Tribune parue dans Les Echos du 15 septembre 2020
« Développement durable » ou « responsabilité sociale et environnementale », ou RSE, ont, depuis quelques temps désormais, fait leur apparition dans nombre d’entreprises et d’administrations, pour désigner des objectifs non monétaires dont une organisation estime néanmoins devoir se préoccuper, un peu ou beaucoup.
Cette catégorie regroupe en pratique une foule de sujets : la biodiversité, le traitement des minorités, l’égalité hommes-femmes, les initiatives de solidarité, le sport, l’art et la culture, l’aide internationale, et divers objectifs environnementaux, allant des déchets… à la question du climat.
Question : ce dernier est-il à sa place dans ce grand ensemble ? Imaginons que nous soyons dans la station spatiale internationale. Une fuite vient de survenir, l’air intérieur va s’échapper dans l’espace, et les astronautes vont mourir. Est-ce que cela va changer leur destin si par ailleurs ils sont correctement syndiqués, respectent l’égalité hommes-femmes, ne jettent pas leurs papiers par terre et ont donné à une œuvre charitable ?
Le sens de cette petite litote, on l’aura compris, c’est que quand un paramètre conditionne notre survie, il n’est pas fongible. Faillir sur le climat relève de la note éliminatoire. On ne peut pas faire l’impasse dessus en pensant que l’on se rattrapera sur d’autres critères, souvent bien plus faciles à optimiser du reste.
Le jour où le climat deviendra un sujet vraiment sérieux, un des marqueurs sera donc qu’il sortira de la RSE, et cela n’est pas faire insulte aux personnes qui s’en occupent actuellement. Sa place est dans une direction faisant partie du comité exécutif, c’est à dire là où l’on parle ventes, stratégie, RH, finances, ou encore du digital. Sans climat assurant la vie, il n’y aura de toutes façons plus de digital ni de ventes…
La décarbonation doit disposer d’un budget conséquent (de l’ordre de 5% du budget IT), pour a minima former tous les cadres aux enjeux (il faut de l’ordre de 20 heures), faute de quoi le greenwashing est assuré par manque de compréhension des ordres de grandeur, et déployer une comptabilité carbone aussi granulaire que la comptabilité économique, faute de quoi la perte de temps est assurée par allocation des ressources au mauvais endroit.
Autant changer la réglementation n’est pas du ressort des entreprises, autant changer leur organisation l’est. Pourquoi quasiment aucune n’a fait ce qui est évoqué ci-dessus, même les très volontaires dans les discours ?