Tribune parue dans Les Echos du 15 avril 2014
L’Europe, c’est tout à son honneur, a instauré depuis de nombreuses années des mesures de protection de l’environnement qui encadrent l’activité des entreprises. Économiquement, que l’on ait affaire à une norme, à une interdiction, à une obligation, à une taxe, etc., leur effet premier est en général de faire monter les coûts ou baisser les revenus pour les acteurs assujettis.
C’est par exemple le cas s’il faut installer de nouveaux dispositifs de dépollution sur une usine, équiper les véhicules de nouveaux filtres, limiter les émissions de CO2… C’est bien pour cette raison que les mesures de protection de l’environnement sont si peu populaires auprès des acteurs économiques : avant de créer éventuellement de nouveaux marchés, les nouvelles mesures commencent par rendre le monde moins simple pour les acteurs en place.
Si cela conduit à augmenter les coûts, pourquoi donc protéger l’environnement, alors ? Parce que « l’environnement » n’est rien d’autre que l’ensemble du patrimoine terrestre qui permet à nos activités économiques d’exister et que l’entamer aujourd’hui, c’est affaiblir notre aptitude à prospérer demain. Le préserver, c’est donc arbitrer en faveur de l’avenir au détriment du présent, ou encore s’éviter collectivement de « manger le capital » trop vite.
Pour matérialiser une rareté croissante de ressources ou un danger croissant lié à nos rejets, les mesures instaurées visent au fond à faire apparaître dans les comptes des entreprises de nouvelles « dotations aux amortissements » ou « provisions pour risques » qui n’existaient pas avant. La mise en libre compétition, au niveau mondial, de producteurs qui doivent subir ces nouvelles charges, avec d’autres qui n’ont pas cette obligation, peut alors devenir un jeu inéquitable. Supprimons les mesures de protection génératrices de coûts, demandent certains.
Mais il y a une autre manière de rétablir l’équilibre, qui n’obère pas l’avenir : n’accepter les accords de libre-échange qu’entre zones ayant les mêmes standards de protection de l’environnement. Au moment où elle négocie avec un pays qui, au surplus, n’a pas non plus de plancher sur la rémunération de ses salariés (les Etats-Unis), l’Europe ne devrait-elle pas y penser un peu plus ?