Tribune parue dans le quotidien gratuit Métro du 17 mars 2007
Alors que divers opposants ont manifesté Samedi contre l’EPR et, au travers de ce réacteur particulier, contre le nucléaire en général, un petit calcul éclaire le débat sur nucléaire ou pas de nucléaire dans notre pays. Une affaire qui nous concerne tous : l’énergie abondante, c’est ce qui a permis l’allongement des études, le passage du tourisme à 10% du PIB, la tertiarisation de l’économie, l’augmentation des divorces, l’apparition des mégapoles, la production de masse, l’augmentation du pouvoir d’achat, le triplement de la consommation de viande et quelques babioles annexes.
Si nous voulons abaisser la part du nucléaire à 50%, comme l’a un temps proposé Ségolène Royal, sans augmenter les émissions de CO2 dues à la production d’électricité, il faut diviser la consommation d’électricité en France par deux. La France consomme en effet un peu plus de 500 TWh d’électricité actuellement (1 TWh = 1 milliard de kWh). Dans ce total, 60 à 70 TWh viennent de l’hydraulique (impossible à augmenter, tout est équipé ou à peu près) ; 40 à 50 TWh viennent du « fossile » (gaz, charbon, pétrole), qui produit du CO2 ; l’éolien peut représenter 20 TWh tout au plus d’ici 10 à 15 ans, mais c’est une limite supérieure impossible à dépasser tant que personne ne sait stocker l’électricité en masse. Cela représente donc 120 à 140 TWh tout au plus de « non nucléaire », et si on veut que le nucléaire fasse uniquement 50% du total, on rajoute donc 120 à 140 TWh de nucléaire. Dans ce contexte, la consommation électrique de la France devient donc de 240 à 280 TWh, soit la moitié de ce qu’elle est actuellement.
Assurément on peut, mais il faut être bien conscient de ce à quoi nous nous engageons. Et le plus probable, si on ramène le nucléaire à cette proportion, est que nous n’aurons pas du tout des économies à due concurrence, mais de nouvelles centrales à charbon ou à gaz (c’est très exactement ce qui se dessine en Allemagne). Donc des émissions de CO2 supplémentaires.
De là, deux questions se posent :
- diviser par deux est toujours possible, mais quelles économies fait-on pour parvenir à un tel résultat, où, comment, à quel rythme, et quel est le discours pour rendre cela acceptable pour la population ? Il faut également savoir que si nous faisons 50% d’économies sur le nucléaire, cela
n’engendre aucun bénéfice sur les émissions de gaz à effet de serre (puisque le nucléaire n’en fait quasiment pas en indirect, et pas du tout en direct).
- le climat demande que nous divisions par 4 notre consommation de gaz, de charbon et de pétrole en 50 ans. Peut-on faire cela et supprimer le nucléaire ? Et si on ne l’arrête pas, pourquoi être contre la construction de l’EPR, puisque 90% du parc va être à remplacer dans les 30 ans à venir ?
NB : merci de consulter la page expliquant ce que je fais et avec qui avant de me considérer comme un toutou très bien payé pour dire du bien de l’industrie nucléaire !