Tribune parue dans Les Echos du 25 Octobre 2016
Quand on pense « émissions de gaz à effet de serre », la première image qui vient à l’esprit n’est pas celle de votre agence bancaire, ou celle des traders que l’actualité met parfois sur le devant de la scène. Pourtant, dans le monde moderne, rares sont les usines, les mines, les transporteurs, les immeubles de rapport et les électriciens qui n’ont besoin ni d’investisseurs ni de banquiers.
Il est donc légitime de se demander si ces derniers ont déjà intégré la question du climat dans la manière dont ils prêtent ou investissent. En effet, peut-on limiter le réchauffement climatique à 2 °C avec une sphère financière qui continuerait à favoriser les activités émissives à l’égal de celles qui le sont moins ?
Il y a un peu plus d’un an, ce secteur s’est réveillé un beau matin en se frottant les yeux : Mark Carney, le président du Conseil de stabilité financière, un organisme créé en 2009 pour réguler la finance des pays du G20, a prononcé un discours extrêmement fort sur le « risque du changement climatique », présenté comme devenant du premier ordre, et devant être pris en compte de manière rapide par le monde financier. Pour autant, ce n’est pas encore demain matin que votre banquier vous prêtera moins cher si vous achetez une petite voiture (qui émet moins) plutôt qu’une grosse, ou se verra imposer des contraintes réglementaires supplémentaires s’il prête à une centrale à charbon plutôt qu’à un fabricant de laine de verre ou de vélos. Pour en arriver là, il faudra que le régulateur – le Comité de Bâle – s’empare du sujet, et demande par exemple des ratios de fonds propres plus élevés pour les prêts aux activités qui augmentent les émissions.
Pour que le système fonctionne, et éviter que tout le monde se peigne en vert à bon compte, il faudra aussi qu’il existe des méthodes opposables, partagées et mises en oeuvre par des tiers de confiance, qui quantifient combien un projet décarbone ou pas. Les Français ont pris une longueur d’avance dans ce secteur : dans une activité financière qui est mondiale par essence, il y a là une vraie opportunité pour reprendre le dessus sur l’ultra-domination anglo-saxonne qui règne depuis près d’un siècle.