Allons directement au point important: la réponse est essentiellement oui. Pour ceux qui voudraient aller au-delà d’une réponse en un seul mot (d’aucuns sont de ces pinailleurs, je vous jure…), essayons d’aller un peu dans le détail :
- La modélisation du climat ne repose pas sur un seul outil identique utilisé par tout le monde, mais 23 modèles différents ont été construits à la date du dernier rapport du GIEC (tous les pays ayant une activité scientifique significative possèdent désormais une équipe s’occupant de simulation du climat futur),
- l’une des premières choses faite avec un modèle n’est pas de regarder l’avenir mais le passé ou le présent, pour vérifier que le modèle ne décrit pas un monde actuel qui n’existe pas !
Vision cartographiée des précipitations actuelles (découlant donc des observations), en moyenne saisonnière (à gauche : décembre-janvier -février, à droite : juin-juillet-août), en mm de pluie par jour (1 mm de pluie par jour = 90 mm de pluie sur le trimestre = 360 mm de pluie par an).
Moyenne inter-modèles des précipitations simulées (on regarde donc ce qui sort du modèle quand on lui demande « que pleut-il et où aujourd’hui ».
L’aptitude des modèles à représenter d’assez près la réalité est frappante, même si ce n’est pas une représentation parfaitement identique. Il faut savoir que la simulation correcte du cycle de l’eau est bien plus difficile que celle des températures.
Une deuxième indication du fait que les modèles sont fiables découle non de l’observation de ce qui se passe aujourd’hui, mais de l’observation des tendances passées. Il est bien sûr possible de démarrer une simulation non pas d’aujourd’hui, pour savoir ce qui va se passer plus tard, mais d’un passé plus ou moins ancien (entre la fin du 19è siècle et le début du 20è, car ce sont les périodes où l’on a commencé à disposer de mesures fiables et précises de la température), pour comparer ce que dit le modèle avec ce qui a été réellement observé.
Les graphiques ci-dessus indiquent, pour chaque région du monde (et, en bas, pour l’ensemble de la planète, l’ensemble des terres émergées, et l’ensemble de l’océan mondial) :
- en noir, l’évolution de la moyenne décennale des températures de 1906 à 2005 telle qu’elle découle des relevés (avec des tiretés quand il y a peu de points de mesure ; le zéro correspond à la moyenne des années 1901-1950),
- la zone rose donne l’enveloppe de 58 simulations faites avec 14 modèles différents sur l’évolution régionale de la température en incluant tous les « forçages » du système climatique sur la période (c’est à dire les modifications du rayonnement solaire, du volcanisme, etc), y compris les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine,
- la zone bleue donne l’enveloppe de 19 simulations faites avec 5 modèles différents sur l’évolution régionale de la température en supposant qu’il n’y a jamais eu d’émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine.
Ces courbes permettent d’aboutir à deux conclusions d’importance :
- la première est tout simplement que les modèles reproduisent à peu près fidèlement les évolutions globales si l’on tient compte de tous les paramètres Cela accrédite fortement l’idée que les tendances qu’ils nous donnent pour l’avenir sont fiables (attention : les résultats quantitatifs dépendront toujours des hypothèses faites sur les émissions!).
- il est évident que les modèles ne savent pas reproduire ce qui s’est produit depuis 1970 sans faire intervenir les émissions d’origine humaine : en particulier le réchauffement observé depuis 1970 semble bien être, avec une probabilité très faible de se tromper, le début de l’influence de l’homme sur le climat.
Source : GIEC, Summary for Policymakers of the 4th assessment report (working group 1), 2007
Il y a d’autres confirmations par les modèles d’observations climatiques récentes :
- les températures ont tendance à augmenter plus vite l’hiver que l’été (ce que prévoient les modèles),
- elles ont tendance à augmenter plus vite la nuit que le jour (ce que prévoient aussi les modèles),
- certains modèles ont été testés sur Mars et Vénus où ils rendent bien compte de ce qui est observé ; Vénus a un système climatique plus simple que celui de la Terre (il n’y a ni océan, ni glaces polaires, ni êtres vivants) mais présente un phénomène particulier dans son atmosphère (la rotation de l’atmosphère est plus rapide que celle de la planète) dont le rendu par les modèles est assez fidèle.
- sur notre bonne vieille terre, les modèles reproduisent désormais de manière satisfaisante les diverses composantes du climat : les zones climatiques (pas de climat équatorial au milieu de l’Antarctique !), le rythme des saisons, les divers courants atmosphériques ou océaniques (alizés, jets atmosphériques, Gulf Stream…), les oscillations pluriannuelles (El NIno, NAO), etc.
Le milieu scientifique est donc désormais très confiant dans les principales conclusions qualitatives des modèles, et en particulier que la température moyenne au niveau du sol va augmenter en réponse à nos émissions de gaz à effet de serre. Cela ne signifie pas, bien entendu, que ces outils sont désormais aussi parfaits que possible : une intense activité de recherche se poursuit pour les améliorer, c’est à dire qu’ils soient capable de reproduire de plus en plus précisément les phénomènes observés.
Mentionnons pour finir que si une équipe de modélisation parvenait, à la suite de travaux sérieux (c’est à dire dans lesquels les autres scientifiques ne constatent pas d’erreurs de méthode et qui fasse l’objet d’une publication dans une revue scientifique de premier rang), à la conclusion que la Terre ne va pas se réchauffer suite aux émissions humaines de gaz à effet de serre, elle deviendrait mondialement célèbre dans la minute, et serait probablement un bon candidat au Prix Nobel. Il est certain que bien des scientifiques ont cherché dans cette direction ! (rappelons que, qualitativement, cette conclusion a près de deux siècles…)
Prévisions locales
Par contre les prévisions locales (est-ce que ce réchauffement sera plus fort en France ou en Allemagne, par exemple) sont très difficiles à établir, et le resteront probablement jusqu’à ce que…il se passe quelque chose.
En effet, le système climatique est un système très « instable », et une petite variation quelque part peut avoir un effet très important plus tard et plus loin.
Hormis quelques indicateurs (la température moyenne, ou les précipitations moyennes) sur quelques grandes zones (un continent par exemple), il ne sera jamais possible de faire des prévisions locales détaillées. Cela fait partie des limites normales de la modélisation climatique, car le système lui-même n’est pas prévisible de manière détaillée à l’échelle locale (impossible de dire quelle température il fera à Hong Kong le 6 juillet 2045 !), et ne doit pas nous faire penser que les conclusions générales ne sont pas bonnes ou qu’il n’y a pas de danger.
Rejeter les modèles à cause de cette imprécision, ce serait un peu comme si l’on considérait que ce n’est pas la peine de donner un temps de transport approximatif pour aller de Paris à Bordeaux en train parce que l’on n’est pas capable de le donner à le seconde près : certaines prévisions sont impossibles à faire de manière exacte, mais n’en restent pas moins précieuses pour les tendances et les grandes masses.