ne croyez quand même pas que l’on va se tirer une balle dans le pied en mettant les mauvaises ?).
Erratum
Qui ne fait rien ne fait pas de bêtises, dit le dicton. Nous avons fait « le plein », et donc aussi écrit quelques bêtises ! Voici les erreurs qu’il convient de rectifier (les numéros de page renvoient à l’édition brochée initiale, pas à l’édition de poche à venir). Cet erratum ne concerne bien entendu pas les « manques » que l’on peut regretter de trouver dans cet ouvrage, car la finitude du monde s’applique aussi au nombre d’idées qu’il est possible d’exposer dans un livre de 200 pages.
- Page 50 : la mortalité sur Terre est de l’ordre de 150.000 décès quotidiens (un peu moins de 1% de la population mondiale meurt chaque année), et non de 50.000 (source INED). Cela représente un peu plus de 6.000 décès par heure, et de ce fait, Katrina ne représente plus que 10 minutes de mortalité supplémentaire (et non 30 minutes), et le tsunami de 2005 une grosse journée de décès supplémentaires (et non 4 jours).
Quelques critiques de presse
L’usine Nouvelle (1 juin 2006) – Isabelle Germain
Pour une décroissance fossile volontaire
Les auteurs le reconnaissent avec humour : leur thèse pourrait faire d’eux « de bons candidats à l’asile ». Alors que le prix du baril fait trembler l’économie, ils affirment que la hausse des taxes sur le pétrole serait une vraie bénédiction. Iconoclaste ! Pourtant, pour peu que le lecteur veuille bien cesser de regarder la réalité à travers les lunettes de la course à la croissance, il peut se laisser convaincre par ces arguments énergético-climatiques. Notre mode de vie n’est pas durable pour deux raisons : le changement climatique et la pénurie à venir d’énergie fossile. L’abondance d’énergie consommée par l’humanité provoque des volumes croissants d’émissions de gaz à effet de serre qui auront des conséquences désastreuses dans seulement quelques dizaines d’années. Entre l’ère des mammouths et notre époque, la planète n’a gagné que 5ºC, or la France ressemblait à cette période-là à la Sibérie !
L’énergie abondante et pas chère ne serait qu’une parenthèse dans l’histoire de l’humanité. Les projections scientifiques les plus sérieuses annoncent la fin de l’énergie fossile dans les cinquante à cent années à venir. Et pourtant, notre économie en veut toujours plus. C’est bien l’énergie fossile qui a entraîné le remplacement de 90 % des agriculteurs européens par des tracteurs et des engrais. Nous devons changer radicalement nos modes de vie. Pour y parvenir, il faut taxer de plus en plus l’énergie fossile. Et garder le produit de ces taxes dans les pays consommateurs pour obliger les autorités à de nouveaux arbitrages.
Le Parisien-Aujourd’hui, 19 avril 2006 (Valérie Hacot)
Et si c’était une bonne nouvelle…
La flambée des prix à la pompe pourrait être, en réalité, une opportunité. C’est en tous cas la thèse défendue par Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, deux polytechniciens. Dans leur ouvrage « Le plein s’il vous plait ! », ils n’hésitent pas à militer pour une augmentation progressive – mais conséquente – de la fiscalité sur le pétrole, ainsi que sur l’ensemble des énergies fossiles. Un programme pour le moins impopulaire… Mais à en croire les deux auteurs, absolument nécessaire pour éviter une catastrophe écologique, sociale et économique.
Objectif avoué : multiplier par quatre, en l’espace de quinze ans, le montant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), pour que celle-ci passe de 60 centimes le litre aujourd’hui à pas moins de 2,5 euros en 2020… Pour la consommateur, la hausse des prix dans les stations service s’établirait à un rythme annuel compris entre 6% et 8%. Elle ne passerait pas ainsi inaperçue, ce qui permettrait de changer complètement de la façon de vivre et de consommer des ménages. Un remède de cheval qui s’inspire de ce qui a été mis en place pour lutter contre le tabagisme. « Seule notre acceptation – résolue ou résignée – d’être touchés au porte-monnaie fera de nous des consommateurs vertueux », soulignent les auteurs.
Et de rappeler que, si nous continuons sur notre lancée, l’avenir de nos sociétés, et de l’humanité toute entière, apparaît bien compromis. Réchauffement climatique, épuisement des réserves d’hydrocarbures, choc économique et social… Les fléaux qui nous guettent sont légion. A nous de réagir avant qu’il ne soit trop tard. Le débat est lancé.
Le Monde, 7 avril 2006 (Hervé Kempf)
Entre libéralisation des marchés et constitution de grands groupes internationaux, la question de l’énergie est dominée par l’idée apparemment incontestable qu’il est nécessaire de maintenir son prix bas. Cette approche se traduit par l’affirmation qu’il faut augmenter les capacités de production d’énergie. Mais l’idée, si elle correspond bien aux intérêts des grands groupes, est contraire à l’intérêt général, dès lors que la question climatique et les perspectives d’épuisement du pétrole entrent en scène.
C’est le mérite du livre de MM. Jancovici et Grandjean d’expliquer pourquoi, au contraire, il faut espérer et organiser une hausse des prix de l’énergie.
Au coeur du problème énergétique contemporain, écrivent nos deux polytechniciens, le déséquilibre entre l’offre et la demande, mais plus encore la raréfaction programmée du pétrole. Réexpliquant la théorie maintenant bien connue du « pic pétrolier », selon laquelle le monde connaîtra bientôt son maximum de production pétrolière, ils tablent sur la restriction inexorable de cette ressource. « L’humanité a consommé autant de pétrole entre 1980 et 2000 qu’entre 1859 et 1980 ; avec une consommation qui croît de 2 % par an, doubler la quantité de pétrole extractible ne promet pas un demi-siècle de tranquillité supplémentaire, mais à peine dix à quinze ans. »
Or tout est fait pour que cette croissance de la consommation énergétique continue, ce qui conduit à la crise prochaine, quand l’offre ne pourra plus répondre à la demande.
Deuxième écueil incontournable : le changement climatique, dont un chiffre simple exprime l’importance : « Un écart de 5 degrés s’appelle tout simplement… un changement d’ère climatique. » Par exemple, l’écart qui nous sépare de l’ère glaciaire, quand les mammouths déambulaient sur les terres glacées du Bassin parisien. Or il apparaît de plus en plus clairement que cette élévation de la température est en route.
Les conséquences si rien ne change dans le système économique ? A assez court terme, compte tenu de notre dépendance au pétrole, une crise économique comparable à celle de 1929. Et, en même temps ou peu après, les dégâts provoqués par le changement climatique (sécheresses, crises agricoles, épidémies…). Pourrait-on éviter ce double péril par le recours à d’autres énergies ? Les auteurs ruinent les illusions : le charbon ? Ses réserves sont elles aussi limitées, et sa combustion émet beaucoup de gaz à effet de serre. Les éoliennes ? Il en faut plusieurs milliers pour remplacer un seul réacteur nucléaire. Les biocarburants ? Très bien – à condition d’accepter la déforestation et une agriculture toujours plus polluante. Le nucléaire ? Pour être à l’échelle du problème, il faudrait construire 8.000 réacteurs en cinquante ans – on en compte aujourd’hui 350. Combien de déchets et d’accidents cela représenterait-il ?
En fait, « le XXIe siècle a toutes les chances de voir le début de la décroissance longue de la consommation d’énergies fossiles, la seule question posée étant de savoir si cette décroissance sera volontaire, ou résultera d’un processus qui ne nous aura pas demandé notre avis ». Et, pour les auteurs, le meilleur moyen « d’économiser volontairement l’énergie » est de « désirer une hausse de son prix en termes réels ». Cette hausse doit se faire de manière régulière et ordonnée pour permettre à la société de s’y adapter.
Le marché étant incapable de le faire sans brutalité – et, appauvrissant l’économie, en transférant les sommes concernées vers les producteurs d’énergie -, les auteurs recourent à un moyen horrible, scandaleux, démodé : la taxe ! L’argumentation en faveur de celle-ci est bien étayée, même si le lecteur se prend à douter du réalisme de la politique proposée, étant donné la prégnance de l’idéologie libérale. Une pierre aura néanmoins été posée par ce livre convaincant.
Sciences et Avenir, avril 2006 (David Larousserie)
(…) Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean sont les plus pragmatiques. Après avoir démontré avec brio qu’il ne faut pas attendre grand-chose des énergies renouvelables, des progrès techniques ou du nucléaire, ils constatent qu’il faudra donc diminuer la consommation totale. Pour y parvenir, il faut renchérir le prix de l’énergie (qui finalement n’est pas si élevé que cela par rapport au pouvoir d’achat). Ils plaident donc, de façon convaincante, pour une taxation forte des énergies fossiles, progressive, mais croissant beaucoup plus que le pouvoir d’achat. L’effet recherché est le même qu’avec la taxe sur le tabac. C’est une sorte de sévice qu’on s’inflige aujourd’hui pour ne pas le subir demain, encore plus durement. Ce n’est pas la solution miracle mais « rien ne marchera sans la taxe », affirment les auteurs. (…)
La Recherche, avril 2006 (anonyme)
« Le kilowattheure fossile vaut 10 centimes, alors que le kilowattheure humain, avec des sherpas payés au smic, vaut 100 euros ». Et si le problème de l’énergie venait en partie du fait qu’on ne la paie pas au prix réel ? C’est en tout cas une des vues de cet ouvrage au ton enlevé. Un livre étonnant, qui tord le cou à plus d’ue idée reçue.
L’Expansion, avril 2006 (Bernard Poulet, Rédacteur en chef)
C’est un des livres essentiels de l’année. Une histoire qui fait froid dans le dos. Ecrit par un spécialiste du réchauffement climatique et un économiste, tous deux polytechniciens, Le plein s’il vous plait ! démontre implacablement comment la poursuite des tendances actuelles en matière d’énergie « implique qu’un changement dans l’évolution du monde interviendra avant 2100 ». Notamment parce que la décroissance de la production pétrolière se produira dans moins de quarante ans. Cet ouvrage, bref et bien écrit, n’est pas l’oeuvre d’écologistes dogmatiques – Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean sont favorables à l’énergie nucléaire – et se lit comme un polar.
Si tout n’est pas réparable, nuancent-ils, on peut au moins limiter les dégâts. Plusieurs mesures sont donc proposées, comme l’intégration des coûts « périphériques » – par exemple celui du désamiantage – dans le prix des produits, et surtout l’instauration d’une taxe sur les énergies fossiles. On peut discuter tel ou tel point, mais on suivra Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean quand ils souhaitent que ces questions soient discutées dans les grands médias et lors du débat lié à la présidentielle de 2007. Il en va de l’avenir, proche, de nos enfants.
Bulletin de l’Industrie Pétrolière, mars 2006 (anonyme)
L’ingénieur-conseil Jean-Marc Jancovici et l’économiste Alain Grandjean ne sont pas du genre optimistes. Les deux polytechniciens ont le don de nous saper le moral en balayant d’un revers de la main les solutions couramment présentées face à la perspective du « peak oil » et du changement climatique.
Faut-il s’inquiéter du volume des réserves pétrolières ? Au cours des dernières décennies, les réserves prouvées n’ont cessé d’augmenter, rappellent les optimistes. De fait, elles sont passées de 72 millards de tonnes (Gt) en 1970 à 140 Gt en 2000. Certes, répondent les auteurs, mais cette vision de la situation est partielle et trompeuse. On s’appuie le plus souvent aujourd’hui sur les réserves prouvées car ce sont les seules que les autorités boursières obligent à publier. Mais, si elles ont effectivement augmenté, dans le même temps, les réserves additionnelles, non encore prouvées, ont fondu, passant de 250 à 89 Gt entre 1970 et 2000. Autre indicateur inquiétant : le nombre de découvertes pétrolières, en baisse rapide depuis 1960. Ainsi, par exemple, en Arabie Saoudite, 70% de la production provient de champs mis au jour il y a plus de 50 ans. Conclusion des auteurs : « la décroissance de la production pétrolière sera inéluctable dans moins d’une génération, même si l’échéance précise reste (et restera jusqu’à la fin) un objet de débat ».
Un réchauffement de 20 °C d’ici 2200 ?
« Qu’à cela ne tienne !, poursuivent les optimistes, les solutions de rechange ne manqueront pas pour compenser la future baisse de la production pétrolière ». Le charbon, par exemple. Mais dans ce cas, on aggravera encore fortement le problème du changement climatique. En continuant à utiliser massivement des combustibles fossiles, la température moyenne de la planète pourrait grimper de 5°C d’ici à 2100 (chiffre souvent cité lorsque l’on parle d’effet de serre) et, estiment les auteurs, de 10 ou 20 °C d’ici à 2200 (un niveau de hausse rarement évoqué mais véritablement effrayant).
La capture et la séquestration du carbone ne devraient-elles pas permettre de réduire les émissions de CO2 ? Que nenni, affirment nos deux empêcheurs de dormir sereinement. Au mieux, ces procédés (qui ne sont toujours pas au point) pourraient à terme limiter les émissions de 20%. Quand bien même, poursuivent-ils, en recourant massivement aux combustibles fossiles et si la consommation énergétique continue à augmenter en moyenne de 2% par an, comme elle l’a fait depuis 1970, nous pourrions avoir consommé les réserves de pétrole, de gaz et de charbon en moins d’un siècle.
Aucune solution technique miracle
« Pas grave », rétorquent les optimistes. Les progrès technologiques permettront de développer d’autres sources d’énergie pour répondre aux besoins sans perturber plus avant le climat. Qu’attendre des énergies renouvelables, qui ne représentent aujourd’hui qu’une faible part de la production énergétique mondiale ? Au mieux, « nous pouvons envisager une contribution des renouvelables double ou triplée dans les décennies qui viennent », estiment Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean. Bref, la solution n’est pas là.
Notre salut ne viendra pas davantage du nucléaire, qui ne fournit actuellement que 5% de l’énergie primaire au niveau mondial. « Faire passer cela à 75% en 50 ans, si dans le même temps la consommation gloable de l’humanité double (…) supposerait de construire environ 8000 réacteurs nucléaires dans ce même laps de temps (…), avec une croissance annuelle de 5% de la production nucléaire ». Pas impossible sur le plan technique mais peu probable compte tenu de l’appui de la population nécessaire, estiment les deux auteurs.
Quid de l’hydrogène ? Son utilisation massive à des fins énergétiques pose encore de nombreux problèmes techniques et n’est pas près d’être pour demain. De toute façon, « penser que la civilisation de l’hydrogène va nous sauver n’a pas plus de sens que de penser que la civilisation de l’électricité nous a rendus propres ».
Les économies d’énergie : une fausse solution
Il reste une option : continuer à concevoir des appareils et véhicules plus efficients permettant de réaliser des économies d’énergie. Sauf qu’il y a un « hic ». Car « les améliorations de la consommation d’énergie des appareils pris un par un n’ont jamais globalement engendré la moindre baisse de la consommation totale. (…) Pourquoi ? Parce que le déterminant principal de la consommation d’énergie, ce n’est pas performances des objets qui en consomment mais le prix ramené au pouvoir d’achat. Si le prix de l’énergie baisse en termes réels, alors le progrès technique ne sert pas à nous faire faire une économie globale mais à augmenter les usages : nous n’allons pas acheter la même voiture qui consomme moins mais une plus grosse voiture qui ne nous coûtera pas plus cher », expliquent Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean.
Dans ces conditions, que préconisent les deux spécialistes du secteur énergétique ? Une hausse progressive et continue de la taxe sur les énergies fossiles. Le montant de cette taxe devra être proportionnel aux quantités de CO2 émises.
La solution ? Une hausse des taxes
L’augmentation du prix du pétrole, du gaz et du charbon poussera à faire réellement des économies d’énergie et à se tourner peu à peu vers d’autres sources d’énergie. Elle sera certes désagréable pour les consommateurs mais, planifiée, prévisible et progressive, elle sera beaucoup plus facile à gérer qu’une hausse brutale des prix due au « peak oil ».
Le pire, dans tout ça ? C’est que les deux auteurs, qui maîtrisent leur sujet, sont très convaincants. De quoi nous rappeler ce que disait je-ne-sais-plus-quel-écrivain : « Les optimistes sont ceux qui n’ont pas tous les éléments pour comprendre la situation ».
La Décroissance (Anonyme)
L’énergie pour les nuls
Jean-Marc Jancovici est un spécialiste du dérèglement climatique et de l’effet de serre. Avec des mots très simples, son dernier livre nous explique pourquoi notre mode de vie, même celui des classes moyennes, est insoutenable. Le problème de l’énergie ne se résoudra pas dans quelque biocarburant ou autre leurre technologique. Aujourd’hui, « chaque Européen dispose de 100 domestiques en valeur énergétique en permanence », explique-t-il. L’énergie dont nous disposons est trop abondante, trop bon marché, et cela ne va pas durer. Dénonçant le PIB comme mode obsolète de calcul de la richesse, les deux polytechniciens auteurs du livre plaident pour une taxation accrue de l’essence. Dommage que les auteurs restent aussi pronucléaires, sans jamais aborder le problème des déchets et des dangers liés à cette industrie de mort. Ce n’est pas un détail pour nous. Cependant ce livre, très facile à lire, reste un bon outil pour s’initier au problème de l’énergie, avec en prime une grosse blague à la fin : Alain Grandjean, l’un des deux auteurs, est président de l’association pour un « capitalisme durable ». On en rigole encore.
NB : deux précisions semblent utiles, sans que mon intention soit le moins du monde de « croiser le fer » : 1 – le nucléaire occupe 2 pages sur 180 dans notre livre ; 2 – Capitalisme Durable n’est pas une association mais une société.
Marcel Gauchet, philosophe, rédacteur en chef de la revue « Le Débat » (21 mars 2006)
Votre livre [est] excellent. Je le fais lire partout autour de moi. Il est visible que les bobos commencent à nourrir quelques inquiétudes sur le sujet. Il n’y a manifestement que les journalistes qui ne s’en sont pas aperçus.
Les Echos, 16 mars 2006 (Gérard Moatti, Rédacteur en Chef),
Energie : le scénario de l’inacceptable
Drogués à l’énergie, il est urgent de nous désintoxiquer pour éviter la catastrophe.
Nous vivons dans un monde de drogués, et cette drogue s’appelle l’énergie : le mode de vie des sociétés développées – auquel aspirent aussi quelques milliards de Chinois, Indiens ou Sud-Américains – repose sur une consommation sans cesse croissante de pétrole, de gaz et de charbon. Or cette ère, qui a commencé avec la révolution industrielle, touche à sa fin, une fin qu’il devient urgent de prévoir et de préparer pour éviter qu’elle ne prenne l’allure d’une catastrophe planétaire.
Tel est le sujet de ce petit livre, aussi allègrement écrit qu’il est dérangeant, voire glaçant, sur le fond. La perspective tracée par les auteurs (spécialistes des questions de climat et d’économie de l’environnement) est simple : si nous ne savons pas encore quel obstacle – la pénurie d’énergie ou le changement climatique – se dressera en premier face à notre boulimie, nous pouvons être sûrs qu’au moins un de ces deux événements se produira à l’échéance d’une ou deux générations. Le pic de la production pétrolière sera atteint vraisemblablement autour de 2025. Pour les autres énergies fossiles, le répit sera plus long mais, au rythme actuel (une croissance moyenne de la consommation mondiale d’énergie de 2 % depuis 1970), tout le charbon, le gaz et le pétrole de la planète aura été brûlé avant la fin du siècle. Côté climat, la température moyenne s’est élevée de 0,6 degré au cours du XXe siècle : un réchauffement aussi rapide est sans précédent, et ses conséquences potentielles inimaginables.
Attendre ou… agir
Par quoi remplacer, dans un délai historiquement très bref, les 80 % de la consommation énergétique mondiale qui sont à la source d’émissions de gaz à effet de serre ? Le bois, de même que les biocarburants et les autres énergies renouvelables ne sont pas, et de loin, à la mesure du problème. Reste le nucléaire – mais si la plupart des Terriens rejoignent les standards de vie des pays développés d’ici à un demi-siècle, il faudrait construire quelque 8.000 réacteurs nouveaux pour satisfaire les besoins. A la condition (très improbable) que l’électricité puisse se substituer au pétrole, notamment pour les transports.
Nous avons donc deux options possibles. La première est d’attendre que le pire se produise – qu’il s’agisse de catastrophes naturelles, de dégradation des conditions sanitaires, de chômage générateur de troubles politiques… La seconde est d’agir. Mais, dira-t-on, et le protocole de Kyoto ? Illusion encore : ce protocole (non signé par les Etats-Unis) ne concerne que les gros utilisateurs, c’est-à-dire, en Europe, moins du tiers de l’énergie consommée. Or tout le monde est concerné, du smicard au millionnaire : les ménages sont responsables de 50 % de la pollution climatique. Et tout notre mode de vie est façonné par l’énergie, dont la consommation a été encouragée par la baisse de son prix en termes réels : l’habitat (et son chauffage), l’urbanisme (conçu en fonction de l’automobile), le confort ménager, les loisirs…
Préparer l’ère « postpétrole »
La vraie solution, pour les auteurs, serait une taxe sur toutes les énergies polluantes, dont le taux augmenterait progressivement, pour limiter, puis faire diminuer la consommation en laissant aux acteurs le temps de s’organiser. A titre d’exemple, si l’on prend pour objectif un carburant automobile à 3 euros le litre en 2020, son prix relatif (par rapport à l’évolution du pouvoir d’achat) devrait augmenter de 6 % à 8 % par an. L’avantage supplémentaire de cette taxe serait de procurer à l’Etat des ressources additionnelles (le « double dividende », cher aux écologistes) qui lui permettraient de financer la recherche d’énergies alternatives et l’aide aux reconversions. Enfin, même si la France devait être le seul pays développé à s’imposer cette cure, elle aurait intérêt à le faire pour atténuer le choc et entrer la première dans l’ère « postpétrole ».
Si les auteurs nous amènent, de façon assez convaincante, au constat des impasses énergétiques, on peut leur reprocher d’être beaucoup moins diserts sur les conséquences des solutions qu’ils proposent. Ainsi, pour neutraliser les pertes de compétitivité subies par les entreprises du fait de la nouvelle taxe, il suffirait, disent-ils, d’établir des droits de douane… Pourquoi, d’autre part, ne pas imaginer que la hausse de cette « TIPP élargie » soit compensée par une baisse des autres impôts, à prélèvements globaux constants ? Se préparer à la fin du pétrole n’implique pas nécessairement de renforcer l’étatisme : sur ce point, la réflexion reste ouverte.
Le Figaro, 8 mars 2006 (anonyme),
Deux polytechniciens s’alarment de la raréfaction annoncée des sources d’énergie et des conséquences du changement climatique. Puisque le prix du pétrole n’inclut ni l’un ni l’autre, ils estiment indispensable de le réévaluer par une taxe. La richesse à venir sauvée par l’impôt ? Une thèse iconoclaste pour un livre plein d’énergie.
La Croix, 7 mars 2006 (Fabrice Nicolino),
« (…) un livre en tous points remarquable (…) ».
Alternatives Economiques, 28 février 2006 (Marc Chevallier),
Vous pensiez que le changement climatique allait être stoppé parce que votre futur sèche-linge sera plus économe en énergie, que votre voiture roulera au biocarburant, qu’EDF plantera quelques éoliennes et que les industriels respecteront le protocole de Kyoto ? Dans un style direct et très pédagogique, Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean battent en brèche l’idée relativement répandue – notamment par les médias, dont ils pointent la responsabilité – selon laquelle la lutte contre l’effet de serre s’effectuera sans bouleverser les modes de vie des pays riches.
Pas question pour autant de faire l’apologie de la décroissance, dont les auteurs pointent le danger pour la démocratie. En revanche, il faut désintoxiquer dès maintenant l’économie de son addiction au pétrole, si l’on veut éviter un réveil brutal dans quelques années. Rien de mieux pour cela, selon les deux auteurs, qu’une taxe sur les énergies fossiles qui augmente progressivement leur prix : celle-ci posséderait l’avantage d’inciter à la baisse de la consommation avant même que l’épuisement des ressources ne se fasse sentir et de fournir à l’Etat une ressource supplémentaire pouvant être affectée aux investissements nécessaires à une société sans pétrole ou redistribuée aux professions les plus touchées par une telle mesure (routiers, pêcheurs), afin d’accompagner leur reconversion.
Bien qu’elle comporte sans doute plus de difficultés que n’en admettent les auteurs, la mise en place d’une telle fiscalité semble en effet indispensable pour préparer l’avenir. C’est le mérite de ce livre de briser un tabou en prônant cette mesure pas vraiment populaire.
LCI, 28 février 2006 (Jean-Louis Caffier),
L’animateur de Terre-Mère, Jean-Louis Caffier (par ailleurs présentateur des journaux du week-end), a introduit l’émission en tenant les propos suivants sur notre ouvrage : « un livre qui devrait marquer les esprits de ceux qui s’intéressent (…) à l’avenir de notre planète » ; « cet ouvrage, c’est comme un ouragan de force 5, au moins, il balaye les certitudes d’un système qui s’essouffle, il écrabouille les bunkers de la pensée unique, il place dans l’œil du cyclone climat, énergie, économie et démocratie ». Sa phrase conclusive est « J’espère vous avoir vraiment donné envie de lire ce livre, pas comme les autres ; il est grave, très sérieux, mais en même temps parfois très très… drôle (…) ».
BFM, 24 février 2006 (Vincent Giret, animateur des Grands Débats du Vendredi),
A l’occasion d’une émission sur BFM, Vincent Giret (par ailleurs directeur adjoint de la rédaction du Parisien), a tenu les propos suivants sur notre ouvrage : « un livre explosif », « un livre événement », « un essai qui est une vraie démonstration ».
France Info, 11 février 2006 (Nathalie Fontrel),
Pour sauver la planète, supporter la fin du pétrole et enrayer le réchauffement climatique, il faut voter pour le premier candidat qui proposera d’augmenter la fiscalité sur les énergies fossiles. C’est la conclusion du dernier ouvrage signé Jean Marc Jancovici et Alain Grandjean : « Le plein s’il vous plait ». Faut-il attendre la crise, la fin du pétrole, pour réagir ? Non répondent les auteurs, il faut anticiper. Augmenter les taxes a plusieurs effets : la consommation diminue et l’argent récolté peut être redistribué vers des professions qui auront du mal à supporter la hausse comme les routiers ou les agriculteurs. Les auteurs tordent le coup au « y’a qu’à »…
Y’a qu’à trouver d’autres sources d’énergie… après tout , la fin de l’âge de pierre n’est pas arrivée par manque de pierres ! Mais pour remplacer le pétrole par des biocarburants, il faudrait consacrer 50 millions d’hectares de terres au colza et à la betterave. 50 millions sur 55 millions d’hectares : c’est la surface de l’hexagone.
Y’a qu’à faire des voitures ou de l’électroménager plus économes. L’expérience montre que cela ne réduit pas la consommation. On abandonne le vieux frigo de 150 litres pas économe pour un frigo économe de 350 litres… auquel on ajoute un congélateur, un sèche linge économe, un micro ondes économes… bref. En multipliant les usages, on augmente la consommation d’énergie. La solution serait elle un retour à la bougie ?
Jean Marc Jancovici : « cela n’a pas de sens de dire que c’est un retour à la bougie ou à la préhistoire, parce que l’histoire ne s’efface pas. Le temps ne va que dans un seul sens. C’est un autre monde c’est certain : si on divise par 4 nos émissions de gaz à effet de serre en France, cela correspond à la consommation d’hydrocarbures que nous avions dans les années 50. Mais ce n’est pas la mort ! Quand on frémit à ce genre d’idée on oublie complètement que si on ne choisit pas d’organiser une diminution volontaire de notre consommation d’énergie fossile, les mathématiques nous imposent que ça se produira quand même – le pétrole n’est pas une énergie renouvelable – sans nous demander notre avis! Et les choses qui arrivent sans nous demander notre avis se passent souvent plus mal que lorsqu’on nous le demande ».