Tribune parue dans Les Echos du 23 Mai 2017
Au premier tour des présidentielles, Macron a recueilli 24% des suffrages exprimés, dont 12% d’électeurs qui disent l’avoir fait par adhésion. En tenant compte de l’abstention, le programme de notre nouveau président a donc été classé 1er par moins de 10% des adultes.
On peut s’en lamenter. Mais on peut surtout considérer que cela offre une immense liberté à notre ami, élu pour sa personne et ses valeurs, mais pas pour les mesures qu’il préconise : celle d’appuyer demain matin sur le bouton « reset », si cela lui permet de mettre en avant un programme qui passera mieux le jugement de l’histoire que la promesse d’avant élection.
Or, en matière d’énergie, il aurait une bonne raison de le faire. Le cadre législatif existant, qui a certes permis de nombreuses avancées, reste cependant incohérent en matière de décarbonation, et a accouché d’un ensemble d’objectifs sur les énergies fossiles, les renouvelables, le nucléaire, et l’efficacité énergétique qu’il sera impossible d’atteindre en même temps.
On pourrait penser que cela n’est pas très grave. Après tout, avec les lois humaines, nous avons une foultitude de textes jamais appliqués, ou incohérents, et nous nous en accommodons. Mais la physique n’autorise pas cela : ses lois sont absolues dans leur domaine de validité. Et l’énergie, c’est par définition de la physique avant tout !
C’est surtout la nourriture d’un parc de machines qui a permis une multiplication par plusieurs centaines de la production en un siècle et demi. Sans énergie abondante, l’humanité ressemblerait à ce qu’elle était en 1800 : un demi-milliard d’agriculteurs, avec 25 ans d’espérance de vie à la naissance.
De ce fait, cela n’a pas de sens de faire des projets sur l’économie, la diplomatie, les transports ou l’école en faisant n’importe quoi sur l’énergie. Cela revient à faire des projets – d’études, de logement, de travail – pour un individu avec lequel on ferait par ailleurs n’importe quoi sur son alimentation ou sa respiration. Aucune chance que ça marche !
Macron affirme n’avoir peur d’aucune transgression, pourvu qu’elle remette l’action en cohérence ? Il rendrait un fier service au pays en appliquant cette règle à l’énergie, qui conditionne l’essentiel de ses autres promesses…