Tribune parue dans Les Echos du 8 janvier 2013
En avril 2012, un candidat nommé François Hollande prévoyait, dans ses « 60 engagements pour la France », que le PIB français croîtrait de 1,7% en 2013, puis de 2% à 2,5% par an à partir de 2014. Il avait pris soin d’ajouter : « Mon projet se fonde sur des hypothèses de croissance (…) à la fois prudentes et réalistes ».
L’histoire jugera si notre président fut naïf ou menteur. Toujours est-il que le 1,7% « prudent et réaliste » sera – 6 mois plus tard ! – proche du zéro pointé, obligeant à repenser d’urgence tout ce qui en découlait, c’est-à-dire… tout. En effet, tel un cycliste qui ne saurait rester en équilibre qu’en pédalant de plus en plus fort, notre système économique comporte une multitude de processus qui ne sont stables que dans l’accélération perpétuelle. Sans croissance, les effets d’éviction deviennent légion : impossible de donner plus à Paul sans déshabiller Jacques d’autant !
Hollande aurait-il pu le voir ? La mauvaise nouvelle pour lui – et pour Sarkozy qui a fait la même erreur, puisqu’il a promis plus de pouvoir d’achat en 2007 – est que oui. En effet, dans les sociétés industrielles, le PIB répond directement à la quantité d’énergie disponible. C’est normal : plus de kWh, c’est plus de transformation – grâce aux milliards de machines qui travaillent désormais à notre place – derrière laquelle l’économiste mettra de la valeur ajoutée… donc du PIB.
Or, l’énergie disponible dans l’OCDE a commencé à diminuer en 2005 (nonobstant les gaz de schiste), à cause du plafonnement de la production mondiale de pétrole. La crise de 2007 à 2009 n’est que la baisse attendue, sur les dollars, de ce qui s’est passé peu avant sur les kWh. Cette baisse va très probablement continuer en tendance, au moins pour l’Europe.
Il s’ensuivra un avenir économique fait d’un enchaînement de récessions et de maigres rebonds, et c’est dans ce contexte qu’il faut désormais (re)penser tous nos plans, y compris – et surtout – la manière de se débarrasser au plus vite de notre dépendance aux énergies fossiles. La bonne nouvelle, c’est que c’est un formidable défi, et les défis, nous aimons souvent cela !
Cadeau bonus : quelques graphiques à l’appui de l’article
Vous trouverez ci-dessous quelques graphiques non publiés avec l’article, mais qui sont utiles pour éclairer les propos !
Production mensuelle de pétrole brut (avec condensats mais hors liquides de gaz) dans le monde, en millions de barils par jour.
On note clairement qu’en 2005 la hausse a pratiquement cessé.
Source des données : US Energy Information Agency.
Approvisionnement énergétique de l’OCDE depuis 1965, hors bois.
On voit que cet approvisionnement passe par un maximum en 2007 (2 ans avant la crise de 2009, bien visible avec une indentation vers le bas). Incidemment on voit qu’une hausse, même significative, des « nouvelles renouvelables » (tout sauf bois et hydroélectricité) ne changera pas grand chose face à la baisse imposée des combustibles fossiles et celle, qui ne dépend que de nous, du nucléaire.
L’approvisionnement par personne, lui, est passé par un maximum en 2005, année où la production mondiale de pétrole brut s’arrête plus ou moins de croître.
Source des données : BP Statistical Review ; mise en forme par votre serviteur.
Approvisionnement énergétique de l’OCDE depuis 1965, hors bois.
On voit que cet approvisionnement passe par un maximum en 2007 (2 ans avant la crise de 2009, bien visible avec une indentation vers le bas). Incidemment on voit qu’une hausse, même significative, des « nouvelles renouvelables » (tout sauf bois et hydroélectricité) ne changera pas grand chose face à la baisse imposée des combustibles fossiles et celle, qui ne dépend que de nous, du nucléaire.
L’approvisionnement par personne, lui, est passé par un maximum en 2005, année où la production mondiale de pétrole brut s’arrête plus ou moins de croître.
Source des données : BP Statistical Review ; mise en forme par votre serviteur.
Variation du PIB français depuis 1960.
En bleu : variation annuelle du PIB (la « croissance » quand cette variation est positive) ;
En rouge : moyenne par décennie ;
En pointillés verts : tendance sur la variation annuelle.
On voit très nettement que la croissance annuelle est de plus en plus faible, et que la tendance nous emmène vers une croissance nulle puis une décroissance en tendance.
Source des données : World Bank; graphique et moyennes par votre serviteur.
Variation comparée de l’approvisionnement énergétique et du PIB de l’Union Européenne.
Le maximum sur l’énergie précède de 2 ans le maximum sur le PIB (non retrouvé depuis), ce qui empêche formellement que la baisse de l’énergie soit juste une conséquence de la crise (en fait c’est l’inverse pour des raisons physiques).
Source des données : BP Statistical Review et World Bank ; calcul des indices par votre serviteur.