Il est courant de confondre météo et climat, c’est-à-dire de penser qu’une augmentation de 3 °C de la température moyenne signifie +3°C à Paris comme à Tombouctou ou à Vladivostok, +3°C l’hiver comme l’été, la nuit comme le jour, bref que cette hausse va être homogène dans le temps et dans l’espace, avec du coup une adaptation qui sera facile. Or, si l’on se réfère au passé, il va se passer l’exact contraire: la hausse ne sera pas homogène dans l’espace, ni dans le temps, et de multiples effets de seuil pourraient se produire.
Par exemple, lors des dernières glaciations, la température moyenne de l’atmosphère terrestre au niveau du sol était inférieure de 4 à 5 °C à la moyenne actuelle, mais la moyenne française était inférieure de 10°C à ce qu’elle est aujourd’hui (et au Groenland c’était -20°C), pendant que certaines zones tropicales avaient des températures moyennes à peu près identiques à ce qu’elles sont maintenant.
Si l’on en croit les modèles, que l’on a aucune raison de ne pas croire dans les grandes lignes, il est tout aussi peu probable que la hausse soit homogène à l’avenir.
Élévations régionales de température moyenne par rapport à la période 1980-1999 pour la décennie 2020-2029 (à gauche) et pour la décennie 2090-2099 (à droite). Il s’agit d’une moyenne inter-modèles, établie à partir des sorties de 6 à 8 modèles. Ces élévations sont données, de haut en bas, pour trois scénarii différents, B1, A1B et A2, soit en gros des émissions stables, qui doublent, et qui sont multipliées par 4 (voir descriptifs sur la page sur les scenarii).
Quelques enseignements majeurs sont à tirer de ces cartes :
- pour la période 2020-2029 la messe est dite: on notera que les évolutions régionales pour 2020-2029 sont relativement indépendantes des scenarii, ce qui signifie que nos actions (nécessaires) à partir d’aujourd’hui seront surtout bénéfiques pour limiter la dérive climatique après 2030, mais n’auront quasiment pas d’impact sur le changement qui va de toutes façons arriver d’ici à 2030,
- cela chauffe plus vite sur les continents que sur les océans, à cause de l’inertie thermique plus importante de ces derniers, et à cause de la circulation thermohaline qui « enfouit » une partie de la chaleur de l’océan de surface dans les profondeurs,
- cela chauffe particulièrement vite près du pole Nord, à cause d’effets amplificateurs divers,
- le Nord de l’Atlantique Nord a cependant tendance à moins chauffer que le reste de l’Atlantique Nord, conséquence du ralentissement attendu de la circulation Nord-Atlantique,
- même avec des émissions qui restent constantes au cours du 21è siècle (scénario B1), la France « encaisse » 3 °C d’élévation de température moyenne.
Source: GIEC, Summary for Policymakers of the 4th assessment report (working group 1), 2007
Par ailleurs, les modèles s’accordent pour dire que les modifications des moyennes de températures seront très différentes selon que l’on se situera en été ou en hiver. Et ce qui est vrai pour les températures sera aussi vrai pour les précipitations, à savoir que l’évolution globale sera répartie de manière hétérogène à la surface du globe et selon les saisons.
Moyenne inter-modèles des évolutions régionales des précipitations moyennes pour Decembre – Janvier – Février (DJF) et pour Juin-Juillet-Août (JJA) pour la période 2090-2099 par rapport à la période 1980-1999, avec un scénario d’émission qui est le A1B (en gros les émissions doublent au cours du 21è siècle).
Les zones blanches correspondent à une absence de concordance significative entre modèles (impossible de dégager une tendance) et les zones avec pointillés correspondent à l’inverse à un consensus presque parfait (plus de 90% des modèles concordent sur le signe de l’évolution). Par exemple l’assèchement du pourtour du bassin méditerranéen pour l’été (chez nous) correspond à une tendance observée dans plus de 90% des simulations.
Il est aisé de constater que les évolutions peuvent beaucoup varier selon la saison. On notera aussi une excellente nouvelle pour notre pays : parmi les zones qui s’assèchent le plus l’été on trouve… la France, et cela reste valable en moyenne annuelle (ci-dessous).
Moyenne inter-modèles des évolutions régionales des précipitations sur l’ensemble de l’année, en mm/jour de différence entre la période 2080-2099 et la période 1980-1999, avec un scénario d’émission qui est le A1B (en gros les émissions doublent au cours du 21è siècle).
Tout le pourtour du bassin méditerranéen va globalement s’assécher, de même que l’Amérique Centrale, le Sud du Chili, et le sud de l’Australie. Les régions surchargées avec des pointillés noir correspondent aux régions où 80% des simulations sont concordantes en signe et en amplitude.
NB : Une variation de 0,5 mm/jour signifie environ 150 mm d’eau en plus ou en moins sur l’année, soit entre le quart et le cinquième de ce qui tombe sur l’essentiel des régions européennes et méditerranéennes.
Source : GIEC, 4th assessment report (working group 1), 2007
Sans même quitter le domaine des températures ou des précipitations, il est donc facile de voir que le terme de « changement moyen » ne reflète pas du tout les évolutions régionales, qui pourront s’écarter plus ou moins significativement de l’évolution moyenne.