Tribune parue dans Les Echos du 11 mars 2014
Les municipales puis les européennes ne devraient pas déroger à la règle : il y en aura pour tout le monde. Lors des élections, l’empilement de promesses tient hélas lieu de grand dessein national ou européen, et la population devient facilement une simple juxtaposition d’ouvriers, de mères de famille, d’automobilistes, de jeunes, d’instituteurs et d’homosexuels.
Ce procédé a au moins le mérite de la simplicité sur le plan économique : les promesses électorales étant toujours additionnelles à l’existant, dès que la liste de tous ceux qu’il faut séduire pour être élu est terminée, il est facile d’en déduire l’argent nécessaire, et donc le taux de croissance qui va en face. Le taux de croissance annoncé par un candidat ne doit donc rien à un savant calcul, mais tout à la nécessité de se faire bien voir de l’électeur.
Et s’il n’y a pas de croissance, ou pas assez ? De 1960 à 1973, le PIB de l’OCDE a augmenté de 5,2 % par an en moyenne. De 1974 à 2007, nous sommes descendus à 2,8 % par an, et depuis 2008, à 0,4 %. Et, sur chaque période, les évolutions entre pays de la zone sont voisines. Par exemple, depuis 2007, les Etats-Unis ont cru de 1 % par an en moyenne, soit moins que l’Allemagne.
Dans ce contexte, comment ne pas croire qu’un élément plus puissant que la parole politique est à l’oeuvre ? Des travaux économétriques récents ont confirmé que le premier déterminant du PIB, dans les pays industrialisés – là où des machines mangeant de l’énergie ont remplacé des hommes mangeant du pain – c’est l’énergie, qui est, par définition même, la capacité à transformer le monde qui nous entoure.
Depuis 2007, l’approvisionnement énergétique des pays de l’OCDE a commencé à baisser, tout simplement parce que la planète pétrole ne peut plus fournir comme avant. Moins d’énergie, c’est moins de transformations, et donc, toutes choses égales par ailleurs, moins de PIB à l’arrivée.
Cet approvisionnement énergétique de l’OCDE va continuer à se contracter. La stagnation ou récession est donc là pour « un certain temps », et la question désormais est bien de savoir comment on s’organise – et comment on mobilise les électeurs – pour être heureux avec ça.
Cadeau bonus : quelques graphiques à l’appui de l’article
Vous trouverez ci-dessous quelques graphiques non publiés avec l’article, mais qui sont utiles pour éclairer les propos !
Taux de croissance annuel du PIB de la zone OCDE depuis 1961 (courbe bleue) et moyenne sur les 3 périodes 1960 – 1973, 1974 – 2007, 2008 – 2014 (courbe orange).
On voit très nettement les « 5% de moyenne » des Trente Glorieuses, puis les « 3% de moyenne » de la période suivante, puis la croissance sous 1% (en moyenne) depuis 2007. La courbe violette indique la tendance sur le taux de croissance sur la période complète (ça baisse !).
Source : World Bank, 2015, pour le PIB, calcul des pourcentages par votre serviteur.
Taux de croissance annuel du PIB des USA depuis 1961 (courbe bleue) et moyenne sur les 3 périodes 1960 – 1973, 1974 – 2007, 2008 – 2014 (courbe orange).
Depuis 2007, et nonobstant « gaz de schiste« , les USA font à peine mieux que la zone OCDE. La courbe violette indique la tendance sur le taux de croissance sur la période complète (ça baisse aussi !).
Source : World Bank, 2015, pour le PIB, calcul des pourcentages par votre serviteur.
Approvisionnement énergétique de l’OCDE depuis 1965, hors bois.
On voit que cet approvisionnement passe par un maximum en 2007 (2 ans avant la crise de 2009, bien visible avec une indentation vers le bas). Incidemment on voit qu’une hausse, même significative, des « nouvelles renouvelables » (tout sauf bois et hydroélectricité) ne changera pas grand chose face à la baisse imposée des combustibles fossiles et celle, qui ne dépend que de nous, du nucléaire.
L’approvisionnement par personne, lui, est passé par un maximum en 2005, année où la production mondiale de pétrole brut s’arrête de croître.
Source des données : BP Statistical Review ; mise en forme par votre serviteur.
Variation annuelle de l’approvisionnement énergétique de l’OCDE depuis 1966.
Il est très clair que cette variation, qui a longtemps été positive (et donc « en croissance »), a néanmoins été de plus en plus faible en tendance, puis est devenue négative, suivant en cela une évolution de fond qui prend place sur des décennies (et qui est matérialisée par la fine droite inclinée).
La probabilité que l’approvisionnement énergétique de la zone se remette à croître durablement – ou même reste constant de manière durable – à l’avenir supposerait donc d’inverser une tendance initiée il y a un demi-siècle, et dont les déterminants physiques sont réels.
Source des données : BP Statistical Review ; calcul du pourcentage par votre serviteur.