Tribune parue dans Les Echos du 8 octobre 2013
NB : le titre est celui envoyé au journal
Le pétrolier a rarement la cote. Nous lui associons volontiers marées noires, effet de serre, et pollutions diverses, sans oublier le partage inéquitable des revenus ou les bénéfices honteux. Peu d’entre nous cliqueraient sur « j’aime » à l’évocation de son nom.
C’est pourtant deux pétroliers, incidemment tous les deux anglais, qui se font remarquer par la pertinence de leurs publications sur l’énergie, alors que nous attendrions d’autres acteurs sur ce terrain. Il y a tout d’abord BP, qui fournit en juin de chaque année le meilleur « tout en un » quantitatif sur longue période – dans un simple tableur – et qui constitue une base incontournable pour tout apprenti statisticien.
Les exportations de gaz russe augmentent-elles depuis 20 ans ? Que représente le pétrole dans l’approvisionnement européen sur les 30 dernières années ? Et l’éolien dans l’électricité allemande ? Le nucléaire est-il la première énergie consommée en France ? La consommation de charbon de l’Allemagne est-elle en baisse tendancielle ? Les USA sont-ils proches de l’autosuffisance énergétique ? Le Japon a-t-il diminué beaucoup, ou quasiment pas, sa consommation électrique après Fukushima ? Quelle énergie engendre le plus de CO2 en Grande Bretagne ?
La réponse à toutes ces questions, et à bien d’autres, peut se trouver, en direct ou après quelques calculs simples, dans les chiffres publiés par BP. Aucun service statistique de pays ou d’organisations internationales (OCDE notamment) ne parvient à faire aussi bien. Sans BP, et son maudit pétrole, il serait bien plus difficile de savoir rapidement où en est le monde, quelle ironie !
Shell, pour sa part, publie régulièrement des scénarios prospectifs de long terme (50 à 100 ans) sur l’énergie. En présentant cet exercice en France la semaine dernière, Shell n’hésitait pas à dire que l’Europe est très probablement partie pour 50 ans de contraction énergétique dans tous les cas de figure, ce que votre serviteur traduit en 50 ans de récession larvée. Sachant que gouverner c’est prévoir, il revient encore à un pétrolier de nous alerter sur l’urgence de débats sur l’énergie un peu moins bisounours que celui dont nous sortons, quelle ironie à nouveau !