Tribune parue dans Les Echos du 28 Février 2017
La science, c’est le plus souvent avec les yeux de Chimène que nous la regardons : ne nous a-t-elle pas permis de vaincre la rage, de mettre au point des transports rapides, d’avoir chaud l’hiver, et de téléphoner de partout désormais ?
Cette science là, malheureusement, a aussi un effet secondaire : elle aide trop souvent à accélérer le sciage de la branche sur laquelle nous sommes assis. Des bateaux de pêche motorisés, des excavateurs miniers, des tronçonneuses, et des centrales à charbon vont hélas avec un prélèvement accéléré de ressources non renouvelables, une diminution plus rapide des surfaces boisées, ou un changement climatique plus rapide.
C’est alors qu’entre en jeu une deuxième science, qui ne cherche pas à créer ou améliorer une technique, mais rend compte de l’état du monde. Cette science là inventorie les espèces et leur abondance, ausculte le système climatique, sonde les océans, ou décrit l’état des forêts et des sols cultivables.
La première de ces sciences est toujours à la fête, budgétairement et réglementairement. Permettant de déboucher sur des produits commerciaux, elle attire facilement les milliards, et donc les cervelles. Et, pour la même raison, il n’est pas un décideur politique qui ne cherche à lui rendre la vie facile, ce qui correspond au souhait de la majorité de ses électeurs.
La seconde, qui ne sert « que » à nous dire si nous faisons ce qu’il faut pour que notre vaisseau spatial habitable pour 7 milliards d’humains le reste encore longtemps, n’a pas autant nos faveurs. Ses résultats sont injustement contestés, ses budgets sont maigrichons, et sa place dans nos arbitrages réglementaires l’est plus encore.
Et, malgré les discours, un Grenelle, un débat sur la transition énergétique ou un accord de Paris, dans les actes les mesures décidées sont trop souvent à côté du problème, ou le font empirer (ce n’est pas rare), ou restent lilliputiennes au vu des ordres de grandeur.
Il est urgent de renverser la hiérarchie entre ces deux sciences, et que la science des constats prenne l’importance qui lui revient dans le monde économique, politique, et associatif. A défaut, nous n’aurons pas la réalisation des promesses de campagne, nous aurons hélas un effondrement dont nous voyons aujourd’hui les signes avant-coureurs un peu partout.