Texte paru dans Metro le 31 mars 2010
NB : le texte ci-dessous est celui envoyé à la rédaction du journal. Je n’ai pas vu la version publiée…
La taxe carbone a un gros défaut : c’est une taxe. La difficile relation des français avec l’impôt, comme dans toutes les démocraties, vient de lui être fatale. Faut-il s’en réjouir ? Oui disent le MEDEF, l’Elysée, Que Choisir, une large fraction du PS, de l’UMP, des Verts, et de mes concitoyens, ceci étant du reste à l’origine de cela. Ils ont tort : la victoire à laquelle nous venons d’assister est celle de notre souffrance future.
La raison, c’est « l’autre côté du carbone » : la France importe 99% de son pétrole et 97% de son gaz. A chaque fois que le baril prend 50 dollars, le consommateur paye une taxe équivalent à 90 euros la tonne de CO2, mais… aux pays producteurs de pétrole, au lieu de la payer à l’Etat français. Or nos impôts, c’est le salaire des fonctionnaires, ou le chiffre d’affaires des entreprises qui travaillent pour l’état. Des taxes sur les carburants ou le gaz font râler le consommateur, mais elles sont recyclées chez nous et ne créent pas de chômage. Elles incitent les consommateurs à consommer moins d’énergie, et les entreprises à vendre des produits sobres : sacrée différence ! Par contre, un prix du pétrole qui augmente vite, c’est moins d’argent restant en France, et moins d’emplois chez nous : nous avons eu le loisir de le vérifier 5 fois depuis 1974.
Or le futur prix du pétrole va nous mettre à rude épreuve : la production mondiale d’or noir a buté sur ses limites géologiques, et va bientôt se mettre à décroître. Pas de taxe carbone, c’est zéro anticipation pour faire face à cette évolution, et c’est 500.000 chômeurs ou plus à chaque choc à venir (le prochain dans moins de 3 ans ?), sans que les chômeurs des chocs précédents n’aient disparu.
Donc oui cet abandon remplit un peu le porte-monnaie…. pour mieux le vider ensuite. Que la population, mal informée par des media paresseux, n’ait pas vu cela, est excusable. Mais que ceux qui nous ont réclamé la charge de conduire les affaires du pays soient aveugles à ce point, c’est une faute professionnelle majeure dont l’histoire se souviendra. Chantal Jouanno a raison d’être « désespérée » par cette reculade. Nous en serons tous les victimes.