Tribune parue dans Les Echos du 25 septembre 2018
La forêt a brûlé, l’ouragan s’est abattu, la sécheresse a frappé, le thermomètre a gémi, les scientifiques se sont à nouveau alarmés… et rien. « La maison brûle et nous regardons ailleurs. » Hélas, Chirac aurait pu utiliser le futur, et pronostiquer : la maison brûlera, et nous regarderons ailleurs, car c’est exactement ce que nous avons fait.
Depuis 2002, les émissions planétaires de CO2 ont augmenté de 40%. La seule chose qui a augmenté au même rythme que le charbon, le pétrole et le gaz brûlés chaque année, ce sont les déclarations martiales sur le besoin de faire quelque chose. Mais, dès que nous sommes descendus de la tribune, l’avenir s’envisage bien trop comme « avant ».
Comme il y a 16 ans, et même plus encore, nous regardons avant tout les résultats trimestriels, la hausse (idéalement) des actions, les mises en chantier de logement, le nombre de touristes, les investissements dans l’industrie, les ventes d’avions, ou les tonnes de cuivre produites.
Mais la seule chose que nous ne regardons quasiment jamais, et qui est pourtant la seule chose qui compte face au problème du climat, ce sont les émissions. Osons une remarque un peu taquine ici : le lecteur pourra facilement voir que, sauf exception, aucun article de ce journal – excellent par ailleurs – n’évoque les émissions associées au sujet économique traité.
Or, on peut faire un euro de valeur ajoutée en émettant un gramme comme dix kilogrammes de CO2 dans l’atmosphère : la physique n’étant pas – par construction – dans l’économie, il est impossible de déduire les émissions de manière simple des indicateurs monétaires.
Dès lors, nous commencerons à être sérieux sur la question du climat quand chaque information de nature économique comportera, à côté de chaque valeur exprimée en euros, en voitures ou en logements, la quantité – obtenue de manière séparée, par une comptabilité physique qui s’appelle la comptabilité carbone – de gaz à effet de serre associée.
Il est illusoire de penser que nous allons traiter le problème à la bonne vitesse – et faire mieux que 4°C ou 5°C – sans utiliser partout le thermomètre approprié, et voir le CO2 quantifié aussi souvent que les euros. Cela permettrait simplement de traiter le problème pour ce qu’il est, à savoir systémique et présent dans chaque décision que nous prenons.