Tribune parue dans Les Echos du 18 avril 2017
Fin des vacances ! Les bagages sont faits, la location nettoyée, la dernière photo dans la boîte… et pile au moment de partir vous constatez que vous êtes en panne sèche, que la station la plus proche est à 40 kilomètres, et que votre portable n’a pas de réseau.
Il ne le sait pas, mais c’est à peu près la situation que s’apprête à vivre notre prochain président. Aux dires des candidats, tout est prêt, évidemment, pour donner enfin à la France un souffle que les incapables qui ont précédé n’ont pas su créer. Les uns vont changer la constitution, les autres supprimer des fonctionnaires, d’autres encore quitter l’Europe ou augmenter le pouvoir d’achat, et tout va s’améliorer, promis !
Sauf que personne ne s’est préoccupé de savoir s’il y aura du carburant dans le réservoir pour faire tourner la mécanique promise. Et de la mécanique, il en faut pour assurer la production qui permettra de mieux rémunérer tout le monde, d’investir, et de rembourser la dette ! Et si la panne sèche nous guette, ce n’est pas nos biceps qui vont remplacer les moteurs de camion, ascenseurs, fours à pain, hauts fourneaux et usines chimiques pour maintenir le PIB au même niveau.
Or la panne sèche, elle arrive. Pas instantanément, certes, mais la tendance est claire : de 2006 – maximum historique à date – à 2015, l’approvisionnement européen (importations comprises) a baissé de 20% pour le charbon, de 17% pour le pétrole, et de 18% pour le gaz. Ecologie ? Que nenni : géologie ! Le déclin est en route…
Ajoutons-y 13% de baisse délibérée pour le nucléaire, et nous voici avec 10% de la nourriture pour machines en moins, malgré le « boom » sur éolien et solaire. Les machines sont certes devenues un peu plus efficaces, mais pas assez pour éviter que, de 2007 à 2016, la construction ne baisse de 18%, les tonnes transportées par camion de 17%, et plus largement la production industrielle de 5%. Cette tendance n’a désormais aucune raison de s’inverser.
Cette contraction énergétique européenne n’empêche pourtant pas le climat d’être en danger : il reste bien assez de charbon, de gaz et de pétrole ailleurs pour cela, et il faut compter des millénaires entre le maximum des émissions et le maximum des conséquences. Quid de tout cela dans la campagne ? On cherche encore…
Cadeau bonus : quelques graphiques à l’appui de l’article
Vous trouverez ci-dessous quelques graphiques non publiés avec l’article, mais utiles pour comprendre certaines affirmations.
Consommation d’énergie primaire en Europe, bois exclu, en millions de tonnes équivalent pétrole (une tonne équivalent pétrole = 11600 kWh).
On note un maximum – pour l’heure – en 2006, soit un an avant le début de la crise économique qui a démarré en 2007. « New Renewable » = toutes les renouvelables sauf le bois et l’hydroélectricité.
Un oeil exercé pourra constater les % de baisse qui sont évoqués dans l’article, énergie par énergie.
Evolution de l’indice mensuel de la construction en Europe depuis l’an 2000. Sources des données : Eurostat
On note clairement un maximum annuel en 2007, et un déclin tendanciel depuis, qui suit en gros l’évolution de l’approvisionnement énergétique.
Tonnes chargées en Europe depuis 2004. Source des données : Eurostat
On note clairement un maximum l’année du maximum de la consommation énergétique, et un déclin depuis qui suit à peu près l’approvisionnement pétrolier.
Production industrielle en Europe depuis 1991. Source des données : World Bank.
On voit clairement le maximum en 2007 aussi, et la petite remontée en 2014-2015 quand l’approvisionnement européen remonte un peu. Mais la tendance à la baisse depuis 2007 est claire.