Propos recueillis par Régis Cailleau
Jean-Marc Jancovici est un polytechnicien qui ne manque pas d’humour et sait se servir de sa plume pour rendre clair ce qui à priori reste complexe : l’étude du changement climatique. Cet ingénieur conseil indépendant et spécialiste des questions de climatologie a publié de nombreux ouvrages sur la question et créé un site internet de vulgarisation : www.manicore.com. Une véritable mine d’informations à la portée de tout un chacun. Il répond aux questions de Playboy.
PB : Va-t-on assister, dans les années à venir, à une augmentation de phénomènes climatiques extrêmes ?
JMJ : C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Globalement, on sait que la température à la surface de la terre se réchauffe et qu’elle se refroidit dans la haute atmosphère. Cela intensifie les brassages d’air verticaux, qui sont à la base des orages, ouragans, tornades, et donc donne envie de dire oui à votre question, mais être plus affirmatif est difficile.
PB : Pourtant dans son rapport de 2001, le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) annonce une augmentation de phénomènes extrêmes notamment en Europe ?
JMJ : Le rapport du GIEC est classé par ordre de probabilité. Cela n’exclut pas que les choses se passent différemment. Les modèles ne permettent pas, pour l’instant, de répondre de manière formelle sur la question des phénomènes extrêmes, qui sont des phénomènes inhabituels par définition, alors que la modélisation est surtout destinée à donner des évolutions moyennes. Cela ne signifie pas non plus que le nombre de phénomènes extrêmes ou leur violence n’augmentera pas. Un certain nombre d’indices laissent même penser que nous aurons une augmentation de notre exposition à ce risque. Mais il ne s’agit que d’indices et de classement de probabilité.
PB : Le problème est que l’on n’est sûr de rien justement ?
JMJ : Attention : l’ignorance n’est pas une police d’assurances ! Ce n’est pas parce que vous ignorez que quelqu’un a le sida que votre risque est nul si vous faites l’amour. Le climat actuel est seulement 5° C plus chaud (en moyenne planétaire) qu’une ère glaciaire : cela suffit à comprendre que nous risquons de gros ennuis ! Les Gaz à Effet de Serre ont un effet cumulatif lent et l’essentiel des conséquences reste à venir. Le réchauffement global de la planète a déjà des incidences avérées sur le climat, mais encore mineures.
PB : Certains climatologues disent qu’il ne faut pas s’alarmer. Étrangement ce sont ceux souvent qui reçoivent des dotations du secteur de l’énergie pour leurs recherches. Ne trouvez-vous pas cela gênant ?
JMJ : Non cela ne me dérange pas et l’indépendance est une vue de l’esprit. Dans la recherche scientifique, il y a toujours une relecture critique faite par les pairs. La science ce n’est pas dis-moi qui te paie et je te dirais si ta théorie est vraie. Mais montre-moi ta théorie et je te dirai si elle est vraie. Au surplus, ceux qui disent qu’il ne faut pas s’alarmer sont rarement des gens bien informés !