La définition d’un gaz à effet de serre est à la fois très simple et très compliquée pour le profane : un « gaz à effet de serre » est tout simplement un gaz présent dans l’atmosphère terrestre et qui intercepte les infrarouges émis par la surface terrestre. Ce sont des gaz dont nous n’avons pas entendu parler depuis « tout petit déjà » parce que ni l’azote ni l’oxygène, les deux gaz les plus abondants dans l’atmosphère (78% et 21% respectivement), que beaucoup d’entre nous connaissent, n’ont cette propriété (pour les amateurs de précisions, un gaz ne peut absorber les infrarouges qu’à partir de 3 atomes par molécule, ou à partir de deux si ce sont deux atomes différents. Du coup ni l’azote – diazote pour être précis – ni l’oxygène – dioxygène pour l’être tout autant – ne sont dans la catégorie des gaz à effet de serre). Mais une fois que nous avons dit cela, quels sont ces gaz exactement ? Et l’homme en est-il le seul émetteur, comme le sous-entendent parfois certains propos entendus dans les médias ?
Les gaz « naturels » à effet de serre
Les deux principaux gaz responsables de l‘effet de serre de la Terre, depuis que notre planète a une atmosphère qui ressemble à l’actuelle (ce qui fait bien quelques centaines de millions d’années !) sont :
- la vapeur d’eau (H2O),
- le gaz carbonique (CO2).
Il en existe d’autres, et même beaucoup d’autres. Certains, comme le CO2 et la vapeur d’eau, sont « naturels », c’est-à-dire qu’ils étaient présents dans l’atmosphère avant l’apparition de l’homme. Cette présence ancienne signifie, par la force des choses, qu’ils possèdent des sources naturelles, mais aussi des « puits », qui retirent les gaz en question de l’atmosphère et permettent à la concentration de rester à peu près stable. Pour la vapeur d’eau le « puits » s’appelle… la pluie, et pour le CO2 une partie du puits est tout simplement la photosynthèse.
Outre la vapeur d’eau et le gaz carbonique, les principaux gaz « naturels » à effet de serre sont :
- le méthane (CH4), qui n’est rien d’autre que… le gaz « naturel » de nos cuisinières,
- le protoxyde d’azote (N2O), nom savant du…. gaz hilarant (qui ici ne l’est plus tellement),
- l’ozone (O3), molécule formée de trois atomes d’oxygène (les molécules du gaz oxygène « normal » comportent 2 atomes d’oxygène seulement).
Dire que ces gaz sont « naturels » – et donc qu’ils ont des sources naturelles – ne signifie bien évidemment pas que l’homme n’a pas d’influence sur leurs émissions ou sur leur concentration dans l’atmosphère. Pour les 3 gaz mentionnés ci-dessus, comme pour le CO2, il est avéré que l’homme ajoute sa part et a augmenté leur concentration dans l’air de manière significative. C’est du reste pour cela que, comme pour le CO2, le méthane et le protoxyde d’azote sont pris en compte dans les accords internationaux comme le protocole de Kyoto par exemple. Ce n’est pas le cas de l’ozone, mais cela est dû à des difficultés pratiques et non à une absence d’influence sur le climat.
Les gaz « industriels » à effet de serre
A côté des gaz « naturels » à effet de serre, il en existe d’autres, que nous pouvons qualifier d’ « artificiels » : ils s’agit de gaz industriels qui ne sont présents dans l’atmosphère qu’à cause de l’homme. Les principaux gaz « industriels » à effet de serre sont les halocarbures (formule générique de type CxHyHalz où Hal représente un ou plusieurs halogènes) : il s’agit d’une vaste familles de gaz obtenus en remplaçant, dans une molécule d’hydrocarbure (le propane, le butane, ou encore l’octane, que l’on trouve dans l’essence, sont des hydrocarbures), de l’hydrogène par un gaz halogène (le fluor, le chlore…). Les molécules ainsi obtenues ont deux propriétés importantes pour nous :
- Elles absorbent très fortement les infrarouges, beaucoup plus que le gaz carbonique à poids égal,
- Certaines d’entre elles (les perfluorocarbures par exemple) sont très « solides » : elles sont chimiquement très stables dans l’atmopshère, et seule la partie la plus « énergique » du rayonnement solaire et intersidéral (les ultraviolets et les rayons cosmiques) peut « casser » les liaisons de ces molécules une fois qu’elles sont dans l’atmosphère. Comme ces processus sont lents et n’interviennent que loin du sol, ces molécules d’halocarbures ont donc des durées de vie dans l’atmosphère qui peuvent être très longues, car il faut attendre qu’elles diffusent dans la stratosphère – donc qu’elles montent haut alors qu’elles sont souvent très lourdes – avant d’être « cassées », et cela peut prendre des milliers d’années.
Une famille particulière d’halocarbures, les CFC, a la double propriété de contribuer à l’augmentation de l’effet de serre, mais aussi de diminuer la concentration de l’ozone stratosphérique (la fameuse « couche d’ozone », qui en fait n’est pas vraiment une couche). La production de ces gaz est désormais interdite (ou en cours d’éradication), au titre du protocole de Montréal signé en 1987, qui ne concerne pas les autres gaz à effet de serre.
Il existe également un autre gaz industriel que l’on mentionne souvent dans les milieux spécialisés, l’hexafluorure de soufre (SF6). Il est utilisé par exemple pour les applications électriques (transformateurs) et… les doubles vitrages. Il n’est pas émis en grande quantité mais est encore plus absorbant pour les infrarouges et résistant à la partie « dure » du rayonnement solaire que les halocarbures.
Quels sont les gaz qui font le plus d’effet de serre et d’où viennent-ils?
Si nous ne nous occupons pas de la raison pour laquelle les gaz à effet de serre sont dans l’atmosphère, celui qui engendre le plus d’effet de serre est… la vapeur d’eau.
Répartition des contributions à l’effet de serre « naturel » des différents gaz présents dans l’atmosphère : l’eau, sous toutes ses formes, en représente les 3/4. La partie « autres gaz » est essentiellement due au gaz carbonique ou CO2.
Attention! Il s’agit bien de l’effet de serre naturel, pas de la contribution humaine qui vient s’y ajouter.
Source : GIEC
Mais si l’on se limite à l’effet de serre d’origine humaine, que l’on appelle parfois effet de serre « additionnel » (parce qu’il se rajoute à celui d’origine naturelle), ou anthropique, la répartition par gaz est totalement différente (merci de ne pas me faire remarquer que le total fait 105%! Les pourcentages ont été arrondis…) :
- Les émissions directes de vapeur d’eau des hommes (provenant des centrales électriques – pas seulement nucléaires ! – , de l’irrigation, des barrages, de la déforestation…) ne contribuent pas à augmenter l’effet de serre de manière décelable, et ne sont donc pas prises en compte dans les émissions humaines. En effet, sur une planète couverte aux 2/3 d’eau (les océans), et compte tenu du fait que l’eau ne s’accumule pas dans l’atmosphère – où son temps de résidence est de l’ordre d’une semaine seulement -, les émissions d’origine humaine sont totalement marginales dans le cycle global de l’eau (à titre indicatif, les émissions annuelles de vapeur d’eau de l’humanité provenant de la combustion des hydrocarbures représentent moins de 1% de l’évaporation naturelle survenant en une seule journée). L’action de l’homme peut très significativement perturber le cycle local de l’eau (la Mer d’Aral ou le barrage d’Assouan en offrent de bons exemples), mais cela n’a pas de répercussions significatives au niveau de la teneur moyenne en vapeur d’eau de l’ensemble de l’atmosphère, or c’est celle-là qui gouverne l’effet de serre qui en résulte.
Ce qui précède explique pourquoi il n’est pas tenu compte de la vapeur d’eau, excepté dans quelques cas bien particuliers tels l’aviation, lorsque l’on calcule les émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine.
- Le gaz carbonique d’origine humaine est responsable d’un peu moins de 65% de l’effet de serre additionnel dû à l’homme. Ce gaz comporte bien sûr des émissions naturelles (la respiration des animaux, une partie de la putréfaction, les incendies naturels, ou encore le réchauffement de l’océan de surface) très importantes, mais elles sont compensées par des « puits » tout aussi importants (le refroidissement d’autres portions de l’eau océanique de surface, et la photosynthèse). Le gaz carbonique venant des activités humaines (on parle d’émissions anthropiques, c’est à dire provoquées par l’homme) provient :
- pour l’essentiel de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz),
- pour partie de certaines industries (par exemple pour la production de ciment),
- enfin pour une part non négligeable de la déforestation, notamment en zone tropicale (voir la page sur les puits pour les explications).
- Le méthane engendre un peu plus de 15% de l’effet de serre anthropique. Le méthane est un gaz qui se forme dès qu’un composé organique (un reste d’animal ou de plante) se décompose à l’abri de l’oxygène de l’air (par fermentation ou putréfaction), par exemple au fond de l’eau ou sous terre. Les réserves de gaz naturel ne se sont pas formées autrement que par la décomposition, il y a très longtemps, de plantes et d’animaux, qui se sont d’abord transformés en hydrocarbures liquides, puis en gaz. Une partie du méthane présent dans l’atmosphère est donc d’origine parfaitement naturelle, provenant notamment des zones humides (marécages, marais, etc) et…des termites!
Mais l’homme y rajoute sa part. Le méthane d’origine humaine provient :- pour une part de la combustion de matière organique, notamment des brûlis en zone tropicale (la combustion du bois est toujours une combustion imparfaite, qui libère dans l’atmosphère des composés mal ou pas brûlés, dont du méthane),
- de l’élevage des ruminants (vaches, moutons, chèvres, yaks…), car les aliments qu’ils ingèrent fermentent dans leur estomac, en dégageant du méthane (à titre informatif il y a environ 20 millions de bovins en France : le poids des vaches est supérieur au poids des hommes !),
- de la culture du riz, car les zones humides en général émettent du méthane (ce gaz se forme dès que des composés organiques se décomposent – « pourrissent » – à l’abri de l’oxygène de l’air, comme par exemple au fond des marécages, ou encore dans les sédiments océaniques),
- des décharges d’ordures ménagères (encore le « pourrissement » à l’abri de l’oxygène de l’air),
- des exploitations pétrolières et gazières, à cause des fuites de gaz (le méthane est le principal constituant du gaz naturel), et des mines de charbon (le méthane est le principal constituant du grisou).
- Les halocarbures engendrent un peu moins de 10% de l’effet de serre anthropique (ces gaz n’ont pas d’émissions naturelles). Les premiers représentants de cette famille sont connus de tous : il s’agissait des CFC, désormais remplacés par d’autres gaz voisins, mais qui ne détruisent pas l’ozone stratosphérique. Ces gaz sont utilisés :
- comme gaz réfrigérants (dans les systèmes de climatisation et les chaînes du froid) ; les émissions de ce poste proviennent essentiellement des fuites et mise à la décharge des systèmes de climatisation,
- comme gaz propulseurs dans des bombes aérosols ; les fameux CFC constituent une sous-famille devenue célèbre des halocarbures. Le Protocole de Montréal a décidé leur éradication progressive car, en plus d’être de puissants gaz à effet de serre, ils sont aussi responsables de la diminution de l’ozone en haute altitude,
- dans certains procédés industriels (fabrication de mousses plastiques, mais aussi…de composants d’ordinateurs ou de téléphones portables).
- Le protoxyde d’azote (N2O) engendre environ 5% de l’effet de serre anthropique. Pour ce gaz il y a aussi des émissions naturelles, qui proviennent essentiellement des zones humides. La part « humaine » (anthropique) provient
- de l’utilisation des engrais azotés en agriculture,
- de certains procédés chimiques.
- L’ozone (O3) troposphérique engendre enfin environ 10% de l’effet de serre anthropique. L’ozone est une variante de l’oxygène (une molécule d’ozone comporte 3 atomes d’oxygène au lieu de 2 pour le gaz « oxygène » normal) qui est naturellement présent dans l’atmosphère. Selon l’endroit où il se trouve il nous intéresse beaucoup ou il nous est nuisible :
- dans la haute atmosphère, où l’on parle d’ozone stratosphérique (la stratosphère est la couche de l’atmosphère située entre 10 et 50 km d’altitude), il arrête les ultraviolets du soleil qui ont tendance à « casser » les liaisons chimiques indispensables à la vie ; il nous y est donc très utile (sans cette couche d’ozone stratosphérique la vie évoluée n’existerait probablement pas en dehors des océans),
- dans nos villes, bien qu’il continue aussi à arrêter les ultraviolets les plus agressifs qui viennent du soleil (mais près du sol il n’en reste plus beaucoup à arrêter, heureusement), il montre aussi une autre de ses facettes, c’est que c’est un oxydant très agressif, et donc que nos poumons n’aiment pas beaucoup en respirer. L’ozone troposphérique (la troposphère est la couche la plus basse de l’atmosphère, celle qui « touche » le sol, et elle va jusqu’à la stratosphère, à environ 10 km du sol) est l’un des composants de la pollution locale, et provient indirectement de la combustion d’hydrocarbures. Ce terme de l’effet de serre est donc – outre le CO2 – une conséquence de l’utilisation des énergies fossiles (pour plus d’explications sur l’ozone, voir cette page).
Depuis le début de l’ère industrielle, c’est à dire depuis l’année 1750 environ, ce que nous avons mis dans l’atmosphère a pour effet d’introduire un « forçage radiatif » de l’ordre de 1% du rayonnement reçu.
Dit autrement, à travers ses émissions de gaz à effet de serre l’homme a modifié la situation « comme si » le soleil avait augmenté sa puissance d’environ 1%. Cela peut paraître peu. Pourtant, compte tenu des énergies considérables qui sont en jeu, de la fragilité de certains équilibres naturels, et du fait que ces effets agissent sur de longues périodes, c’est très significatif pour notre avenir.
Combien de temps restent-ils dans l’atmosphère?
Les gaz à effet de serre, une fois dans l’atmosphère, n’y restent bien évidemment pas éternellement, mais… cela peut prendre un certain temps de les évacuer de cet endroit. L’épuration des gaz à effet de serre de l’atmosphère peut survenir :
- par un phénomène physique. Par exemple la pluie, phénomène physique (condensation), enlève de la vapeur d’eau de l’atmosphère.
- par une réaction chimique intervenant au sein de l’atmosphère. C’est le cas pour le méthane, qui s’élimine par réaction avec des radicaux OH (qui s’appellent des radicaux hydroxyle) naturellement présents dans l’atmosphère, pour donner du CO2.
- par une réaction chimique, photochimique ou physique intervenant à la frontière entre l’atmosphère et les autres compartiments de la planète. C’est par exemple le cas pour le CO2, qui est réduit par la photosynthèse des plantes (réaction photochimique), ou qui est dissous dans l’océan (réaction physique) pour finir par y donner des ions bicarbonate et carbonate (par contre le CO2 est chimiquement stable dans l’atmosphère, et il n’y a pas de réaction purement chimique prenant place au sein de l’atmosphère qui « élimine » ce gaz),
- soit par suite d’un phénomène radiatif. Par exemple les rayonnements électromagnétiques « durs » émis par le soleil – ainsi que les rayons cosmiques, qui sont de même nature que les rayons émis par une source radioactive – « cassent » des molécules dans la haute atmosphère. Une partie des halocarbures disparaît de cette façon (ce sont généralement des molécules trop stables pour disparaître par réaction chimique dans l’atmosphère) ; certains halocarbures sont cependant encore suffisamment réactifs (encore suffisamment proches des hydrocarbures) pour disparaître comme le méthane, par réaction chimique avec d’autres composés de l’atmosphère.
Mais la très mauvaise surprise, c’est que mis à part la vapeur d’eau, qui s’évacue en quelques jours, les gaz à effet de serre mettent très longtemps à s’en aller de l’atmosphère. Cela n’est pas facile de savoir avec précision combien de temps sera nécessaire pour évacuer ce que nous émettons aujourd’hui, car l’atmosphère est un système très complexe, faisant intervenir tout un ensemble de phénomènes (physiques, chimiques, biologiques…), dont les scientifiques n’ont pas encore percé tous les mystères (on ne se doute pas, quand on regarde en l’air, que c’est si compliqué !). En outre l’augmentation de la concentration dont nous sommes à l’origine va trop vite pour qu’il soit facile de s’inspirer de ce qui s’est passé aux époques anciennes sur la vitesse d’élimination du surplus. Disons que ça va prendre longtemps !
Forçage radiatif résiduel, au cours du temps, et en watts par mètre carré, provenant d’une d’un million de tonnes de gaz émises à l’instant 0.
Avec un simple changement d’unité sur l’axe vertical, ce graphique pourrait tout aussi bien représenter la concentration supplémentaire dans l’atmosphère, au cours du temps, qui suit l’émission d’un million de tonnes de gaz à effet de serre à l’instant 0.
NB : comme les axes de ce graphique sont gradués en échelles dite logarithmiques – chaque changement de graduation correspond à une multiplication par 10 – il n’y a pas de zéro au croisement des axes, mais c’est tout comme.
On voit qu’il faut attendre de l’ordre du siècle avant que le CO2 ne commence à être évacué de l’atmosphère de manière significative, de l’ordre de 10 ans pour le méthane, mais que certains halocarbures (par exemple le CF4, en haut du diagramme) n’ont toujours pas commencé à s’épurer significativement de l’atmosphère au bout de 1.000 ans.
Cette simple caractéristique « physique » explique pourquoi le changement climatique est un processus fondamentalement irréversible, qu’il sera complètement impossible d’inverser à bref délai le jour où l’expérience nous importunera pour de bon.
Source : D. Hauglustaine, LSCE
Ce qu’illustre le graphique précédent est une notion de « vitesse d’élimination », qui peut servir à définir une durée de séjour approximative, c’est à dire le temps qui est nécessaire à ce qu’une fraction significative du gaz en surplus commence à s’évacuer de l’atmosphère. Bien entendu cette durée de séjour (ou de résidence) n’est valide que pour autant que les conditions restent « égales par ailleurs ».
Gaz | Durée de séjour approximative dans l'atmosphère |
---|---|
Gaz carbonique (CO2) | 100 ans (pour l'élimination d'une grosse moitié du surplus créé) |
Méthane (CH4) | 12 ans |
Protoxyde d'azote (N2O) | 120 ans |
Halocarbures (CnHalp) | jusqu'à 50.000 ans |
On voit immédiatement ci-dessus que l’essentiel des gaz que nous émettons aujourd’hui, y compris le gaz carbonique que nous avons par exemple émis ce matin en venant travailler en voiture, ou hier en faisant fonctionner une chaudière de logement ou un four à verre, a créé un surplus qui sera pour partie encore au-dessus de la tête de nos (arrière-arrière-etc) petits-enfants dans 1 ou 2 siècles ou plus. Et bien sûr, pendant tout le temps que ce surplus de gaz reste au-dessus de nos têtes, ils contribue à un effet de serre supplémentaire.
Peut-on comparer les gaz entre eux ?
Afin de pouvoir faire des comparaisons (ce qui est essentiel pour pouvoir faire des plans d’action, car tant que l’on ne sait pas si il est préférable d’éviter l’émission de 1 kg de CO2 ou de 1 kg de méthane, il est difficile d’établir des priorités, et donc de choisir), il est possible de calculer, pour chacun des gaz à effet de serre, un « pouvoir de réchauffement global » (en abrégé PRG, et en abrégé en anglais GWP, pour Global Warming Potential), qui permet de savoir de combien on augmente l’effet de serre lorsque l’on émet un kg du gaz considéré.
Le PRG (Pouvoir de réchauffement global)
Le pouvoir de réchauffement global d’un gaz se définit comme le « forçage radiatif » (c’est à dire la puissance radiative que le gaz à effet de serre renvoie vers le sol), cumulé sur une durée qui est généralement fixée à 100 ans, d’une quantité de gaz donnée.
En gros c’est une notion qui permet d’appréhender à la fois sa « puissance instantanée » (qui est le forçage radiatif, c’est à dire la quantité de rayonnement qu’il intercepte et renvoie vers le sol), découlant de ses raies d’absorption, et sa durée de séjour dans l’atmosphère.
Cette valeur ne se mesure pas dans l’absolu, mais relativement au CO2. Le PRG d’un gaz est donc « combien de fois plus » (ou combien de fois moins) un gaz « fait d’effet de serre sur 100 ans » (c’est à dire combien d’énergie il renvoie vers le sol sur cette période) comparé à ce que ferait une même quantité de CO2 émise au même moment. On parle donc de « PRG relatif », dont la définition correspond à la formule très barbare ci-dessous (que ceux qui n’y comprennent rien ne perdent pas espoir! Ca redevient du français plus bas), où F signifie « Forçage radiatif » et où N est généralement égal à 100 ans.
PRG = \frac{ \int_0^N Fgaz(t) , \mathrm{d}t } { \int_0^N FC02(t) , \mathrm{d}t }
Calculer formellement ce PRG tient à peu près de la mission impossible: cela suppose de spéculer sur l’évolution du forçage radiatif, qui dépend elle-même de l’évolution de l’épuration des gaz de l’atmosphère, de la concentration préexistante – et des émissions à venir – d’autres gaz ayant des raies d’absorption dans les mêmes plages de rayonnement, etc…
En effet, il existe des « zones de recouvrement » entre les différents gaz à effet de serre : plusieurs d’entre eux (par exemple le méthane et le protoxyde d’azote) absorbent les mêmes longueurs d’onde, ce qui fait que l’effet d’un supplément d’un des gaz n’est pas indépendant de la proportion des autres gaz déjà présents dans l’atmosphère.
Pourcentage du rayonnement absorbé (en ordonnée) selon la longueur d’onde en micromètres (en abscisse) pour le méthane et le protoxyde d’azote dans l’atmosphère.
Source : Gérard Lambert, Revue du Palais de la Découverte.
Il importe aussi de noter que le temps qu’un gaz reste dans l’atmosphère dépend des conditions du moment : si les puits absorbant le gaz carbonique saturent (deviennent moins efficaces), la durée de séjour dans l’air de ce gaz augmentera. Postuler que la vitesse d’élimination du CO2 de l’atmosphère sera stable sur 100 ans étant précisément contraire à la conclusion (les choses vont changer) il en résulte que le PRG est par construction approximatif.
Le PRG est donc une manière simplifiée de représenter les choses : si l’on voulait être exact, chaque PRG serait une fonction non seulement de la capacité d’absorption propre de chaque gaz, mais aussi de la concentration des autres gaz déjà présents, et encore de l’évolution future des « puits » qui épurent le gaz de l’atmosphère !
Cela est bien évidemment impossible (ou tout du moins pas avec des formules explicites). Toutefois, pour imparfaite qu’elle puisse être, une comparaison approximative reste bien préférable à pas de comparaison du tout pour guider l’action.
Une fois terminée cette grande dissertation sur leur élaboration imparfaite, voici les PRG relatifs des 6 gaz ou familles de gaz (les Perfluorocarbures et Hydrofluorocarbures sont des halocarbures particuliers) visés par le protocole de Kyoto:
Gaz | Formule | PRG relatif / CO2 (à 100 ans) |
---|---|---|
Gaz carbonique | CO2 | 1 |
Méthane | CH4 | 25 |
Protoxyde d'azote | N2O | 298 |
Perfluorocarbures | CnF2n+2 | 7400 à 12200 |
Hydrofluorocarbures | CnHmFp | 120 à 14800 |
Hexafluorure de soufre | SF6 | 22800 |
Source : GIEC, 4è rapport d’évaluation, 2007
Ce que signifie le tableau ci-dessus, c’est donc que si on met 1 kg de méthane dans l’atmosphère aujourd’hui, on produira le même effet, sur le siècle, que si on émet 25 kg de gaz carbonique au même moment. On pourrait résumer en disant qu’un kg de méthane « fait » 25 fois l’effet de serre cumulé sur un siècle d’un kg de gaz carbonique, ou encore que le méthane est un gaz 25 fois plus puissant que le gaz carbonique pour l’effet de serre.
Si on met 1 kg d’hexafluorure de soufre dans l’atmosphère, on « fait » 22.800 fois plus d’effet de serre cumulé sur un siècle que si on met un kg de gaz carbonique : pour l’effet de serre un kg de ce gaz « vaut » 22,8 tonnes de CO2, c’est à dire plus que l’émission annuelle de 3 Français ! Heureusement nous en émettons de toutes petites quantités pour le moment (voir plus loin). Le PRG est donc tout simplement l’équivalent CO2 : il correspond au poids de CO2 qui produira la même perturbation du système climatique que le poids du gaz considéré.
Dans certaines circonstances, plutôt que de mesurer le poids de gaz carbonique, les physiciens – et souvent les ingénieurs – ont pris l’habitude d’utiliser l’équivalent carbone. A ce moment là, plutôt que de comparer au poids de CO2 émis, on compare au seul poids du carbone contenu dans le CO2 émis.
Poids équivalent carbone
Par définition, un kg de CO2 vaut 0,2727 kg d’équivalent carbone, c’est à dire le poids du carbone seul dans le composé « gaz carbonique ».
Pour les autres gaz, l’équivalent carbone vaut :
équivalent carbone = PRG relatif x 0,2727
Cela peut sembler très compliqué, mais c’est au contraire très simple. En effet, cette convention permet de savoir sans calcul combien d’équivalent carbone nous obtiendrons dans le CO2 résultant de la combustion d’un hydrocarbure donné. Il suffit de mesurer le poids de carbone par kg d’hydrocarbure brûlé, et cela donnera l’équivalent carbone du CO2 émis (l’hydrogène donne de l’eau, qui ne compte pas, comme expliqué au début de cette page). Simple, dis-je !
Pour les principaux gaz à effet de serre, par exemple, les équivalents carbone sont les suivants.
Gaz | Formule | Equivalent carbone par kg émisn |
---|---|---|
Gaz carbonique | CO2 | 0,273 |
Méthane | CH4 | 6,82 |
Protoxyde d'azote | N2O | 81,3 |
Perfluorocarbures | CnF2n+2 | 2.015 à 3.330 |
Hydrofluorocarburesn | CnHmFp | 34 à 4.040 |
Hexafluorure de soufre | SF6 | 6.220 |
La « taxe carbone« , envisagée par votre serviteur pour décourager l’émission de gaz à effet de serre, utiliserait l’équivalent carbone pour fixer le niveau de la taxe selon les gaz. Si la tonne équivalent carbone vaut 1.000 euros, alors l’émission d’une tonne de gaz carbonique sera taxée 273 euros, l’émission d’une tonne de méthane 6.820 euros, l’émission d’une tonne de protoxyde d’azote 81.300 euros, etc.
Une fois que nous avons une base de comparaison des gaz à effet de serre (sinon ce n’est pas possible !), nous pouvons alors donner une répartition par gaz des émissions humaines, qui se présente comme suit, hors ozone (qui, comme expliqué plus haut, n’a pas d’émissions directes) :
Répartition des émissions humaines de gaz à effet de serre par gaz en 2004, en milliards de tonnes équivalent carbone.
Pour le ciment il s’agit uniquement des émissions liées à la réaction CaCO3 → CaO + CO2, pas des émissions provenant du combustible utilisé pour cela.
Sources: BP statistical Review 2009 pour les consommations de combustibles fossiles ; IPCC AR4 WG 3 (2007) pour la production de ciment ; Houghton, The Woods Hole Research Center pour le CO2 du à la déforestation ; IPCC AR4 WG 3 (2007) pour les gaz hors CO2 ; calculs de l’auteur pour la compilation.
Répartition des émissions humaines de gaz à effet de serre par gaz en 2004, en pourcentage du total.
Les aérosols
Outre les gaz à effet de serre, l’homme émet aussi des aérosols et des « précurseurs d’aérosols« .
Un aérosol est une suspension dans l’air de gouttelettes ou de poussières. Nous en voyons tous les jours un exemple : les nuages. Mais un « nuage de poussière » rentre aussi dans cette catégorie : quand nous passons le balai un peu énergiquement, nous provoquons un aérosol.
Les émissions d’aérosols comprennent par exemple :
- les particules fines émises lors de la combustion de pétrole ou de charbon (les fameuses fumées noires d’une voiture diesel, par exemple),
- les particules fines émises lors de l’utilisation du bois comme combustible (ce qui représente 10% de la consommation d’énergie à la surface de la planète, en ordre de grandeur),
- la poussière directement soulevée par la circulation routière, ou l’exploitation de carrières…
Un précurseur est quelque chose qui précède : les précurseurs d’aérosols sont donc des substances gazeuses qui, par suite de diverses transformations physiques ou chimiques, peuvent conduire à la formation d’aérosols.
Les émissions de précurseurs d’aérosols regroupent :
- les émissions de dioxyde de soufre (SO2), qui est un polluant local bien connu provoqué par la combustion de n’importe quel produit contenant du soufre, et notamment le charbon et le pétrole (qui contiennent toujours du soufre à l’état brut). Ce dioxyde de soufre se transforme ensuite en petites particules de sulfate (SO4), solides.
- à un degré moindre, les émissions d’oxydes d’azote (NOx), essentiellement en provenance de l’agriculture, qui conduiront à la formation de particules solides de nitrates.
Les aérosols ont deux effets :
- ils réfléchissent ou absorbent la lumière, selon la couleur des particules qui les composent,
- leurs particules fournissent des « noyaux de condensation », ce qui signifie qu’ils favorisent la condensation de la vapeur d’eau de l’atmosphère en petites gouttes, ce qui conduit à des modifications dans la formation des nuages. Ces derniers sont, comme nous l’avons vu, des aérosols d’un genre particulier, et qui en plus interviennent de 2 manières opposées en ce qui concerne le changement climatique.
Que font les nuages ?
- composés d’eau, ils contribuent à l’effet de serre (voir plus haut),
- mais par contre, en empêchant la lumière de passer (la lumière est plus facilement réfléchie vers l’espace par un nuage que par un ciel clair) ils ont un effet « refroidissant » sur la surface.
Il se trouve que le bilan précis de ces deux effets antagonistes a une influence déterminante sur l’élévation de température que notre planète connaîtra au 21è siècle, et une représentation précise des nuages dans les modèles climatiques reste clairement un sujet avec des marges de progrès importantes.
Il est toutefois déjà établi que c’est l’effet de serre qui l’emporte sur l’effet de réflexion pour les nuages hauts (cirrus), lesquels sont suffisamment translucides pour laisser passer la lumière en quantités significatives, mais sont déjà relativement opaques aux infrarouges émis par la terre, alors que c’est l’effet de réflexion qui l’emporte sur l’effet de serre pour les nuages bas (cumulus, stratus…) qui ont donc globalement un effet refroidissant sur le climat.
Comme le SO2 a tendance à favoriser la formation de nuages bas, outre que les particules de sulfate qu’il engendre ont elles aussi un effet réfléchissant de manière directe, ce gaz est donc considéré comme un « refroidisseur du climat ». Cela étant, il est aussi responsable des fameuses pluies acides, qui ont des effets négatifs sur les sols et la végétation, et nos poumons ne l’apprécient guère. Il est difficilement concevable d’en émettre beaucoup pour combattre l’effet de serre ! En fait la majorité des politiques publiques d’environnement visent des diminutions importantes en ce qui concerne les émissions de ce gaz, avec des résultats significatifs comme on peut en retrouver la trace… dans les glaces polaires.
Concentration en sulfates (milligrammes de SO4 par tonne de glace ; axe vertical de gauche) dans la glace des pôles depuis 1600.
L’échelle de droite donne les émissions correspondantes, en millions de tonne de souffre par an.
Source : GIEC, 2001
Mais, comme pour les gaz à effet de serre, la nature sait aussi émettre des aérosols, notamment à travers le volcanisme. Par exemple l’éruption du volcan Pinatubo, qui a envoyé dans la haute atmosphère plusieurs km³ de matière sous forme de poussière, poussière qui y est resté assez longtemps, a provoqué une baisse mesurable des températures mondiales (0,1 – 0,2 °C) pendant quelques années (qui est en fait plutôt un arrêt momentané de la hausse due à l’effet de serre !).
En bref, les aérosols ont des effets directs sur le rayonnement, et indirects en favorisant des nuages qui peuvent être hauts ou bas. Leur contribution, globalement « refroidissante », est encore un sujet d’étude scientifique intense.
Gaz à effet de serre contre aérosols: qui gagne ?
Une partie de l’impact des gaz à effet de serre que nous accumulons dans l’atmosphère est donc compensée par l’effet des aérosols et des précurseurs d’aérosols que nous mettons aussi dans l’atmosphère.
Toutefois les effets des divers gaz (effet de serre supplémentaire, réchauffant, ou effet « refroidissant des aérosols) ne sont pas identiques en tout point de la planète.
Distribution géographique des forçages radiatifs de 1750 à 2000. Les couleurs rouges correspondent à un effet de réchauffement, les bleues à un effet de refroidissement.
La distribution géographique de l’effet de serre supplémentaire est engendrée par :
- les gaz autres que l’ozone (à gauche),
- l’ozone près du sol (à droite),
- les aérosols de type « suies » (à droite), et de type « poussières », à gauche.
Source : GIEC, 2001
Mais les aérosols ont une caractéristique importante qui fait que leurs effets ne perdurent pas très longtemps après leur émission : leur durée de vie dans l’atmosphère est de quelques semaines seulement (un nuage finit par provoquer de la pluie : il ne reste pas des années en l’air ; les poussières retombent à la surface de la Terre, tout comme la poussière « envoyée en l’air » par notre balai retombera assez vite sur le plancher – et les meubles). Ils ne s’accumulent donc pas dans l’atmosphère, à la différence des gaz à effet de serre.
Les scientifiques sont donc certains du fait que les aérosols ne peuvent compenser l’effet des gaz à effet de serre sur le long terme.
Par ailleurs, la durée de brassage de l’atmosphère (c’est-à-dire le temps qu’il faut pour qu’une partie d’un gaz émis en Australie se retrouve au-dessus de New-York) étant de quelques mois seulement (une année tout au plus), les lieux d’émission des gaz à effet de serre sont sans importance. Cela explique pourquoi des négociations internationales sont inévitables pour parvenir à stopper l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Cette indifférence au lieu d’émission ne concerne pas les aérosols qui influent plus particulièrement au-dessus des zones où ils sont émis (le nuage au-dessus de New-York n’empêche pas les habitants de Sydney d’avoir chaud, et la pollution locale au soufre à côté de Pékin est sans incidence sur la formation d’aérosols soufrés à Rio de Janeiro).
Malgré ce côté local des aérosols et global de l’effet de serre, il est néanmoins possible de faire un « bilan global » des contributions des uns et des autres sur l’évolution du climat planétaire, ce qui donne alors le graphique ci-dessous.
Comparaison des différentes composantes – positives ou négatives – jouant sur les échanges d’énergie entre la Terre et l’espace (en Watts par mètre carré). RF signifie « forçage radiatif », c’est-à-dire le supplément – ou le déficit – de rayonnement reçu par la terre du fait de la présence de la substance émise. Seule la contribution humaine est prise en compte, sauf pour la variation d’insolation (« solar irradiance »).
De haut en bas on trouve respectivement :
- les contributions des gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O, halocarbures, voir plus haut),
- les contributions de l’ozone stratosphérique (celui de la fameuse « couche », qui n’en est pas une !) et de l’ozone troposphérique (celui des « pics de pollution »)
- la contribution du supplément de vapeur d’eau dans la stratosphère provenant des émissions humaines de méthane,
- les conséquences du changement d’albédo découlant du changement d’usage des sols (l’albédo est ce qui sert à mesurer le pouvoir de réflexion d’une surface : l’albédo d’un miroir est proche de 1 – toute lumière reçue est réfléchie – et celui d’un corps noir est proche de zéro – toute lumière reçue est absorbée). Par exemple, quand on déforeste, l’albédo augmente, car une forêt absorbe généralement plus de rayonnement que des cultures ou un sol nu. La même colonne donne aussi la contribution des dépôts de suie sur la neige,
- les contributions des différents aérosols (voir plus haut),
- les contributions de la vapeur d’eau contenue dans les traînées des avions (il ne s’agit donc pas des émissions directes de CO2 sortant des réacteurs)
- Bien que cela ne soit pas un effet du à l’homme (mais le climat a aussi des facteurs naturels de variabilité, et pas qu’un seul!), la contribution des variations d’activité du soleil.
Pour toutes ces contributions, la droite du rectangles donne la valeur la plus probable, et le tiret la zone d’incertitude (ces valeurs sont reprises dans la colonne « RF values », RF signifiant Radiative Forcing). Lorsque le tiret est très grand par rapport au rectangle, cela signifie que l’on n’a qu’une vague idée de la valeur.
Les deux dernières colonnes donnent :
- l’échelle spatiale de l’effet (de global à local)
- Le niveau de compréhension des processus à l’oeuvre – et donc le degré de confiance dans l’estimation – de high, pour élevé, à low, pour faible (LOSU signifie Level Of Scientific Understanding).
Source : GIEC, Summary for Policymakers of the 4th assessment report, 2007