Article publié dans le quotidien gratuit 20 minutes du 24 juin 2002.
Il est désormais établi que, depuis 1750, l’homme accumule certains gaz dans l’atmosphère : gaz carbonique, méthane et protoxyde d’azote pour l’essentiel. Provenant de l’utilisation de charbon, pétrole et gaz, de l’agriculture, du recours aux engrais, de la déforestation, etc., ces gaz renforcent significativement et surtout très rapidement le phénomène naturel de l’effet de serre, qui modèle le système climatique. Il en résultera une augmentation de la température moyenne à la surface du globe, mais aussi, vraisemblablement, un accroissement des phénomènes « hors normes » ou inattendus : hivers exceptionnellement doux, épisodes pluvieux intenses, sécheresses estivales, vents violents en sont quelques exemples. Une température moyenne s’élevant de quelques degrés en un siècle constituerait un véritable « choc climatique », dont tout un chacun a du mal à imaginer combien cela modifierait radicalement notre environnement.
Entre autres conséquences, destructions massives d’écosystèmes, famines, épidémies et conflits sont parfaitement envisageables, et plus généralement nous rajouterons un facteur de pression considérable sur un monde déjà fragilisé par d’autres de nos comportements, personne ne pouvant aujourd’hui garantir qu’il y aura des sanctuaires. A cause de la très longue durée de résidence des gaz à effet de serre au-dessus de nos têtes (un siècle ou plus), les dés sont déjà jetés pour une partie de l’évolution future : quoi que nous fassions demain, le climat va de toute façon se modifier de notre fait pour les siècles à venir (et la mer va monter pendant des millénaires).
Toutefois la brutalité de l’évolution en cours dépend encore largement de nos émissions des décennies à venir. A quel niveau agir ? Pour arrêter d’enrichir l’atmosphère en gaz à effet de serre, il faut diviser les émissions mondiales par 2 au moins. Si chaque Terrien dispose du même « droit à émettre », cela représente alors une division par 4 des émissions pour un pays comme la France, et par 12 pour les Etats-Unis. Or, le protocole de Kyoto ne prévoit qu’une diminution de 5% des émissions des seuls pays industrialisés : même si nous parvenons à atteindre cet objectif, nous sommes très loin d’être tirés d’affaire pour autant. Réduire nos émissions est incompatible, par exemple, avec le développement du transport aérien et du parc automobile mondial, des logements toujours plus vastes, une consommation de viande importante, et plus généralement avec le développement de la consommation matérielle. Si la poursuite des tendances actuelles nous mène peut-être à la catastrophe, lutter efficacement contre le changement climatique ne serait en aucun cas une correction à la marge dans un monde globalement inchangé : c’est un choix difficile, qui nous concerne tous comme consommateurs.