Un peu de CO2 pour commencer
Depuis que Denis Papin et James Watt nous ont fait découvrir les joies de la machine à vapeur, la croissance de la production industrielle – qui, en volume, augmente sans discontinuer depuis cette époque, la « dématérialisation » n’étant qu’un terme à la mode – les émissions de CO2 – le principal gaz à effet de serre d’origine humaine – augmentent, et non seulement elles augmentent, mais elles ont même tendance à augmenter de plus en plus vite, comme on peut facilement le constater ci-dessous.
Ce constat commence avec les émissions provenant des combustibles fossiles, que nous présentons ci-dessous discriminées par zone d’émission.
Evolution constatée des émissions mondiales du seul CO2 provenant des combustibles fossiles, de 1870 à 2000, en millions de tonnes de carbone (rappel : une tonne de carbone = 3,67 tonnes de CO2).
Le lien entre développement industriel et émissions de CO2 est manifeste, et fonctionne dans les deux sens : la récession qui a frappé les pays de l’Est après la chute du Mur de Berlin a engendré une baisse massive de leurs émissions (Eastern Europe sur le graphique).
Source : Marland, G., TA. Boden, and R. J. Andres, 2003. Global, Regional, and National Fossil Fuel C02 Emissions. In Trends: A Compendium of Data on Global Change. Carbon Dioxide Information Analysis Center, Oak Ridge National Laboratory, U.S. Department of Energy, Oak Ridge, Tenn., United States
Mais il n’y a pas que les combustibles fossiles qui contribuent aux émissions de CO2 : c’est aussi le cas de la déforestation et de la production de ciment. Dans le premier ce qui cause les émissions est le fait de couper puis brûler les arbres pour défricher des forêts et les transformer en surfaces agricoles (ce qui provoque l’essentiel de la déforestation), et dans le deuxième le CO2 provient de la réduction du carbonate de calcium (composant essentiel du calcaire), CaCO3, pour le transformer en chaux vive sous l’effet de la chaleur dans de grands fours à environ 1000 °C (le ciment est en effet un composé proche de la chaux vive).
Le graphique ci-dessous donne l’ensemble de ces émissions, compilées ou recalculées par votre serviteur, de 1860 à 2008 ; pour le ciment ce qui est représenté est juste les émissions de réduction du calcaire, pas les émissions liées à l’utilisation du combustible pour chauffer le four (ces émissions sont dans les catégories « charbon » ou « pétrole » quand on utilise du coke de pétrole ou du fioul lourd).
Evolution constatée des émissions mondiales du seul CO2 de 1860 à 2012, en millions de tonnes.
Quelques faits remarquables supplémentaires se constatent sur ce graphique :
- les émissions dues à la déforestation ont longtemps dominé l’ensemble, jusque vers 1930, et depuis 1960 elles sont à peu près stables (mais il faudrait les faire baisser !).
- de 2000 à 2012, c’est le charbon qui a engendré la plus forte hausse des émissions, et de très loin.
Source : calculs de l’auteur à partir de Shilling et al. 1977 et BP statistical Review 2013 pour les consommations de combustibles fossiles ; CDIAC pour la calcination du calcaire ; Houghton, The Woods Hole Research Center pour le CO2 du à la déforestation (via Global Carbon Budget).
Avant de tirer des conclusions forte de ce qui précède, une dernière présentation sera intéressante : ramener toutes les émissions aux quantités par personne, ce qui fait évidemment jouer la population et est le plus représentatif de la consommation de biens, services et ressources naturelles d’un individu.
Moyenne mondiale des émissions par personne du seul CO2 de 1880 à 2012, en tonnes de CO2.
Ce graphique permet de constater quelques faits supplémentaires :
- Les émissions par personne dues à la déforestation sont globalement en baisse depuis un siècle, et cette baisse s’accélère fortement au moment des Trente Glorieuses. On peut se demander si la forêt n’a pas été largement épargnée par la mécanisation des cultures et les engrais qui ont permis une hausse des rendements, ce qui pose la question de savoir si cette évolution résistera à la contrainte à venir sur l’approvisionnement en pétrole et en gaz,
- Les émissions par personne dues au charbon n’ont jamais cessé d’augmenter, et ce « vieux » combustible occupe désormais la première place ! La cause est simple : 2/3 du charbon mondial sert à faire de l’électricité, dont la consommation augmente linéairement avec le PIB (ci-dessous, PIB mondial en fonction de la consommation d’électricité mondiale pour la période 1985-2012 : les deux se répondent presque parfaitement).
PIB mondial (en milliards de dollars constants) en 2012 en fonction de l’électricité produite (en TWh).
- Les émissions par personne dues au pétrole sont à la baisse depuis 1979, année où elles sont probablement passées par un maximum historique. C’est une autre manière de dire que la consommation de pétrole par personne a atteint un maximum historique cette année là et qu’elle va continuer à baisser.
- Enfin les émissions par personne dues au gaz sont en hausse ininterrompue depuis que nous utilisons cette énergie, et sur le siècle ce sont elles qui croissent le plus vite. En particulier autant la crise de 1979 se voit dans les émissions dues au pétrole (et un peu dans celles dues au charbon), autant elles ne se voit pas dans celles dues au gaz (notamment parce qu’il sert beaucoup au chauffage, et le chauffage passe avant une partie du transport et des achats). Rappelons que le gaz a beau être naturel, il est épuisable et son utilisation engendre des émissions de CO2 !
Source : idem ci-dessus + World bank pour la population
Les graphiques ci-dessus permettent de dégager une conclusion forte : la hausse des émissions par personne a accompagné de manière évidente le développement industriel qui a lui-même amené la hausse de la croissance du PIB. Les seules occasions de diminution des émissions de CO2 nous ont été fournies par des événements peu agréables (guerres, récessions…). Une conclusion élémentaire de cette remarque est que, dans un monde fini, avec des émissions qui ne peuvent donc pas croître indéfiniment, si nous ne mettons pas en oeuvre un programme volontaire de décroissance des émissions, c’est la finitude du monde qui s’en chargera à notre place, à travers une ou plusieurs catastrophe(s) qui risquent de nous laisser un souvenir impérissable, mais pas pour de bonnes raisons !
Le lien entre degré « d’avancement » industriel et niveau des émissions est malheureusement très fort ; ainsi, si l’on répartit les émissions mondiales de CO2 entre les pays « développés », qui sont aussi ceux qui ont pris un engagement de réduction au titre du protocole de Kyoto (dans le langage du protocole la liste de ces pays s’appelle l’annexe B), et pays en développement, qui n’en ont pas, il est facile de constater que :
- l’essentiel des émissions mondiales en 1990 vient des pays industrialisés (qui ne représentent pourtant que 1 milliard d’être humains)
- les pays en cours d’industrialisation ont cependant des émissions en hausse plus rapide depuis cette époque (et ils ont aussi une croissance économique plus forte), avec pour conséquence qu’ils ont « rattrapé » puis dépassé les pays dits industrialisés en 2005. On notera que dans le même temps les émissions des pays industrialisés n’ont globalement pas énormément augmenté.
Emissions de CO2 seul dans le monde, en millions de tonnes d’équivalent carbone.
Annex B désigne l’ensemble des pays qui ont pris un engagement de réduction dans le cadre du protocole de Kyoto ; il s’agit des pays développés ou « en transition » (pays de l’Europe de l’Est, essentiellement).
Non Annex B désigne les pays signataires du protocole de Kyoto mais qui n’ont pas pris d’engagement de réduction (tous les autres pays du monde, dont la Chine, premier consommateur mondial de charbon).
Source : Global Carbon Budget 2012 ; Le Quéré et al.
L’examen des sources de CO2 fossile explique facilement cette situation : en effet, ce gaz est émis là où nous brûlons du charbon, du gaz et du pétrole, et cela signifie souvent une application « industrielle », ou du moins de la « civilisation industrielle », car une voiture ou un chauffage central au gaz en font assurément partie. De fait, les sources qui comptent ont soit une chaudière (centrale électrique thermique, chaudière industrielle, chaudière de bâtiment) soit un moteur (transport). Il faut y rajouter la déforestation et tout y est !
Evolution des émissions de CO2 seul par activité depuis 1971.
On remarque que la première source mondiale est la production d’électricité (« power »). On comprend alors que, compte tenu des niveaux de réduction qu’il serait souhaitable d’atteindre si l’on veut sérieusement se préoccuper du phénomène, que le combat contre l’effet de serre sera plus facilement gagné si l’on ne refuse pas le recours au nucléaire.
Sources : BP statistical Review 2013, CDIAC, the Carbon Budget, Woods Hole Research Center (Houghton et al.).
D’autres gaz pour continuer
Le CO2 d’origine fossile ne représente pas l’intégralité du problème : une partie de l’effet de serre d’origine humaine vient d’autres gaz, dont la contribution n’est pas totalement marginale. Les émissions des autres gaz concernent :
le CO2 lié à la déforestation, souvent rangé dans la catégorie « changement d’utilisation des sols », parce que en pratique le changement d’utilisation des sols qui engendre des émissions de CO2 significatives est la déforestation : la plupart du bois coupé est brûlé (l’exploitation forestière ne représente qu’une petite partie du bois coupé, même si les forestiers créent des chemins qui sont ensuite utilisés par les paysans locaux qui défrichent le reste), ce qui conduit à des émissions de CO2, puis le sol libère du CO2 additionnel lorsqu’il est labouré (le labourage expose l’humus à l’air, ce qui conduit à une oxydation accélérée du carbone du sol),
Evolution des émissions mondiales de CO2 du à la déforestation, de 1850 à 2005, en millions de tonnes de carbone.
Ce graphique propose aussi quelques enseignements intéressants :
- lorsque les émissions dues à la déforestation dominaient les émissions mondiales, ce sont les USA qui y contribuaient le plus ! Récemment, c’est l’inverse (mais il reste du chemin avant de compenser les émissions passées) : la forêt américaine gagne en superficie. A un moindre degré, cela est aussi valable pour l’Europe (qui a terminé sa déforestation bien avant celle des USA).
- L’Amérique du Sud, longtemps à la première place, vient se faire rattraper par l’Asie du Sud Est (Indonésie en tête).
- La Chine a cessé sa déforestation et voit désormais sa foret regagner (modestement) un peu de terrain
- Avec l’Amérique du Sud et l’Asie du Sud Est, l’Afrique Tropicale est la troisième grande zone de déforestation dans le monde. Les autres régions du monde contribuent marginalement à ce processus.
Source : Houghton, The Woods Hole Research Center
Du coup, en ajoutant déforestation et combustibles fossiles, nous obtenons la photo suivante des émissions par zone.
Emissions de CO2 par zone, en millions de tonnes, en ajoutant déforestation et combustibles fossiles.
Source : BP Statistical Review et Houghton, The Woods Hole Research Center
- Du méthane et du protoxyde d’azote, qui sont très liés à la production agricole (en croissance, à cause de la croissance démographique d’une part, et de l’augmentation de la part animale dans les rations alimentaires d’autre part, ce qui nécessite plus de surfaces agricoles).
Emissions mondiales de méthane par source depuis 1860, en millions de tonnes.
Landfill = décharges
Livestock = cheptel de ruminants
Rice paddies = rizières, gas flaring = torchage du gaz sur les champs de pétrole
Gas supply = fuites dans l’exploitation et la distribution du gaz
Coal mining = émanations des mines de charbon
Biomass burning = combustion incomplète de la biomasse
Source: Annual Estimates of Global Anthropogenic Methane Emissions: 1860-1994, David I. Stern* and Robert K. Kaufmann + extrapolation par votre serviteur après 1994.
- Des halocarbures, dont l’usage est très lié à la chaîne du froid (en croissance) ou à l’industrie des semi-conducteurs (en croissance aussi).
Si nous jouons maintenant au petit jeu qui consiste à regarder ce que représente la contribution de chaque gaz, alors la situation, au plan mondial, se présente à peu près comme suit.
Emissions mondiales pour les divers gaz à effet de serre en 2010 (excepté les halocarbures, désormais marginaux), en millions de tonnes équivalent CO2.
Le CO2 lié à l’usage de l’énergie représente environ 60% du problème.
Source : BP statistical Review 2011 pour les consommations de combustibles fossiles ; CDIAC pour la production de ciment ; Houghton, The Woods Hole Research Center pour le CO2 du à la déforestation ; Carbon Budget pour le méthane et le protoxyde d’azote (Nitrous oxide) ; calculs de l’auteur pour la compilation.
Si nous faisons une allocation par activité des divers gaz, voici comment ont évolué les émissions hors ozone et gaz fluorés depuis 1971.
Evolution des émissions imputées par activité, depuis 1971 (en millions de tonnes de C02 équivalent)
Sources : BP statistical Review 2013 pour les consommations de combustibles fossiles ; AIE pour la répartition par activité des combustibles fossiles, CDIAC pour la calcination du calcaire, Houghton, The Woods Hole Research Center pour le CO2 du à la déforestation ; souce ci-dessus pour le méthane, et calculs (et extrapolation après 1994) de l’auteur pour la compilation.
En regardant le graphique ci-dessus, nous pouvons êtres tentés de penser que l’essentiel du problème vient « des entreprises » : après tout, ce sont elles qui produisent l’électricité, opèrent les industries, et une partie des moyens de transport. Mais une autre lecture – intéressante, assurément ! – peut être proposée si les émissions liées au raffinage ou à la production électrique sont imputées aux secteurs qui consomment les produits pétroliers ou l’électricité.
Répartition par activité des émissions de gaz à effet de serre dans le monde en 2004 en imputant les émissions des industries de l’énergie (dont les centrales électriques bien sûr) au secteur de consommation.
Surprise ! les bâtiments font plus que les transports : la consommation d’énergie dans les bâtiments – et en particulier dans les logements – est donc un enjeu majeur pour la lutte contre le changement climatique.
Source : BP statistical Review 2009 pour les consommations de combustibles fossiles ; IPCC AR4 WG 3 (2007) pour la production de ciment ; Houghton, The Woods Hole Research Center pour le CO2 du à la déforestation.
Tous les pays sont-ils égaux ?
Le niveau des émissions de gaz à effet de serre et la répartition par activité de ces émissions est bien sûr très variable d’un pays à l’autre, selon la richesse globale, le mode de production d’électricité, le régime alimentaire, et le stade de l’industrialisation….
Répartition par activité des émissions de CO2 seul en 2007 (hors déforestation) pour un pays développé : les USA (l’électricité est imputée aux secteurs qui la consomment).
Le bâtiment est la première source dans le monde (avec l’électricité qui lui correspond, faite pour l’essentiel, dans le monde, avec des combustibles fossiles).
Source : CO2 emissions by fuel, AIE, 2009
Répartition par activité des émissions de CO2 seul en 2007 pour un pays en cours d’industrialisation : la Chine (l’électricité est imputée aux secteurs qui la consomment).
On note la part prépondérante de l’industrie et la part très mineure des transports.
Source : CO2 emissions by fuel, AIE, 2009
Nous pouvons ensuite disposer d’émissions par pays, et si les pays à population importante ont des émissions par tête bien inférieures à ce qu’elles sont pour les pays industrialisés, ils fournissent néanmoins une large partie des émissions mondiales à cause de leur démographie.
Emissions de CO2 d’origine fossile, en millions de tonnes, pour une sélection des plus gros émetteurs mondiaux.
On remarque que les pays de l’Est ont tous baissé leurs émissions de manière importante, essentiellement à cause…de la récession intervenue dans ces pays. Dans le même temps la forte croissance de certains pays (Chine, Inde, Mexique, Afrique, Brésil, etc) a engendré une forte croissance des émissions.
Croissance économique et lutte contre le changement climatique sont-ils compatibles ?
Source : AIE, 2009
Cependant les émissions par habitant suivent une hiérarchie fort différente, et s’il est un fait qui ne surprendra personne, à savoir que émissions et développement économique vont plus ou moins de pair, ce classement révèle une surprise : au sein des pays du G7, les émissions par tête varient d’un facteur 3 entre les pays les plus « vertueux » et ceux qui le sont moins.
Emissions de CO2 par habitant et par an, en kg, pour quelques pays, pour 1990 et 2007 (classées par ordre d’importance en 2007).
On remarque que parmi les pays disposant d’un fort PNB par habitant, les plus « vertueux », outre la France, sont la Suède et la Suisse, qui produisent aussi – comme la France – leur électricité avec essentiellement du nucléaire et de l’hydraulique. Dans le cas de la Suisse se rajoute le fait que son économie est fortement tertiarisée. On remarque aussi que les émissions par habitant en Chine sont quasiment 4 fois plus faibles que celles des USA, mais qu’elles ont plus que doublé quand aux USA il y avait une stabilité.
Ce graphique montre à nouveau la forte diminution intervenue dans les anciens pays communistes (ce processus explique pour une large part la diminution pour l’Allemagne ; le programme éolien mené depuis 2000 n’ayant pas produit d’effet majeur sur les émissions par habitant).
Source : AIE, 2009.
Les « grands affreux » pour le changement climatique sont incontestablement les Américains : non seulement leur pays est le premier émetteur au monde, mais ils sont aussi sur le podium pour les émissions par habitant, et leurs émissions sont en croissance !
Les pays « sous-développés » sont nettement moins émetteurs : en moyenne, l’émission de CO2 fossile par habitant est de l’ordre de 0,4 tonne d’équivalent carbone par an (soit un cinquième d’un Français, et 7% de ce que « fait » un Américain), mais tous les pays hors Annexe B (ceux qui n’ont pas pris d’engagements de réduction) ne sont pas si bas !
Emissions de CO2 seul par habitant pour une large sélection de pays de hors Annexe B (pays n’ayant pas pris d’engagement de réduction à Kyoto), en tonnes équivalent carbone, avec puits. Pour ce seul gaz, la Suisse serait à 1,7 tec/pers./an et les USA à plus de 5.
On note les émissions modestes de l’Inde (0,3 tec/pers./an en gros) et les émissions très basses des pays de l’Afrique Noire (le Nigeria est le pays le plus peuplé d’Afrique, avec plus de 120 millions d’habitants).
On note aussi que Israël, Singapour, La Corée du Sud, l’Afrique du Sud, sans parler des pays producteurs de pétrole, qui ont tous des émissions par tête et/ou un niveau de développement voisin de celui des pays de l’OCDE, n’ont pas pris d’engagement de réduction.
Source : United Nations Framework Convention on Climate Change – UNFCCC.
Et en France ?
A cause du fait que nous produisons notre électricité essentiellement avec des procédés qui n’émettent pas de CO2 (nucléaire pour 80%, et hydraulique pour 15%) la répartition chez nous n’est pas la même : pour le seul CO2 ce sont les transports qui arrivent en tête (figure ci-dessous), suivis du poste « résidentiel – tertiaire », qui correspond à l’utilisation d’énergie fossile dans les maisons et bâtiments (chauffage pour l’essentiel, puis eau chaude pour la plus grosse partie du reste ; la climatisation à l’électricité n’est pas prise en compte car la consommation d’électricité ne produit pas de CO2, c’est la production d’électricité qui en produit éventuellement).
Répartition par activité des émissions de CO2 seul en France en 2011.
Il s’agit des émissions brutes, c’est à dire que les puits ne sont pas pris en compte (cela signifie essentiellement que les bénéfices liés à l’exploitation forestière, qui conduit à de la séquestration de carbone dans les arbres transformés en produits durables, ne sont pas imputés à l’activité agricole, qui comprend aussi la sylviculture).
On remarque que la première source en France est représentée par les transports, avec 30% environ.
En outre, si l’on imputait aux transports les émissions des raffineries pour produire l’essence (dans le poste « transformation énergie »), celles de l’industrie pour la construction des voitures et des routes, et plus généralement toutes les émissions produites par des activités concourant aux déplacements (assurances, garages, etc) le total serait probablement plus proche de 40%. La nomenclature a son importance !
(*) le transport aérien international n’est pas pris en compte, car aux termes du protocole de Kyoto les émissions découlant du transport international aérien ou maritime ne sont pas affectées aux totaux nationaux.
Source : CITEPA, 2012
Le poste « énergie » correspond pour une grosse moitié aux centrales électriques à charbon et à gaz que nous avons aussi, et pour une petite moitié aux raffineries de pétrole (le raffinage du pétrole conduit à une auto-consommation de 8% du pétrole raffiné environ). Incidemment il est intéressant de noter que plus on cherche à avoir un carburant « propre » (exempt de soufre, etc) et plus cela engendre des émissions de CO2 importantes pour le raffinage correspondant.
Si nous tenons maintenant compte de tous les gaz à effet de serre pris en compte dans les négociations internationales, et pas seulement du CO2, alors la répartition change : c’est l’agriculture qui arrive en tête !
Répartition par activité des émissions en France pour l’année 2011, tous gaz à effet de serre (sauf ozone) pris en compte.
Il s’agit des émissions brutes (je ne sais pas imputer les puits par activité !).
On remarque que la deuxième source devient alors l’activité agricole au sens large. Toutefois la même remarque que ci-dessus s’applique : si l’on réintègre les émissions des raffineries, de l’industrie auto, etc, les transports montent probablement à plus de 25%.
Cela étant, un raisonnement similaire peut s’appliquer à l’agriculture : si nous rassemblons dans un même sac tout ce qui est émis pour nous fournir de la nourriture (agriculture, mais aussi le transport et la transformation industrielle de la nourriture, y compris la fabrication des emballages que nous jetterons ensuite), alors manger est à l’origine d’un tiers des émissions environ.
(*) le transport aérien international n’est pas pris en compte.
Source : CITEPA, 2012
En effet, l’agriculture est à l’origine de l’essentiel des émissions des gaz « hors CO2 » : 2/3 du méthane – CH4 – et du protoxyde d’azote – N2O – proviennent des activités agricoles, respectivement dus à l’élevage bovin et à l’utilisation des engrais. Ces gaz « mineurs » représentent un peu plus ou un peu moins d’un quart des émissions globales selon la manière de compter (graphiques ci-dessous).
Répartition par gaz des émissions en France pour l’année 2011. HFC, PFC et SF6 sont des gaz industriels appelés halocarbures.
- A gauche : sans les puits.
- A droite : en ne comptant que le solde pour le CO2, une fois les puits pris en compte.
Source : CITEPA, 2012
Les proportions respectives du CO2, du méthane et du protoxyde d’azote sont variables selon les pays : les pays à économie agraire ont des émissions de méthane proportionnellement plus élevées, voire qui peuvent être dominantes, alors que les pays très industrialisés et qui en plus font leur électricité au charbon ont des émissions de CO2 encore plus dominantes qu’en France.
En France, tous les postes évoluent-ils de la même manière ?
Non : les évolutions respectives sont assez variables d’un poste à un autre. Les chiffres ci-dessous ne sont bien sur valables que pour la France, mais les évolutions décrites se retrouvent peu ou prou dans bien d’autres pays du monde développé, à l’exception de la baisse des émissions pour l’électricité, qui est une spécificité française.
Evolution par activité des émissions de CO2 seul (en France) depuis 1960, en millions de tonnes équivalent CO2.
Quatre époques se lisent clairement sur ce graphique :
- après le choc pétrolier, l’industrie se met à la chasse au gaspi de manière efficace, et électrifie un certain nombre d’usages par ailleurs, et obtient une baisse continue jusqu’au « contre-choc » (en 1985 le pétrole est devenu très bon marché). Pendant la même période le lancement du programme électronucléaire conduit à une diminution rapide – mais avec un décalage de 10 ans, le temps de construire les centrales – des émissions du secteur de l’énergie (c’est cette baisse que l’on ne retrouve pas nécessairement dans d’autres pays), et enfin les particuliers ont aussi effectué des économies chez eux (baisse du poste « résidentiel tertiaire »). Pendant cette période, toutefois, les émissions des transports continuent de croître, quoique moins vite que sur la période 1960-1974.
- jusqu’au premier choc pétrolier, tous les postes d’émission sont en hausse. Les « Trente Glorieuses » sont allées de pair avec une très forte augmentation des émissions dont la phase finale se voit clairement de 1960 à 1973.
- depuis le contre-choc de 1985, tous les postes sont plus ou moins stables, exception faite des transports qui poursuivent sur leur lancée et de l’agriculture, qui poursuit sa mécanisation (qui consiste essentiellement à remplacer des individus par du pétrole !).
- Et… depuis le début des années 2000, c’est-à-dire exactement le moment où la quantité de pétrole disponible pour les européens est passée par un pic, les émissions des transports baissent… tout simplement parce qu’il n’y a pas (ou plus) de plus en plus de carburant à mettre dans les réservoirs ! Cette période, qui a démarré par un pétrole de plus en plus cher puis une récession, a conduit à une baisse des émissions françaises de manière évidente.
(*) le transport aérien international n’est pas pris en compte
Source : CITEPA, 2012