Tribune parue dans Les Echos du 21 Juin 2016
En matière d’énergie, la Grande-Bretagne a souvent été pionnière. Elle a ouvert le bal des puissances européennes quand il s’est agi d’entrer dans l’ère du charbon, il y a quelques siècles, ou de devenir producteur de pétrole, au moment de l’essor de la mer du Nord. Depuis que ces combustibles sont vus autant comme un problème que comme une solution, c’est aussi le grand pays d’Europe le plus engagé sur la décarbonation de l’économie, mettant en oeuvre de nombreux mécanismes économiques ou institutionnels pour avancer de manière pragmatique sur cet objectif.
Malheureusement, il se pourrait aussi que, dans quelques jours, ce pays soit le premier à prendre une décision radicale… à cause des kWh, ou plutôt de leur absence. En 2004, quand la majorité des pays de l’Est ont rejoint l’Union, la promesse implicite était simple : rejoignez-nous, et votre PIB s’envolera vers des sommets, comme il l’a fait pour les Espagnols et les Portugais après 1984.
Malheureusement, la géologie va être d’un avis contraire. En 2005, la production mondiale de pétrole et la production européenne de gaz cessent de croître, dans les deux cas en raison d’une contrainte géologique – plus assez de ressources. C’est donc irrémédiable. Pétrole et gaz fournissant les deux tiers de l’énergie européenne, cette dernière passe par un pic en 2007. Depuis, moins d’énergie disponible permet moins de machines au travail, et donc… un PIB qui n’augmente plus.
Dans ce cadre, grâce à la libre circulation des personnes et des capitaux, délocalisations industrielles à l’Est et immigration intraeuropéenne à l’Ouest vont bien assurer un rééquilibrage, mais dans un jeu à somme nulle. Si les Roumains et Bulgares gagnent plus, les Anglais et Français gagneront moins.
Nos amis anglais ne peuvent pas lutter contre la baisse de l’approvisionnement pétro-gazier – pas plus que nous, soit dit en passant. Mais ils peuvent stopper l’immigration intra-européenne, en quittant l’Union. S’ils le font, et s’ils sont suivis, le rêve européen se sera alors brisé sur le mur du monde fini que nos dirigeants, aveuglés par l’illusion d’une croissance perpétuelle, n’auront jamais accepté de voir en face.