Tribune parue dans Les Echos du 23 décembre 2019
Quand Arrhénius a prédit, en 1896, que l’utilisation intensive des combustibles fossiles allait réchauffer le climat planétaire, il n’a pas fait la Une des magazines. Pourtant nous y sommes. En 2019, décembre sera encore plus chaud que juillet par rapport à la normale, et malheureusement ce que nous observons aujourd’hui n’est qu’un apéritif par rapport à ce qui se profile à l’horizon, à cause du fait qu’il faut plus de 10.000 ans pour épurer en totalité un surplus de CO2 une fois mis dans l’air.
Quand, en 1972, « The Limits to Growth » annonçait que la recherche de la croissance perpétuelle allait conduire à un processus d’effondrement démarrant dans le courant du 21è siècle, nous nous sommes dépêchés de ne rien entendre, et d’accélérer sur ce qui était précisément la cause du problème : la croissance des prélèvements et des rejets, puisque c’est de cela dont se nourrit notre économie.
Là aussi, le futur est en train de devenir le présent : tous les indicateurs physiques virent progressivement à l’orange puis au rouge, qu’il s’agisse des espèces vivantes, des sols, des minerais, ou du pétrole, sans que cela ne nous incite le moins du monde à remettre en cause la confiance religieuse que nous avons dans la pertinence des seuls indicateurs économiques pour représenter notre condition.
Dans les années 70, la surpopulation à venir était l’objet de nombreuses craintes. Et pourtant, maintenant que le nombre de convives est vraiment devenu excessif autour de la table de repas, la démographie est à peu près invisible dans les interrogations sur l’avenir.
Alors je forme un vœu pour l’année qui va bientôt commencer. Il est un peu moins sympathique, peut-être, que les traditionnels « santé, amour, réussite et bonheur ». Mais il est probablement bien plus nécessaire si nous voulons précisément que la partie habituelle des vœux de nouvel an ne devienne pas de plus en plus une incantation sans réalité.
Il est que nos dirigeants de toute nature prennent le temps de comprendre que notre condition présente et future n’est pas détachable de notre monde physique, et que ce dernier n’est désormais plus synonyme d’expansion, mais de contraction, et qu’il faut pourtant arriver à marier enthousiasme et monde fini. Le faire sera très difficile, et demandera des trésors de pédagogie. Mais ne pas le faire est désormais être lâche ou inconséquent. Bonne année !