Tribune parue dans Les Echos du 5 février 2013
La science l’a dit et redit : quelques degrés de plus pour la température planétaire, ce serait, en un siècle seulement, un réchauffement global de même amplitude que celui qui a causé la dernière déglaciation, démarrée il y a 20.000 ans, et terminée il y a 10.000. Appliquée, en un siècle seulement, à une humanité sédentaire de 7 à 9 milliards d’individus, une telle évolution produirait un monde violent et incertain, qui très accessoirement a peu de chances de produire un PIB en grande forme et une évolution radieuse du CAC 40.
Face à un constat relayé par tout bon connaisseur du sujet – sauf quelques trublions en mal d’ego et quelques ultra-libéraux allergiques à toute idée de contrainte à l’expansion – nous agissons peu, ou alors pour d’autres raisons. La palme des baisses sur les émissions de CO2 revient à la récession (-40% en ex-URSS de 1990 à 1998), puis à un programme nucléaire post choc pétrolier (-30% en France de 1980 à 1990).
Pourquoi ? La réponse, c’est Machiavel qui la donne : parce qu’agir suppose toujours de changer les règles, ce qui contrarie, à court terme, la vie des acteurs économiques et sociaux qui ont émergé avec les règles existantes. Or, en matière d’énergie fossile, le bénéfice de court terme concerne tout le monde, à commencer par chaque lecteur de cet article pris comme consommateur.
A la différence de nombre de problèmes d’environnement que l’on peut traiter en contrariant un nombre restreint d’individus (phytosanitaires, émissions de particules, métaux lourds…) pour un bénéfice collectif fort, résoudre l’équation énergie-climat demandera un petit ou gros effort à chacun, pour éviter un péril futur, collectif, et impossible à décrire avec précision. Que cela ne soit pas évident n’a donc rien d’anormal… et pourtant il ne faudra pas en rester là.
L’une des voies de sortie passe, étonnamment par le lobbying : il devient urgent que tous les acteurs économiques qui pensent qu’ils tireront plus d’opportunités que d’avantages d’une lutte résolue et déterminée contre les émissions de gaz à effet de serre s’unissent pour faire entendre une voix forte. C’est une des conditions de la mise en mouvement de la société !