Tribune parue dans Les Echos du 6 Décembre 2016
Notre prochain président ne le sait pas encore, mais il devra choisir entre Churchill et Chamberlain. Entre affronter la réalité en s’y préparant avec volontarisme, ou nier les défis en mentant à ses électeurs. A cause de quoi ? Du carbone ! Rappelons un fait tellement évident que tout le monde l’oublie : ce n’est pas le lecteur de ces lignes qui boit le pétrole, mange le charbon, ou met ses doigts dans la prise électrique. « Consommer » de l’énergie, c’est en fait commander une machine, que ce soit une voiture, un frigo, ou une ligne d’assemblage.
Avant 1974, l’humanité extrayait 10 % de pétrole en plus chaque année, permettant à chaque Terrien d’utiliser 2,5 % d’énergie en plus – donc d’utiliser 2,5 % de machines en plus. Normal que la production industrielle et le PIB aient suivi.
De 1974 à 2005, grand coup de frein : le pétrole sortant des puits n’augmente que de 1 % par an, et l’énergie par personne cesse d’augmenter en moyenne mondiale. La hausse rapide du PIB par personne disparaît, compensée partout par un endettement destiné à maintenir la croissance de la dépense publique. En 2005, l’état du malade empire. Malgré le pétrole de schiste, la production mondiale de vrai pétrole n’augmente quasiment plus. Si les pays émergents ont plus, ceux de l’OCDE auront moins. En Europe, gaz et charbon sont aussi en déclin régional, et 80 % de notre énergie est en contraction subie. La conséquence est hélas inexorable : la production industrielle, et à sa suite le PIB, sont sur une pente baissière. Notre prochain président pourra nier cette évolution inexorable, et promettre ce qu’il ne tiendra pas. Il pourra penser que l’Europe du libre-échange fera revenir le monde infini. L’issue ne fait guère de doute : au mieux des cotes de popularité en baisse permanente, au pis une crise dont la démocratie se relèvera difficilement. Il pourra, et il faut le souhaiter, suivre Churchill. Cela s’appelle décarboner l’économie. Cela ne fera pas revenir la croissance (rien ne le peut), mais permettra de retrouver ce qui a fait le génie du pays : de grands plans de long terme et un destin. Cela permettra aussi d’agir pour éviter un fardeau encore plus lourd pour l’humanité : l’affaiblissement progressif de la vie sous l’effet du changement climatique.