Tribune parue dans Les Echos du 5 décembre 2017
L’Accord de Paris a gravé un chiffre dans toutes les mémoires, même si ce dernier est en pratique né à Copenhague : 2°C. C’est la hausse qu’il ne faudrait pas dépasser pour la température moyenne de la planète entre 1850 et 2100.
Mais les états, qui s’engagent au titre de la Convention Climat, n’ont « que » le pouvoir de fixer des objectifs et des règles du jeu au sein de leurs frontières. Au bout du bout, l’action réelle incombe aux consommateurs, aux entreprises, et aux administrations – locales ou nationales – sur leur fonctionnement propre. Et elles devront maintenir, sur un temps long, un effort conséquent.
Pour planifier et piloter une action massive à large échelle, il y a un préalable : la scénarisation. Sans cette étape, nous avons toutes les chances de mal apprécier l’objectif, et plus encore les moyens à mobiliser.
Scénariser est devenu un mode habituel de fonctionnement dans notre monde complexe, même si nous employons souvent un autre mot pour y faire référence. Quand un architecte dessine les plans d’un bâtiment, ou un ingénieriste ceux d’un futur réseau de métro, ou qu’un dirigeant économique fait un business plan, il ne fait pas autre chose : scénariser.
Pour le climat, la scénarisation d’ensemble est simple : pour tenir les 2°C, il faut a minima que les émissions planétaires soient divisées par 3 d’ici à 2050, et qu’elles soient nulles en 2080. Elles doivent baisser de 3% par an, et ce dès l’année prochaine. Le raisonnement est physique, donc imparable.
Là où les choses se compliquent, sur le plan technique s’entend, c’est quand il va falloir, pour un chef d’entreprise, inscrire l’entreprise dont il a la charge dans cette perspective globale. Comment faire pour déterminer à quelle part des émissions planétaires son entité – et surtout la chaine de valeur dans laquelle elle s’inscrit – a droit si le monde tient son objectif ?
La réponse à cette question, c’est un scénario 2°C, que le monde financier entend demander de plus en plus aux entreprises. Notre pays, historiquement au meilleur niveau technique en ce qui concerne les méthodes, doit avoir l’ambition de faire émerger une manière sérieuse de traiter ce sujet. Il ne s’agit pas d’imposer une contrainte idiote de plus aux entreprises : il s’agit d’inventer un raisonnement adapté pour piloter demain.