Tribune parue dans Les Echos du 20 mars 2018
En France, notre électricité n’émet que peu de CO2 : de 20 à 30 millions de tonnes pour 550 TWh annuels, à comparer à environ 300 millions de tonnes pour 650 TWh en Allemagne.
La raison principale est que le nucléaire, qui fournit 70 à 75% de notre production, exploite la fission de l’uranium, ce qui n’est pas identique à oxyder un atome de carbone (le panache blanc au-dessus des tours de refroidissement n’est que de la vapeur d’eau, sans effet sur le climat). L’hydroélectricité, qui n’émet pas de CO2 non plus, représente 15%.
Alors, si le climat est désormais notre grande affaire, pourquoi baisser le nucléaire à 50% de la production électrique, ce qui, au mieux, sera neutre sur les émissions ? Pour diminuer le risque nucléaire ? Il faudrait alors diminuer le nombre de réacteurs, mais les exemples allemands et espagnols contredisent cette idée simple en apparence.
En effet, le déploiement de sources non pilotables (éolien et solaire) ne permet pas de se passer du parc installé pilotable déjà en place (nucléaire, barrages, charbon, gaz, pétrole). Les allemands avaient 100 GW de puissance pilotable en 2002, ils en ont toujours 100 en 2017 (avec moins de nucléaire, et plus de gaz). Ils ont rajouté en plus 100 GW de solaire et d’éolien.
Ce qui a baissé, c’est le facteur de charge de leurs centrales pilotables. Or, en France, baisser la production d’un parc nucléaire qui restera presque identique, car nous aurons la même physique que les allemands et les espagnols, c’est affaiblir ses recettes, donc sa sûreté. Est-ce cela que nous voulons ?
Quid de l’emploi ? Pour produire 1 MWh nucléaire, il faut importer 1 euro d’uranium. Pour 1 MWh de solaire ou d’éolien, il faut importer 20 à 30 euros de composants (cellules PV, nacelles d’éoliennes, etc). Multiplier par 20 les importations à consommation constante n’a jamais créé le moindre emploi : au contraire, cela en détruit.
Ce 50% pourrait s’incarner plus utilement. En remplaçant toutes les chaudières au gaz ou au fioul par des pompes à chaleur, dispositifs électriques mais qui contribuent aux ENR, nous éviterions 25% du CO2 national, et 15 milliards d’importations par an (gaz et pétrole), ce qui augmenterait l’emploi. Dans l’ensemble électricité + chaleur transférée, le nucléaire passerait à 50% et les ENR à 30% sans fermer un réacteur ni baisser leur facteur de charge. Que choisissons-nous ?
Cadeau bonus : quelques graphiques à l’appui de l’article
Vous trouverez ci-dessous quelques graphiques non publiés avec l’article, mais utiles pour comprendre certaines affirmations.
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Evolution de la capacité installée en modes pilotables en Allemagne de 2002 à 2017. Le total est identique (en fait même un peu supérieur) aujourd’hui à ce qu’il était avant le début de « l’EnergieWende », alors que la consommation n’a pas augmenté, et que les modes ENR intermittents se sont développés. Source Energy Charts.
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Evolution de la capacité installée en éolien et solaire photovoltaïque en Allemagne, en GW (un GW = un million de kW). Nous sommes actuellement à 100 GW, et cette capacité est venue s’ajouter à celle des modes pilotables, qui n’ont pas diminué. Source Energy Charts.