NB : Le rapport peut se consulter ici. Les auditions peuvent intégralement se consulter ici.
Le texte ci-dessous est une transcription que j’ai relue mais dont je n’ai pas écrit le premier jet. De ce fait, le style ne correspond pas exactement aux tournures que j’utilise, et « on » ne m’a pas permis de tout réécrire !
M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. Jean-Marc Jancovici. Dans la première phase des travaux de notre mission, nous avons souhaité entendre un certain nombre de grands témoins. Le point de vue de M. Jancovici, dont nous avons tous consulté le site Internet consacré au réchauffement climatique, nous est donc particulièrement précieux.
Je salue d’autre part la présence de membres du comité de pilotage, notamment M. Christian Ngô, délégué général de l’association Écrin, M. Michel Petit, qui travaille sur le réchauffement climatique et a été le représentant de la France au bureau du GIEC de 1992 à 2002, Mme Cécile Ostria, directrice de la fondation Nicolas-Hulot, et M. Raymond Leban, professeur au CNAM.
M. Jean-Marc JANCOVICI : Je me propose de vous présenter, sous forme de diapositives commentées, quelques éléments de cadrage sur la question du changement climatique.
Le premier aspect que je voudrais souligner est d’ordre démographique. Encourager une politique nataliste pour financer les retraites, c’est, par la force des choses, accroître le problème du réchauffement climatique, du moins à consommation constante.
D’autre part, la hausse perpétuelle de la consommation de combustible fossile viole les lois mathématiques : cette hausse s’arrêtera nécessairement.
J’appelle votre attention sur le fait que les énergies que nous utilisons sont extrêmement anciennes. Ce qui change, c’est l’ordre de grandeur de leur utilisation. Les seules énergies véritablement nouvelles qui soient apparues au XXe siècle sont l’énergie photovoltaïque et l’énergie nucléaire.
Chaque forme d’énergie connaît sa propre croissance. Le charbon n’est pas du tout, pour notre plus grand malheur climatique, une énergie du passé, contrairement à l’idée que l’on peut en avoir en France. Les premiers consommateurs de charbon au monde sont les Australiens et les Américains. Les deux tiers du charbon extraits sur Terre servent à produire de l’électricité, la forme d’énergie finale qui croît aussi vite que le PIB.
Il est important de souligner que l’on n’a jamais su assurer la croissance économique sans faire croître les émissions de CO2. La corrélation est valable à la hausse comme à la baisse. Tant que cette corrélation est valable, appeler à la croissance économique, c’est, toutes choses égales par ailleurs, appeler à une hausse des émissions de CO2.
Les émissions de CO2 ne sont pas seules responsables de l’effet de serre. Les émissions de méthane sont pour l’essentiel liées aux pratiques agricoles. Le N2O est un sous-produit de l’utilisation des engrais azotés. Les chlorofluorocarbones, qui sont des halocarbures, sont maintenant interdits d’utilisation, mais ont été remplacés par des substituts qui sont des gaz à effet de serre assez puissants.
Les industries de l’énergie, c’est-à-dire les centrales électriques et les raffineries, constituent un quart du problème, tous gaz à effet de serre inclus. La sidérurgie est sans doute responsable de près du tiers des émissions de l’industrie manufacturière. Les émissions de l’agriculture augmentent avec la part de protéines d’origine animale dans la ration alimentaire. Car l’animal est un « concentrateur » de végétaux.
Au vu de l’ensemble de ces données, on doit conclure que le problème du changement climatique n’est pas un problème d’environnement classique, qui pourrait être traité indépendamment du reste. Tous les aspects de la vie humaine sont concernés. Cela signifie que les instruments de régulation doivent être plus économiques que techniques.
L’augmentation des gaz à effet de serre est irréversible à l’échelle de quelques vies humaines, et a fortiori à l’échelle d’une mandature.
Il faut souligner que, même avec des émissions constantes, l’augmentation de température au cours du XXIe siècle produira un changement d’ordre de grandeur par rapport aux variations naturelles du climat de la planète depuis 10 000 ans. Le système climatique est non linéaire : il faut se garder de raisonner de manière proportionnelle. On peut le comprendre à la lumière d’un exemple simple, celui de notre propre corps. Si celui-ci connaît une élévation de température d’un degré, il se portera mal, mais s’il connaît une élévation de température de six degrés, il ne se portera pas six fois plus mal : il sera mort. De même, si l’élévation de la température moyenne globale au cours du XXe siècle a été de 0,6 degré et a produit des effets somme toute limités, il ne faudrait pas s’imaginer qu’une élévation six fois supérieure produira des effets qui ne seraient que six fois plus importants.
Il est clair que la science ne peut pas dresser un tableau détaillé de tous les risques que nous courons. Elle ne peut que donner des ordres de grandeur qui orientent notre réflexion.
Les échanges naturels de CO2 entre l’atmosphère et les autres compartiments de la planète (écosystème terrestres, océans) sont à peu près équilibrés, mais ils dépendent de la température. Le CO2 est un gaz qui se dissout mieux dans l’eau froide que dans l’eau chaude. Les sources océaniques de CO2 sont donc constituées de masses d’eau en train de se réchauffer. Les puits océaniques de CO2 sont quant à eux constitués de masses d’eau en train de se refroidir. Si la température océanique s’élève, ces puits vont s’affaiblir. En ce qui concerne les écosystèmes continentaux, le flux descendant est celui de la photosynthèse, qui dans un premier temps a plutôt tendance à s’accroître avec l’augmentation de la quantité de CO2, de la température et de la pluviométrie. Mais le flux montant, dû à la décomposition du carbone contenu dans l’humus et dans les végétaux morts, croît lui aussi. Or la croissance du flux montant sature moins vite que celle du flux descendant. Si l’augmentation de la température dépasse un certain seuil, le flux descendant sera inférieur au flux montant : la décomposition du carbone des sols et des végétaux prendra le pas sur le flux descendant lié à la photosynthèse. Ainsi, les écosystèmes commencent à déstocker du carbone, ce qui enrichit l’atmosphère en CO2, produisant une augmentation de la température, laquelle conduit les écosystèmes à déstocker encore plus de carbone, ainsi de suite. Cette boucle infernale pourrait se déclencher dans quelques décennies. Nous n’avons donc pas l’éternité devant nous pour réagir.
La consommation de combustibles fossiles par l’humanité ne peut pas croître de 2 % par an jusqu’à la fin du XXIe siècle. Elle atteindra très probablement un maximum au cours du présent siècle. Mais ni le maximum de CO2 dans l’atmosphère, ni le maximum de température ne seront atteints au moment où nous passerons par le maximum des émissions. L’un comme l’autre continueront à s’élever des décennies à des siècles ensuite. Autrement dit, il est vain d’espérer que notre action pourra supprimer le problème à bref délai quand nous nous déciderons à agir dans les bons ordres de grandeur. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d’attendre, avant d’agir, que le niveau d’émissions devienne insupportable.
Si c’est la pénurie de combustibles fossiles qui se charge de réguler les émissions, nous aurons à faire face simultanément à une baisse de l’énergie disponible et à une hausse de la perturbation climatique. On ne saurait résoudre ces deux problèmes à la fois. Nous ne pourrons affronter le changement climatique que si nous disposons d’une quantité d’énergie suffisante.
Diviser par deux les émissions de CO2 implique de ramener la moyenne mondiale d’émissions au niveau actuel d’un Indien. La France, malgré son énergie nucléaire, est encore très loin de satisfaire aux exigences du développement durable. Elle devrait pour cela diviser par quatre les émissions par habitant.
L’énergie renouvelable la plus importante -dans le monde, comme en France- est le bois. Mais au niveau d’utilisation actuelle, elle n’est déjà plus renouvelable. La deuxième est l’hydroélectricité. Les autres sont négligeables. Leur niveau est tellement bas que même une augmentation annuelle de 15 % les porterait à un niveau toujours négligeable si l’ensemble de la consommation énergétique continuerait à croître de 2 % par an.
Si l’énergie éolienne croît de 10 % par an à partir d’aujourd’hui pendant cinquante ans – et aucune source d’énergie n’a connu une telle croissance sur une telle durée, sauf le pétrole à ses tous débuts – et que la consommation énergétique mondiale continue à croître de 2 % par an, l’énergie éolienne représentera dans cinquante ans moins de 1 % de la consommation mondiale. Le premier problème est donc de faire baisser la consommation mondiale d’énergie, et non d’augmenter le recours aux énergies non renouvelables.
La consommation mondiale de biocarburants représentent aujourd’hui environ 15 millions de tonnes équivalent pétrole, alors que la consommation mondiale de pétrole est de 3 500 millions de tonnes par an. Autant dire que le développement des carburants issus du colza et de la betterave est un intéressant problème de politique agricole, mais n’est qu’un élément négligeable d’une politique énergétique. Le Brésil, que l’on cite souvent en exemple, a une surface égale à 17 fois celle de la France, et un parc automobile deux fois inférieur.
Il est évident que la baisse de la consommation d’énergie ne sera significative que si elle porte sur les postes de consommation les plus importants. Au niveau individuel, il s’agit du chauffage, de l’achat des produits manufacturés et des transports. Et il est tout à fait clair que la consommation d’énergie ne baissera que si elle est plus chère.
Réaliser des économies sur un appareil consommateur d’énergie de caractéristiques données (par exemple une voiture de 40 CV) ne garantit pas pour autant la baisse de la consommation d’énergie globale liée à cette catégorie d’appareils. On peut toujours mieux isoler les bâtiments, mais si, dans le même temps, le parc de bâtiments à chauffer double en surface, il faut plus d’une division par deux de la quantité d’énergie consommée par mètre carré pour obtenir une diminution globale des émissions.
De même, la consommation d’un véhicule de caractéristiques données a baissé, mais le parc automobile a doublé en France entre 1973 et 2000, et les voitures ont gagné en masse et en puissance, ce qui fait plus qu’annuler l’impact des progrès techniques : la consommation de carburants routiers a doublé en France entre 1973 et aujourd’hui.
De même, un appareil électroménager consomme moins d’énergie à caractéristiques identiques, mais le nombre d’appareils, leur performance et leur variété ont fortement augmenté. Il n’y a pas eu d’économie globale.
Au début des années soixante-dix, c’est une période d’un siècle de pétrole peu cher qui a pris fin. Dans le même temps, le PIB n’a jamais cessé de croître. Cela signifie que le prix de l’énergie rapportée au pouvoir d’achat n’a cessé de baisser pendant un siècle.
Le choc pétrolier a eu un effet quasiment immédiat : les émissions de CO2 ont baissé dans presque tous les secteurs. Seul le transport routier a augmenté ses émissions. La raison en est que sa consommation d’énergie est très peu élastique. Il faut que les prix montent de manière durable pour que les comportements changent.
M. le Président : Je reviens brièvement à un point précis que vous avez évoqué. Il me semble que malgré l’augmentation du nombre de logements, l’amélioration de l’isolement a fait baisser la consommation d’énergie due au chauffage. Et nous pouvons encore faire des progrès dans ce domaine.
M. Jean-Marc JANCOVICI : La « mère de toutes les mesures » est d’augmenter la fiscalité sur l’énergie. Je sais que c’est difficile à faire admettre à l’opinion publique. C’est pourquoi la prise de conscience du problème est essentielle. Les ordres de grandeur qui permettent d’appréhender la réalité du changement climatique ne sont notamment pas enseignés dans nos collèges et nos lycées, pas plus qu’à l’ENA. L’information donnée par les médias est, quant à elle, très insuffisante, quand elle n’est pas totalement inexacte.
L’efficacité énergétique dépend essentiellement du prix de l’énergie. Si celui-ci croît plus vite que le pouvoir d’achat, l’efficacité énergétique est affectée à une diminution de la consommation globale. Si le prix de l’énergie décroît par rapport au pouvoir d’achat, l’efficacité énergétique est affectée à une hausse des usages, qui va plus vite que l’amélioration technique, et entraîne une hausse de la consommation globale. Tant que le prix de l’énergie ne croîtra pas par rapport au pouvoir d’achat, seules des économies individuelles seront réalisées.
M. Alain GEST : Autrement dit, comme pour le tabac, la consommation ne baissera que si le prix augmente ?
M. Jean-Marc JANCOVICI : Oui. C’est exactement la même chose. Il me semble que le discours public sur le changement climatique doit amener la population à considérer comme socialement acceptable que le prix de l’énergie croisse plus vite que le pouvoir d’achat.
M. Serge POIGNANT : Votre raisonnement vaut à l’échelle mondiale, et pas seulement pour la France.
M. Jean-Marc JANCOVICI : Absolument.
M. Serge POIGNANT : Or, nous sommes dans un contexte de concurrence économique mondiale.
M. Jean-Marc JANCOVICI : Nous avons d’autant plus de raisons d’augmenter le prix de l’énergie que les autres pays ne le font pas. Les acteurs de l’industrie pétrolière nous disent que le maximum de production pétrolière sera atteint d’ici une quinzaine d’années au plus tard. Moins les autres font des efforts, plus le choc est certain et proche, et donc plus nous avons intérêt à en faire. La hausse de la TIPP amortit les chocs. D’une manière générale, la hausse de la fiscalité permet de conserver de l’argent en France. Un choc pétrolier est un appauvrissement net du pays, alors que la taxe est un recyclage national de l’argent.
Cela dit, la mesure que je préconise fera des perdants. Et l’on sait que ceux-ci se font toujours plus entendre que les gagnants.
Par ailleurs, si nous nous engageons dans une politique qui apparaît intelligente et pertinente, il n’est pas exclu que d’autres pays s’engagent dans la même voie.
J’ajoute que des mesures vigoureuses suscitent souvent des craintes qui se révèlent infondées. Lorsque les États-Unis ont mené des campagnes anti-tabac extrêmement dures, les restaurateurs et les cafetiers n’en ont pas pâti, contrairement à ce que l’on craignait.
Mme la Rapporteure : Notre mission va être amenée à se pencher sur la négociation des objectifs post-Kyoto. Avez-vous un point de vue sur le mécanisme d’échanges de quotas ? D’autre part, pensez-vous qu’il conviendrait de négocier les objectifs en termes d’émissions par habitant, ou par point de PIB ?
M. Jean-Marc JANCOVICI : Tant qu’on n’a pas dit comment doit varier le PIB, la négociation sur les points de PIB s’arrêtera au milieu du gué. Cela ne peut en aucun cas constituer un objectif final. Au demeurant, le PIB est un indicateur de flux. Pour l’essentiel, il agrège des salaires et des rentes. Il ne mesure pas l’état de la planète.
S’agissant des quotas, je pense qu’il faut être pragmatique. Il existe toute une série d’activités pour lesquelles la fixation de quotas n’est guère possible, parce qu’elles correspondent à des usages trop diffus. Je pense aux émissions de CO2 par l’agriculture, par les bâtiments, par les transports. En outre, avec un système de quotas individuels attribués sur des durées courtes, il sera toujours difficile de demander des efforts globaux très importants, parce que le niveau de contrainte sera limité par ce que pourra supporter l’entité la plus fragile. Des quotas sont possibles pour quelques grosses industries lourdes, mais en tout état de cause, ils ne seront pas suffisants.
M. Denis MERVILLE : Si je comprends bien, vous n’avez qu’une seule recommandation à nous faire.
M. Jean-Marc JANCOVICI : Non. Je pense simplement que toute mesure est vaine si on ne commence pas par augmenter significativement le prix de l’énergie. Tous ceux qui se sont penchés sur le problème en sont arrivés à cette conclusion.
Imaginez que la TIPP augmente progressivement jusqu’à ce que le prix de l’essence atteigne 3 euros le litre. L’État encaissera environ 200 milliards d’euros, en supposant que la consommation ait baissé de 30 à 40 %. Ce n’est pas une petite somme. Si le pouvoir politique propose aux Français une vision à long terme, ce qui n’est pas le cas actuellement, sommes-nous sûrs que nos concitoyens refuseront cette mesure ?
M. Christian NGÔ : J’approuve presque tout ce qui a été dit. On arrive d’ailleurs aux mêmes conclusions si l’on envisage uniquement le problème énergétique. Notre civilisation est fondée sur l’utilisation des combustibles fossiles. Entre 1400 et 1820, un Français a doublé son pouvoir d’achat. Entre 1950 et 2000, il l’a multiplié par quatre, parce qu’il a consommé durant cette période beaucoup plus de combustibles fossiles. Or, toute perturbation de l’économie, notamment par les guerres, fait diminuer le pouvoir d’achat. Celui d’un Français a atteint un maximum en 1913, qui n’a été retrouvé qu’en 1968.
Le manque d’énergie peut conduire à des crises de civilisations. La déforestation massive a provoqué la disparition des Sumériens. Nous aurions pu disparaître à la fin du Moyen Âge en raison de la déforestation. Nous avons été sauvés grâce au charbon.
La disparition progressive des combustibles fossiles va donc nous poser un problème majeur, même en faisant abstraction de l’effet de serre.
Le prix de l’énergie doit être augmenté. Le baril de pétrole, déduction faite des taxes, n’est pas plus cher que l’eau minérale. Quand on le paie 60 dollars, il sort d’Arabie Saoudite à 3 ou 4 dollars, et le prix du transport le porte à 5 dollars.
Il est vrai que nous ne sommes pas seuls et que nous évoluons dans le contexte d’une économie internationale concurrentielle. Les premières augmentations de taxes devraient concerner les consommateurs captifs, qui ne peuvent pas se délocaliser.
M. Jean-Marc JANCOVICI : J’ajoute que ne pas augmenter volontairement le prix d’une énergie qui est appelée à se raréfier ne nous garantit, au mieux, que l’envolée de son prix.
M. Alain GEST : Votre vision quelque peu apocalyptique est fondée sur l’hypothèse de la raréfaction du pétrole. Or, sur cette question, les avis des spécialistes divergent. Ils s’accordent, sur le fait que le pétrole restera disponible pendant un certain nombre d’années, mais à un prix très élevé. Dans ces conditions, est-il vraiment utile d’augmenter les taxes alors que le prix du pétrole lui-même est appelé à augmenter ?
D’autre part, il m’a semblé que vous ne preniez guère en considération ce que l’on peut déjà faire pour limiter l’émission de CO2. J’ai été assez surpris de votre position sur les énergies renouvelables, non pas sur l’énergie éolienne, car je partage votre point de vue, mais sur les biocarburants. Ceux-ci pourront bientôt alimenter les avions, qui sont une source importante d’augmentation des émissions. J’ai également du mal à vous suivre dans votre comparaison entre le Brésil et la France.
M. Jean-Marc JANCOVICI : Il faut un hectare de terre pour produire une tonne de biocarburant, en rendement net. En France, nous consommons 95 millions de tonnes de pétrole. La France compte 50 millions d’hectares. Quelle que soit l’augmentation de notre production de biocarburants, elle ne couvrira jamais qu’une part négligeable de notre consommation de pétrole.
M. Raymond LEBAN : Il faut tout de même essayer de montrer les différentes facettes des mesures que l’on peut prendre. Il importe d’accélérer la prise de conscience de nos concitoyens. On ne peut se contenter d’un discours prônant l’augmentation de la fiscalité.
M. Jean-Marc JANCOVICI : Je ne peux tout de même pas tenir un discours qui occulte des réalités physiques incontournables : il faut un hectare de terre pour produire une tonne de biocarburant.
S’agissant de la taxe et de l’évolution du prix de l’énergie, je répète que la taxe est un recyclage national. Si vous attendez que le prix de l’énergie augmente, cet argent n’entrera pas dans les caisses de l’État français, mais dans celles de l’État russe, ou d’un autre.
M. Alain GEST : Comment une augmentation des taxes en France produirait-elle un effet d’évangélisation mondiale ?
M. Jean-Marc JANCOVICI : Le problème n’est pas là. Je suis en train de vous dire que si nous n’augmentons pas le prix de l’énergie volontairement, nous subirons de plein fouet un choc pétrolier extrêmement rude.
M. Michel PETIT : Je précise que M. Jancovici n’a pas préconisé une augmentation de la pression fiscale, mais de la fiscalité sur les carburants. Cette recette fiscale supplémentaire peut être consacrée à diminuer les charges sociales pesant sur le travail, ce qui permettrait de lutter contre les délocalisations. Elle peut également être compensée par la diminution d’autres taxes.
M. Jean-Marc JANCOVICI : J’ajoute qu’il est parfaitement possible d’instaurer des droits de douane sur les importations en provenance de pays qui taxent insuffisamment leur énergie si nous la taxons plus.
M. Denis MERVILLE : Je remarque que ce discours est celui que l’on entend à Bruxelles.
M. Jean-Marc JANCOVICI : Mais qu’il soit clair que je ne pense pas qu’il faille brutalement augmenter le prix du carburant. L’idée est de donner de la visibilité à une politique instaurant une nouvelle règle du jeu : rapporté au pouvoir d’achat, le prix de l’énergie augmenterait chaque année de 5 ou 6 %.
M. Serge POIGNANT, Président : Monsieur, je vous remercie de votre contribution aux travaux de notre Mission.