C’est une évidence que l’immense majorité des espèces végétales ne sont pas adaptées à toutes les conditions climatiques de la planète : un palmier en Norvège ou un chêne au Sahel ne se plairont pas beaucoup. Enoncer cette évidence, cela revient à dire que les espèces végétales – et animales – qui composent les écosystèmes sont adaptées au climat local. Elles peuvent souvent s’adapter à des conditions voisines (par exemple les côtes bretonnes – et même la côte Sud de l’Angeleterre – comportent facilement de la végétation tropicale, qui supporte très bien des températures plus basses que celles de ses lieux d’origine pourvu qu’il ne gèle pas – ou pas trop fort), mais pas trop.
Dès lors que les conditions climatiques globales vont changer, les conditions climatiques locales vont faire de même. Si le changement était homogène, il serait « assez » facile de savoir comment cela se traduit pour chaque région : la planète se réchauffe de 3°C, et hop, c’est pareil en janvier et en août, à Paris et à Tombouctou, à midi et à 3 heures du matin.
Manque de chance, le réchauffement ne sera pas homogène du tout : savoir comment va exactement évoluer la température en Beauce ou dans le Massif Central si la moyenne planétaire monte de 3°C est un exercice qui reste très délicat, parce que la variabilité locale est bien plus importante que la variabilité globale. En outre, un changement de climat, c’est aussi un changement du cycle de l’eau, et enfin n’oublions pas que, dans cette affaire, la quantité de CO2 dans l’air va monter, ce qui est généralement un facteur de croissance des végétaux (plus de CO2, c’est plus à manger pour les plantes, miam miam !).
Avant même de parler de CO2 augmenté dans l’air, il est intéressant de noter que, pour l’essentiel des écosystèmes « sauvages », les précipitations sont bien plus déterminantes que les températures moyennes.
Types de végétation possibles en fonction des précipitations annuelles moyennes et des températures moyennes.
Source : GIEC, 1996
On voit facilement sur ce graphique que la quantité d’eau disponible est bien plus déterminante que la température moyenne pour les végétaux : si les précipitations se modifient (on se déplace alors sur l’axe horizontal), on passe rapidement d’un type de végétation à un autre. Dit autrement, cela signifie que des variations de température ne sont pas nécessairement dramatiques pour la végétation, du moins tant que l’on reste dans les limites de quelques degrés, alors que des variations de précipitations peuvent très vite l’être.
Fort bien, se dira le lecteur, il n’y a qu’à regarder les prévisions régionales de précipitations, et nous saurons comment vont évoluer les écosystèmes ! Hélas, autant les évolutions régionales de température prédites sont globalement assez similaires d’un modèle à l’autre, autant les évolutions régionales de précipitations sont bien plus dépendantes du modèle, ce qui revient à dire que les points de consensus sont plus rares (figure ci-dessous).
Moyenne inter-modèles des évolutions régionales des précipitations moyennes pour Decembre – Janvier – Février (DJF) et pour Juin-Juillet-Août (JJA) pour la période 2090-2099 par rapport à la période 1980-1999, avec un scénario d’émission qui est le A1B (en gros les émissions doublent au cours du 21è siècle).
Les zones blanches correspondent à une absence de concordance significative entre modèles (impossible de dégager une tendance) et les zones avec pointillés correspondent à l’inverse à un consensus presque parfait (plus de 90% des modèles concordent sur le signe de l’évolution). Par exemple l’assèchement du pourtour du bassin méditerranéen pour l’été (chez nous) correspond à une tendance observée dans plus de 90% des simulations.
Il est aisé de constater que les évolutions peuvent beaucoup varier selon la saison. On notera aussi une excellente nouvelle pour notre pays : parmi les zones qui s’assèchent le plus l’été on trouve… la France, et cela reste valable en moyenne annuelle (ci-dessous).
Moyenne inter-modèles des évolutions régionales des précipitations sur l’ensemble de l’année, en mm/jour de différence entre la période 2080-2099 et la période 1980-1999, avec un scénario d’émission qui est le A1B (en gros les émissions doublent au cours du 21è siècle).
Tout le pourtour du bassin méditerranéen va globalement s’assécher, de même que l’Amérique Centrale, le Sud du Chili, et le sud de l’Australie. Les régions surchargées avec des pointillés noir correspondent aux régions où 80% des simulations sont concordantes en signe et en amplitude. NB : Une variation de 0,5 mm/jour signifie environ 150 mm d’eau en plus ou en moins sur l’année, soit entre le quart et le cinquième de ce qui tombe sur l’essentiel des régions européennes et méditerranéennes.
Source : GIEC, 4th assessment report (working group 1), 2007
Il faudra donc se contenter d’un examen « générique » des conséquences possibles du changement climatique sur la végétation, encore compliquées par le fait que l’enrichissement de l’atmosphère en CO2 est par contre plutôt une bonne affaire pour les plantes (mais il n’est bien sur pas possible de dissocier les éventuels effets bénéfiques du CO2 sur le plan biologique des éventuels effets maléfiques du changement climatique provoqué par ce même CO2 !). Qu’est-ce que le changement climatique peut provoquer pour les plantes, et, en conséquence, pour les écosystèmes ?
- il peut provoquer des déplacements d’aires favorables trop vite pour que la régénération naturelle puisse suivre.
- Un déplacement d’aire favorable signifie que la région où il fait « bon vivre » pour un végétal voit ses contours se déplacer. Si elle se déplace lentement ce n’est pas très grave : la population de végétaux se déplace aussi et survit ; c’est par exemple ce qui arrive lors des transitions entre ères glaciaires et ères interglaciaires. Mais si l’aire favorable se déplace trop brusquement, la population disparaît car elle n’a pas le temps de se reproduire et de migrer avant que les conditions ne cessent d’être favorables.On a représenté ci-dessous le déplacement d’une zone favorable, en dessinant, dans deux cas de figure, l’endroit où elle se tient actuellement, l’endroit où elle se tient au moment où les graines semées aujourd’hui ont produit des plantes sexuellement matures (dans M années), et au moment où les plantes issues elles-mêmes des graines germées sont devenues sexuellement matures (dans 2M années).
Faible vitesse de déplacement.
Chaque fois, les plantes sur le bord droit de la zone favorable ont le temps de produire des graines qui vont germer un peu plus loin et les plantes issues des graines de regermer à leur tour avant que l’endroit où elles se situent ne cesse d’être favorable. La population survit et se déplace, éventuellement en réduisant son aire de répartition.
Forte vitesse de déplacement.
Avant que les plantes issues des graines plantées aujourd’hui n’arrivent à maturité sexuelle, la zone aura cesse d’être favorable en totalité : la population s’éteint (une variante est évidemment que l’aire favorable se contracte en même temps qu’elle se déplace).
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- Selon les espèces, les « vitesses de migration » maximales varient de 4 à 200 km par siècle. La vitesse limite de déplacement est d’autant plus faible que la plante vient à maturité tardivement et que…ses graines peu mobiles (donc ne peuvent pas aller naturellement très en dehors de la zone favorable du moment) ; les chênes (maturité à 50 ans, graines lourdes et peu d’animaux colporteurs) sont un exemple typique d’espèce à vitesse de migration lente.
- Or selon le GIEC un réchauffement de 3° C équivaut, pour les zones tempérées, à un déplacement d’aire favorable vers les pôles de 500 km environ. 3° C en un siècle – évolution médiane de la fourchette de 1 à 6°C actuellement prédite – engendre donc une vitesse de déplacement bien supérieure aux 200 km maximaux indiqués plus haut. En outre il est probable que les les continents, qui n’ont pas la capacité d’amortissement thermique des océans, connaîtront des augmentations de température plus rapides encore. De nombreuses espèces naturelles – dont les arbres, et les écosystèmes forestiers attachés – pourraient donc dépérir en cas de modification climatique brutale. Un exemple est donné ci-dessous pour ce qui s’appelle « l’aire de répartition » de 2 essences communes en France (hêtre et épicéa).Une « aire de répartition » ne dit pas où se trouvent les arbres, mais où ils peuvent se trouver. Si on les arrache, si un ravageur passe par là, etc., ils peuvent s’y trouver mais ne s’y trouvent pas !
Aire potentielle de répartition du hêtre en 2000, et simulée en 2100, avec un scénario laissant les émissions de CO2 au niveau actuel tout au long du 21è siècle.
Ci-côté, code couleur utilisé en fonction de la probabilité de présence du hêtre en un endroit donné.
De nombreuses zones du pays auraient des conditions climatiques qui sortent de ce que cet arbre peut tolérer (et donc les hêtres présents dans ces régions mourront), et bien sûr ces simulations ne sont pas des prévisions : impossible de prendre en compte l’effet potentiel des ravageurs ou, s’il existe, de la compétition entre espèces (par exemple le développement d’une espèce « couvrante », gênant l’accès à la lumière, peut tuer une autre espèce qui serait adaptée sinon).
Source : Modélisation et cartographie de l’aire climatique potentielle des grandes essences forestières françaises, Badeau et al., juin 2004 (téléchargable sur le site de l’INRA de Nancy).
Aire potentielle de répartition de l’épicéa en 2000 et simulée en 2100, avec un scénario laissant les émissions de CO2 au niveau actuel tout au long du 21è siècle.
Ci-côté, code couleur utilisé en fonction de la probabilité de présence du hêtre en un endroit donné.
Les mêmes réserves que pour le hêtre s’appliquent sur la signification du résultat.
Source : Modélisation et cartographie de l’aire climatique potentielle des grandes essences forestières françaises, Badeau et al., juin 2004 (téléchargable sur le site de l’INRA de Nancy).
- Si l’aire favorable se déplace, cela signifie que l’aire anciennement favorable ne l’est plus. Que pourrait-il bien lui arriver ?
- le temps peut y devenir trop sec (il y a 8.000 ans une partie du Sahara était un endroit couvert d’une abondante végétation, ce qui montre qu’un assèchement massif fait partie des choses qui arrivent), et cela peut résulter soit d’un déficit de précipitations, soit d’une évaporation accrue, soit d’un sol qui s’assèche à cause d’une concentration des précipitations sur des épisodes plus brefs et plus intenses)
Moyenne inter-modèles des évolutions régionales des précipitations annuelles, en mm/jour de différence entre la période 2080-2099 et la période 1980-1999, avec un scénario d’émission qui est le A1B (en gros les émissions doublent au cours du 21è siècle).
Les régions avec des pointillés noir correspondent à 80% des simulations qui concordent en signe et en amplitude.
NB : Une variation de 0,5 mm/jour signifie environ 150 mm d’eau en plus ou en moins sur l’année, soit entre le quart et le cinquième de ce qui tombe sur l’essentiel des régions européennes et méditerranéennes.
Source : GIEC, 4è rapport d’évaluation , 2007
Moyenne inter-modèles des évolutions régionales de l’évaporation annuelle, en équivalent mm/jour de différence entre la période 2080-2099 et la période 1980-1999, avec un scénario d’émission qui est le A1B (en gros les émissions doublent au cours du 21è siècle). Attention ! Les zones vertes et bleues correspondent à une augmentation de l’évaporation (et donc à un assèchement toutes choses égales par ailleurs).
Les régions avec des pointillés noir correspondent à 80% des simulations qui concordent en signe et en amplitude.
NB : Une variation de 0,5 mm/jour signifie environ 150 mm d’eau qui s’évapore en plus ou en moins sur l’année.
Source : GIEC, 4è rapport d’évaluation , 2007
Moyenne inter-modèles de l’évolution de l’humidité moyenne des sols entre la période 2080-2099 et la période 1980-1999, avec un scénario d’émission qui est le A1B (en gros les émissions doublent au cours du 21è siècle).
Les régions avec des pointillés noir correspondent à 80% des simulations qui concordent en signe et en amplitude. Un sol plus sec est évidemment moins hospitalier pour les espèce en place ; notez que même des endroits où les précipitations augmentent (ex : une partie de l’Europe du Nord, le Canada, la Sibérie) peuvent voir les sols s’assécher.
Source : GIEC, 4è rapport d’évaluation , 2007
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- il peut y devenir trop chaud : sous nos latitudes, la vernalisation (exposition au froid pendant l’hiver) est indispensable à certaines plantes pour pouvoir produire des fruits (et des graines, surtout !), et par ailleurs l’hiver est aussi fort utile à beaucoup de végétaux des mêmes lattitudes pour… se protéger des insectes ravageurs, tués par le froid, et qui prolifèrent sinon.
- le temps peut devenir trop riche en phénomènes extrêmes, peuvent détruire physiquement les végétaux, dégrader le sol, ou amener des éléments qui empêchent le développement de la végétation…
Un changement climatique peut augmenter la compétition d’autres espèces : par exemple, les conditions peuvent devenir particulièrement favorables pour des micro-organismes provoquant des maladies (champignons, microbes…), et pour des ravageurs du monde animal, notamment les insectes (des nuages de criquets dans la Beauce, ca vous dirait ?).
Un changement climatique peut provoquer des conditions favorables à une aggression humaine, notamment l’incendie qui est assez inéluctable en cas de sécheresse (n’oublions pas que la majeure partie de la Terre est peuplée d’hommes !),
Image satellite (résolution 1 mm = 1 km) de feux de forêt (traits rouges) et panaches de fumée qui en découlent en Russie en août 2002 (épisode sec et chaud).
Août 2010 a été encore plus ravageur dans cette région.
Source Mollicone et al., Nature, Mars 2006.
- Un changement climatique peut plus généralement déstabiliser l’équilibre d’un écosystème ce qui peut appauvrir sa biodiversité voire, dans les cas les plus défavorables, le tuer. Pendant les ères glaciaires, les écosystèmes que nous connaissons aujourd’hui étaient absents des moyennes latitudes. Il est difficile de dire ce qui subsisterait des écosystèmes actuels sur une planète qui « prendrait » 5 ou 6 °C en un siècle, mais dans bien des régions du monde cela risque de signifier un gros choc.
Une étude publiée par Nature en janvier 2004 suggère qu’un réchauffement de 1,8 à 2 °C entre 1990 et 2050 pourrait conduire à la suppression d’un quart des espèces vivantes en 2050 par rapport à aujourd’hui. Ce résultat préliminaire est bien sûr à prendre prudemment, puisqu’il s’agit d’une simulation unique, non répétée, mais elle est clairement indicative d’un risque important.
La vulnérabilité de l’agriculture
L’agriculture est un cas particulier de végétation, donc tout ce qui est dit ci-dessus s’applique (y compris les criquets !), mais dans ce cas précis l’homme peut atténuer certains désordres climatiques (on peut remédier partiellement à la sécheresse par l’irrigation, du moins tant qu’il pleut pas trop loin de l’endroit à irriguer, au froid par la culture sous serre, etc).
Il faut y rajouter une autre particularité : pour la majorité des cultures l’objet d’intérêt n’est pas la plante entière, mais une de ses parties seulement : les fruits ou graines (céréales, fruits, et même les tomates ou les aubergines !), les feuilles (choux, salades…), la tige (canne à sucre, ou… arbres), la racine (betteraves, carottes…), le tubercule (pommes de terre), la fleur (choux-fleur, artichauts…), etc. Il y a donc deux questions qui se posent :
- comment la plante entière réagit à la variation du climat,
- comment cette variation se répartit entre tige, feuilles, fruits, racines, et cette répartition peut amener un bilan global défavorable alors que la photosynthèse a augmenté. Les feuilles peuvent par exemple croître au détriment des fruits.
Enfin il faut tenir compte de l’augmentation du CO2 dans l’air, et si nous faisons le panorama de tout cela, c’est assez complexe, comme le schéma ci-dessous le montre bien !
Schéma synthétique des impacts sur la production agricole d’un climat et d’une atmosphère modifiés.
Les flèches rouges représentent les effet négatifs sur la production ou supposés comme tels, et les flèches bleues les effets positifs.
A gauche, conséquences de la modification des variables purement climatiques (augmentation des températures de l’air, du rayonnement solaire, diminution des précipitations ; ETP signifie evapotranspiration, soit la perte d’eau destinée à refroidir la plante par évaporation).
A droite, conséquences biologiques de l’augmentation du CO2.
Source : Delecolle et. al, La Jaune et La Rouge, mai 2000
Sur la base de ce genre de schéma fonctionnel, les agronomes ont bien évidemment essayé d’avoir une idée de ce qui pourrait se passer dans un climat modifié, et cela donne par exemple ce qui figure ci-dessous.
Pourcentage de gain – ou de pertes – des rendements des cultures en 2100 par rapport à maintenant, pour des plantes diverses, des scénarios divers, et des zones géographiques diverses.
« With adaptation » signifie que les dates de récolte et de semis sont adaptées au mieux au nouveau climat, « Without adaptation » que ce n’est pas le cas.
On note une très large dispersion des résultats : selon le scénario d’émission de gaz à effet de serre retenu, les récoltes de maïs en Roumanie perdent plus de 10% ou gagnent 5%.
Source : Troisième rapport d’évaluation du GIEC, tome 2, « Impacts, Adaptation and Vulnerability »
Mais un certain nombre de facteurs ne sont pas – ou très mal – pris en compte dans ces simulations :
- l’apparition possible de nouveaux ravageurs (insectes, champignons, virus…), ou leur prolifération subite, ce qui est probablement le risque majeur,
- la compétition entre espèces, et notamment celle avec les adventices (ce que l’on appelle les « mauvaises herbes » en français courant),
- la répartition des modifications entre les diverses parties de la plante (par exemple on peut avoir moins de graines, ou de moins bonne qualité nutritive, même si la plante dans son ensemble ne souffre pas trop).
- l’augmentation possible de la variabilité du climat
- et bien sûr d’autres éléments perturbateurs qui s’appliquent aux mêmes échelles de temps (érosion et diminution de la fertilité des sols, diminution des « moyens énergétiques » à notre disposition pour lutter contre l’adversité, dégâts volontaires en cas de conflits, etc).
Ces résultats sont donc à prendre à titre indicatif, car là comme ailleurs les principaux facteurs de risque résident probablement dans ce qu’il n’est pas possible d’étudier aujourd’hui !
Si nous ajoutons à cela que l’agriculture est souvent devenue très spécialisée dans nombre de pays (un nombre très limité d’espèce assure une très large fraction de la production), et donc qu’une forte chute des rendements sur une espèce particulière aurait des effets importants, il faut en conclure que l’agriculture serait surtout particulièrement vulnérable en cas de forte variabilité du climat, ou d’apparition de ravageurs particulièrement bien adaptés à une espèce donnée.
Un (début) de résultat
Cela fait maintenant plusieurs décennies que la température planétaire a commencé à s’élever de manière « anormale ». Il était donc normal que la science regarde si cela avait déjà un effet discernable sur la production agricole mondiale, et les résultats présentés ci-dessous portent sur les 4 principales cultures commerciales dans le monde (blé, riz, maïs, soja). De fait, il semblerait que la modification climatique enregistrée entre 1980 et 2008 ait déjà significativement impacté à la baisse le rendement de deux d’entre elles.
Reconstruction, sur la période qui va de 1980 à 2008, de l’effet du changement de température (rouge) et du changement de régime des pluies (bleu) sur le rendement du maïs, pour plusieurs régions du monde et le monde dans son ensemble. La barre grise donne la valeur médiane de l’effet combiné des deux, et le segment horizontal la fourchette d’incertitude découlant de la méthode appliquée.
La méthode en question consiste à comparer la production effective de l’année donnée (qui se mesure) avec ce qu’elle aurait été « à climat constant ». Cette dernière valeur se calcule en utilisant des modèles de production agronomiques, qui sont basés sur la corrélation entre niveaux de production et paramètres climatiques (l’article ne précise pas comment l’évolution est corrigée des progrès agronomiques). Le calcul est également fait « à CO2 constant », ce qui revient à soustraire de la production réelle l’effet fertilisant (pour le moment) d’un surplus de CO2 dans l’air.
Hors effet du CO2, le rendement de cette culture a donc baissé en moyenne de 4%± 2% dans le monde, l’essentiel étant du à la hausse de la température (NB : cette étude présente implicitement comme des variables indépendantes la variation des précipitations et la variation des températures, ce qui se discute, mais ce point ne change pas la conclusion à tirer du résultat). Les USA sont cependant peu impactés par cette évolution, nettement plus sensible en Chine et au Brésil.
Source : Climate Trends and Global Crop Production Since 1980, Lobell et al., Science, mai 2011.
Idem ci-dessus, mais pour le riz.
La variation est globalement nulle dans le monde, seule l’Inde ayant une baisse minime (0,5 à 2,5%) et l’Indonésie peut-être aussi (la barre d’erreur coupant la ligne origine, il n’est normalement pas légitime de tirer une conclusion).
Source : Climate Trends and Global Crop Production Since 1980, Lobell et al., Science, mai 2011.
Idem ci-dessus, mais pour le blé.
La perte de rendement est en moyenne de 5% pour le monde, mais est bien plus prononcée en Russie, où elle dépasse les 10%, alors que ce calcul n’a pas intégré la très forte baisse de la production intervenue en 2010 dans ce pays. Il n’est donc pas certain que la Russie continue à être très longtemps un exportateur majeur !
Source : Climate Trends and Global Crop Production Since 1980, Lobell et al., Science, mai 2011.
Idem ci-dessus, mais pour le soja.
La barre d’incertitude coupant l’axe origine pour le monde, il n’est pas possible d’affirmer qu’il y a une baisse du rendement. Au contraire, l’Argentine semble bénéficier d’une hausse du rendement, alors que le Paraguay, pays limitrophe, est le seul pays de l’ensemble ci-dessus a avoir une baisse avérée.
Source : Climate Trends and Global Crop Production Since 1980, Lobell et al., Science, mai 2011.
La vulnérabilité des écosystèmes d’eau douce… ou salée
Comme on l’a vu plus haut, le changement climatique ne se bornera probablement pas à une évolution des températures : les précipitations vont aussi se modifier. L’ensemble des deux peut affecter les écosystèmes aquatiques de multiples manières :
- Les écosystèmes aquatiques et les populations piscicoles pourraient souffrir d’une alternance de fortes précipitations et de périodes sèches, ou d’une augmentation de la température de l’eau,
- Les micro-organismes pathogènes existent aussi dans l’eau,
- Dans l’océan, le réchauffement, couplé à l’acidification, va modifier la croissance du plancton, les conditions de vie ou survie des espèces végétales, et bien sûr les zones de distribution des espèces mobiles. Cela va aussi handicaper plus ou moins fortement les espèces qui ne sont pas ou peu mobiles (dont les coraux)…
En guise de conclusion…
Il semble assez peu probable, compte tenu de ce que représentent quelques degrés de différence de la température moyenne à la surface de la terre, que 90% des écosystèmes passeraient « à travers » sans dommages. Une étude parue dans Nature il y a 1 ou 2 ans chiffrait à quelques dizaines de % le « taux de décès » des espèces actuellement présentes à la surface de la terre en cas de réchauffement de 3 °C, mais il s’agit clairement d’une indication qui a du mal à être rendue plus précise. Disserter longuement sur la localisation des risques et leur nature, passées les quelques généralités ci-dessus, est encore une affaire risquée !