Tribune parue dans Les Echos du 26 juin 2018
La Commission Européenne vient de nommer 35 experts, issus de plusieurs pays de l’Union, pour l’aider à travailler sur la finance « verte ». C’est assurément utile de réfléchir pour permettre au monde de la finance de séparer ce qui permet d’adoucir la nuisance climatique de ce qui l’augmente.
Mais l’efficacité des mesures à suivre va fondamentalement dépendre d’un premier choix, crucial : nommer l’objet, ou nommer l’action. Dans le premier cas de figure, seront considérés comme « verts » des objets dont le développement doit nécessairement régler tout ou partie des problèmes existants, quel que soit le contexte de mise en oeuvre.
A ce moment, financer une éolienne, une voiture électrique, une borne de recharge, une flotte de bus au biodiesel, ou une pile à combustible sera toujours vert. Peu importe si l’éolienne se substitue à une électricité déjà décarbonée (du nucléaire, comme chez les allemands ou chez nous), si la voiture électrique circule dans un pays où l’électricité est produite au charbon pour l’essentiel (auquel cas les émissions de CO2 ou de particules fines passent simplement de la voiture à la centrale électrique), si le biodiesel est fait avec de l’huile de palme (au bilan carbone pire que celui du pétrole), ou si l’hydrogène est produit en reformant du méthane, avec des émissions de CO2 très significatives.
Pour être sur de parvenir à nos fins, c’est à dire la baisse des émissions, il faudra nommer l’action. Sera « vert » un investissement dont un calcul mené dans les règles de l’art permettra de conclure qu’il permet bien de faire baisser les émissions (et pas seulement de limiter leur hausse) par rapport à l’existant.
Aider les ménages à acheter des voitures à 1,5 litres aux 100 en contrepartie de la mise à la casse de leur véhicule actuel est alors parfaitement vert, même s’il y a toujours du pétrole à l’arrivée. Une centrale à gaz sera verte en Pologne si elle remplace du charbon, mais noire si elle vient s’y ajouter, ou si elle remplace du nucléaire en France.
Nommer l’objet permet à court terme de se justifier bien plus simplement, mais nommer l’action sera bien plus économe à l’arrivée, en évitant de dépenser inutilement des centaines de milliards d’euros sur des mesures ou des projets qui n’aideront en rien à résoudre le problème posé.