Tribune parue dans Les Echos du 17 mai 2016
Cent milliards de dollars par an : c’est la somme que les pays dits du Nord devraient donner aux pays dits du Sud à partir de 2020 pour les aider à lutter contre le changement climatique. 0,1 % du PIB mondial devrait donc aller à la préservation d’un actif sans lequel une bonne partie du PIB en question partira en fumée, au sens premier du terme parfois, comme au Canada actuellement.
Certes, les pays occidentaux investissent aussi chez eux, mais on parle de sommes ridicules au regard de l’enjeu. Pour préparer notre retraite, sujet qui concerne aussi la préservation de nos conditions de vie future, les entreprises françaises dépensent environ 10 % de leur valeur ajoutée, soit 100 fois plus ! Si nous voulons être sérieux, de combien d’argent parlons-nous ? En Europe, il faut renouveler voitures et camions avec des modèles qui émettent de 3 à 4 fois moins : comptons 5.000 milliards d’euros en vingt ans, soit 250 milliards par an.
Il faut isoler l’essentiel des bâtiments et les passer au chauffage décarboné (pompe à chaleur, bois, biométhane, solaire thermique) : de 5.000 à 10.000 milliards seront nécessaires sur quarante ans, soit à nouveau 200 milliards par an.
Il faut supprimer la totalité de nos centrales à charbon (un tiers des émissions européennes) : cela nous coûtera de 500 milliards (nucléaire) à 10.000 milliards (solaire + éolien + stockage).
Ajoutons le développement raisonné de la filière bois, la reconfiguration agricole, la baisse des volumes dans l’industrie et le développement de l’économie circulaire, la modification de l’enseignement, le remplacement de l’avion court et moyen-courrier par le train, l’électrification des autoroutes, et voici encore quelques milliers de milliards à mettre sur la table en quelques décennies.
Quelques pour-cent d’un PIB européen de 14.000 milliards devraient donc être investis chaque année pour nous décarboner. Rien d’impossible : il faut juste multiplier le plan Junker par 20, le flécher en totalité sur cet objectif et mettre toutes les politiques européennes en harmonie. Moins de concurrence et plus de long terme, n’est-ce pas aussi ce que demandent actuellement des Européens désemparés ?