Tribune parue dans Les Echos du 12 novembre 2013
Le pape, combien de divisions ? Tout le monde connaît cette célèbre boutade de Staline, qui soulignait que la force brute a toujours le dernier mot dans l’évolution du monde. Quand, en apparence, nous sommes capables d’y résister, c’est tout simplement que nous avons réussi à mobiliser à notre profit une force brute encore supérieure.
Dans une autre vie, où il aurait été physicien et non dictateur, le même moustachu aurait pu demander : l’homme, combien de kWh ? Cette question est aussi déterminante pour l’économie que les chars pour la guerre : les kWh mesurent l’aptitude à créer des flux physiques, sur lesquels reposent l’ensemble de nos activités productives, services compris.
La réponse en surprendra plus d’un(e) : si je réalise une ascension de 2000 mètres de dénivelée (les connaisseurs apprécieront), mes jambes fourniront tout juste… 0,5 kWh d’énergie mécanique. A raison d’une ascension de plus de 1000 mètres de dénivelée chaque jour, notre propre corps plafonne à 100 kWh d’énergie mécanique par an, soit 600 fois moins que l’énergie – pétrole, gaz, charbon, uranium, bois et chutes d’eau – que chaque français mobilise à son profit en une année à travers les innombrables machines qui nous servent dans l’industrie, les transports, et les bâtiments.
Dit autrement, la capacité de transformation du monde dont nous disposons désormais provient pour moins de 0,2% de la force de nos bras et jambes, et pour le reste de celle des machines qui utilisent les « sources d’énergie » que Dame Nature a mis à notre disposition, et dont il faut rappeler que l’existence sur terre est toujours gratuite (pour le pétrole comme pour le vent), seul le travail de prélèvement correspondant à un coût.
Si la convention comptable reflétait ce qui compte vraiment quand il s’agit de « produire », c’est à dire de sortir du minerai, de fondre du verre, d’assembler des pièces, de transporter des passagers ou des colis, ou même de transmettre des informations à la vitesse de la lumière, alors l’énergie devrait couter 500 fois plus cher que les salaires – en moyenne – dans les comptes d’exploitation de nos entreprises. Nul doute, alors, que nous comprendrions de quoi nous dépendons vraiment !