Nous jetons chaque jour un peu plus de déchets ménagers (et ce « un peu plus » au quotidien fait rapidement « beaucoup plus » : nous avons augmenté ces déchets de 33% en 10 ans seulement, c’est considérable !) :
Pays | 1980 (milliers de tonnes) | 1990 (milliers de tonnes) | 1980 (kg par habitant) | 1990 (kg par habitant) |
---|---|---|---|---|
France | 15.570 | 20.320 | 290 | 360 |
Allemagne | 21.417 | 21.172 | 348 | 333 |
Royaume Uni | 15.500 | 20.000 | 312 | 348 |
Italie | 14.040 | 20.033 | 252 | 348 |
Espagne | 10.100 | 18.540 | 270 | 322 |
Évolution de la production des déchets ménagers. Comparaison européenne.
Source : rapport Miquel du Sénat sur le recyclage des déchets ménagers
Ces déchets comportent certes des épluchures de patates, mais surtout beaucoup de produits provenant de l’industrie :
Nature de déchets | en % | kg/hab/an |
---|---|---|
Déchets putrescibles | 28,8% | 125 |
Papier | 16,2% | 70 |
Carton | 9,1% | 39 |
Plastiques | 11,1% | 48 |
Verre | 13,1% | 57 |
Métaux | 4,1% | 18 |
Incombustibles | 6,8% | 30 |
Combustibles divers | 3,2% | 14 |
Textiles | 2,6% | 11 |
Textiles sanitaires | 3,1% | 13 |
Complexes | 1,4% | 6 |
Spéciaux | 0,5% | 2 |
TOTAL (1997 ou 1998) | 100% | 134 |
Composition des ordures ménagères
Source : ADEME, Déchets municipaux, les chiffres clefs – février 1998
Il est facile de constater que les déchets organiques ne constituent qu’une petite partie de ce que nous jetons!
Or la production et le travail de tous ces matériaux que nous finirons par jeter a consommé de l’énergie et engendré des émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, pour faire un produit en acier à partir de minerai de fer, il faut effectuer les actions suivantes, dont chacune conduit a effectivement des émissions de gaz à effet de serre :
- extraire le minerai,
- le transporter,
- le réduire avec du charbon (c’est cette opération, faite dans un haut-fourneau, qui engendre le gros des émissions),
- le purifier (à l’oxygène par exemple),
- le laminer ou l’étirer,
- transporter l’acier produit jusqu’à son lieu de 2è transformation (pour en faire des canettes boisson ou des portières de voiture),
- effectuer la 2è transformation,
- et enfin transporter le produit fini jusqu’au magasin.
A chaque stade on peut associer des émissions, plus ou moins bien identifiées. Le problème de méthode essentiel survient lorsqu’une même opération sert à plusieurs choses à la fois. Par exemple, si un bateau transporte en même temps des machines à laver et des serviettes-éponge, il faut décider d’une règle pour partager les émissions du bateau entre les éléments de la cargaison (au poids ? au volume ?), et ce n’est pas toujours évident.
Cette précaution rappelée, voici des ordres de grandeur d’émissions (en kg équivalent carbone, tous gaz à effet de serre pris en compte) liés à la production d’une tonne de matériau de base :
Matériau | kg équivalent carbone par tonne produite (valeurs européennes) |
---|---|
Acier à partir de minerai | 850 |
Acier à partir de ferrailles | 300 |
Aluminium à partir de minerai | 3.000 |
Aluminium à partir de ferrailles d'alu | 600 |
Verre plat | 400 |
Verre bouteille | 120 |
Plastique de base (polyéthylène, polystyrène, PCV, PET) | 500 à 1.600 |
Papier-carton | 500 |
Ciment | 250 |
Production d’une tonne de matériau de base
Source : Jancovici/ ADEME, 2003
Ainsi, quand nous achetons un kg d’acier d’emballage, supposé fait à partir de minerai, qui finira à la poubelle, nous serons à l’origine, au mieux, de 300 grammes équivalent carbone d’émissions si cet acier est recyclé (on voit donc que le recyclage ne signifie pas suppression de l’impact), et de 850 grammes au pire, si cet acier était neuf et n’est pas recyclé.
Mais les déchets sont à l’origine d’autres émissions :
- les déchets « putrescibles » (déchets organiques, papiers et cartons pour l’essentiel) qui sont mis en décharge conduisent à des émissions de méthane en se décomposant, or le méthane est un gaz à effet de serre.
- les déchets « combustibles » (plastique, papier, carton) conduisent à des émissions de CO2 lorsqu’ils sont brûlés, et pour le plastique, fait à partir de pétrole, il s’agit de carbone « fossile ».
La valorisation permet cependant des économies :
- il est possible de récupérer les matériaux (acier, alu, papier…), mais cette récupération nécessite des processus qui conduisent quand même à des émissions (dans le cas du papier et du carton, le bilan d’ensemble est à peu près identique à une fabrication à partir de matériaux neufs !),
- il est possible de récupérer la chaleur de la combustion pour en faire de l’électricité ou du chauffage urbain,
- il est possible de récupérer le méthane des déchets qui fermentent pour en faire aussi de la chaleur ou de l’électricité.
Toutefois la valorisation ou le recyclage ne rendent en aucun le fait de jeter « neutre » : il reste de très loin préférable de ne pas jeter, donc d’acheter des produits peu emballés.
En tenant compte de la proportion des diverses filières en France (décharge, incinération, avec ou sans valorisation), et en prenant des valeurs moyennes pour les émissions de gaz à effet de serre liées à la production des divers matériaux que nous jetons, voici la quantité de gaz à effet de serre que nous allons trouver dans la poubelle d’un Français moyen :
Nature de déchets | kg/hab/an | kg equivalent carbone par kg jeté (*) | kg equivalent carbone |
---|---|---|---|
Déchets putrescibles | 125 | 0,17 | 21 |
Papier - carton | 110 | 0,58 | 64 |
Plastiques | 48 | 0,9 | 43 |
Verre | 57 | 0,28 | 16 |
Métaux | 18 | 0,6 | 11 |
Autres | 76 | 0,5 | 38 |
TOTAL | 434 | - | 193 |
Quantité de gaz à effet de serre que nous allons trouver dans la poubelle d’un Français moyen.
(*) cette valeur inclut à la fois les émissions de fabrication et les émissions de fin de vie (liées à l’incinération et la fermentation)
Il s’ensuit que notre poubelle « contient » environ 200 kg équivalent carbone par personne et par an environ soit un petit 10% des émissions moyennes par Français. Diminuer fortement la quantité de choses que nous jetons – et par voie de conséquence la quantité d’emballages que nous achetons – représente donc une marge de manœuvre qui, sans être suffisante, n’est pas totalement ridicule dans l’ensemble.