Qui donc s’intéresse aux questions énergétiques et climatiques ? A part ce qu’en disent les sondages et la presse, je dispose de quelques autres points de sonde pour avoir un avis, nécessairement très partiels, puisqu’il s’agit des personnes avec qui j’ai une interaction directe.
Une première catégorie est celle des clients de Carbone 4. Par construction cela sélectionne des entreprises (bien plus rarement des collectivités locales), et par construction toujours ce n’est évidemment pas du tout représentatif de ce qui se passe dans l’ensemble du mon économique.
Une deuxième catégorie est celle des gens qui m’écrivent directement, réagissent aux publications sur les réseaux sociaux,mais là aussi ils ne sont pas représentatifs : l’expérience montre que cette catégorie sur-représente les extrêmes, à savoir ceux qui sont très d’accord, et ceux très en désaccord, avec moi.
Enfin un dernier point de sonde est celui des gens qui me demandent une conférence. Je ne tiens pas le compte des demandes que je reçois, par contre j’ai décidé il y a bientôt 10 ans de faire celui des conférences que j’accepte, par curiosité, pour voir « qui me demandait de causer ».
En espérant que cela ne sera pas pris comme une manifestation de narcissisme intense, je me suis donc amusé (enfin si l’on veut !) à ranger par catégorie les lieux où je suis intervenu. Ces statistiques couvrent un ensemble d’un peu plus de 1000 interventions, réparties comme suit (NB : avec le confinement en 2020, j’ai inclus les webinaires) :
Nombre annuel d’interventions effectuées depuis le début 2001 par votre serviteur.
Bien évidemment, tout statisticien sait qu’avant de compter quoi que ce soit, il faut définir ce que l’on compte et comment on le compte (les statisticiens le savent, mais la presse, les politiques, et le lecteur de journal l’oublient volontiers !). Ne souhaitant pas déroger à une règle aussi salutaire, voici donc, pour « ranger les audiences », les catégories que j’utilise, et les publics auxquelles elles correspondent :
- Il y a tout d’abord ce que j’appelle les « milieux économiques » ; sont à ranger dans ce tiroir :
- les assemblées générales d’actionnaires (ex. : une caisse régionale du Crédit Agricole),
- les conférences pour cadres d’une entreprise
- les « grand’messes commerciales » organisées par une société pour ses clients
- les manifestations, colloques, conventions, etc, organisées pour une activité professionnelle, une interprofession, ou un organisme représentatif (ex : chambres de commerce et d’industrie, université d’été du MEDEF, assemblée générale des vignerons champenois…),
- un club de chefs d’entreprises (ex : APM),
- des consultants ou salariés d’entreprise venant se former au Bilan Carbone pour le mettre en oeuvre dans leur entreprise,
- etc.
- le public peut appartenir au « milieu éducatif et universitaire ». Cela concerne :
- mes cours à MinesParisTech,
- des interventions pour des étudiants dans le cadre du cursus obligatoire,
- des conférences en soirée pour des étudiants,
- des cours pour des thésards,
- des conférences pour des chercheurs,
- et, plus rarement, des conférences pour des lycéens.
- Ce que j’appelle « fonction publique » désigne un contexte où l’essentiel des auditeurs appartient à la fonction publique nationale ou territoriale, hors enseignement ou recherche bien sûr, comme par exemple :
- un colloque pour des militaires,
- une journée de formation pour des hauts fonctionnaires,
- une journée de formation pour des personnes chargées du développement durable dans l’administration déconcentrée, etc
- Le milieu associatif ou syndical regroupe les conférences organisées par une association, qui peut être :
- une association de défense de l’environnement (mais sur plus de 1000 conférences cela m’est arrivé 2 ou 3 fois, c’est clairement dans ce secteur que la demande est la plus faible !)
- une association de « réflexion citoyenne » (ex. : Clubs Citoyens),
- un club (ex. : Rotary),
- une association professionnelle ou société savante (ex. : Société Française d’Energie Nucléaire),
- un comité d’établissement (ex. : CE de Renault),
- une association de quartier,
- et bien sur un syndicat
- NB : une partie des interventions faites pour The Shift Project est dans cette catégorie
- Le « milieu politique » s’applique aux manifestations destinées aux membres d’un parti (ex : congrès d’un parti), ou d’une communauté d’élus (ex : élus locaux membres d’un syndicat intercommunal),
- Le milieu des médias concerne les manifestations où le public – qui vient bien comme public et non pour écrire des articles – est composé de journalistes en activité (ex. : rencontres Météo-Montagne, Entretiens de Combloux), d’élèves d’écoles de journalisme (ex. : DEA de journalisme scientifique à Montpellier), ou de journalistes en formation continue (ex : AFP, FR3…).
- Enfin les conférences tous publics sont des conférences annoncées de manière un peu large et où « vient qui veut » (pas de formalités d’inscription, accès libre, etc). Par exemple :
- une conférence organisée par une municipalité,
- une conférence de clôture d’un salon ouvert au public,
- etc.
Conclusions sur le public intéressé
Maintenant que nous avons notre nomenclature, voici comment se présente la répartition par public des 1000 interventions mentionnées ci-dessus :
Répartition par nature d’audience des interventions de votre serviteur depuis 2001.
En clair, vu par mon petit bout de la lorgnette, on peut qualifier ainsi l’envie de s’informer sur l’énergie et le changement climatique :
- C’est incontestablement dans les milieux économiques qu’elle est la plus forte (mais nous sommes encore très très loin d’avoir atteint le point de saturation) ; au sein de ce milieu les activités commerciales et de services sont moins intéressées que l’industrie et les infrastructures (elles ont tort : elles vont déguster au moins autant que les activités industrielles !).
- l’enseignement et la recherche ont un appétit « moyen » pour des interventions et conférences, et probablement plus marqué dans l’enseignement supérieur que dans le secondaire (et de toutes façons bien plus marqué dans l’enseignement scientifique que dans l’enseignement économique ou littéraire). Les enseignants – et c’est normal – attendent, pour parler d’un sujet, que le programme leur demande de s’y intéresser significativement, et pour modifier les programmes c’est long (bien trop long, pour dire vrai) ; les chercheurs s’intéressent spontanément à cette affaire si elle fait partie de leur domaine professionnel et beaucoup moins dès que ça en sort.
- la fonction publique au sens large (administration déconcentrée, préfectorale, etc) n’a pas beaucoup de velléités pour s’informer sur énergie et climat, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles on continue d’aménager le territoire avec des règles du jeu complètement inadaptées pour ne pas en prendre aussi plein la figure (économiquement parlant, bien sûr) dans pas très longtemps. Dans ce milieu « on » attend que les instructions le demandent explicitement pour s’intéresser à la question (mais là aussi ce n’est pas très étonnant compte tenu du cahier des charges habituel d’un fonctionnaire),
- elle est globalement assez faible dans les « grandes » organisations du milieu associatif ou syndical, où le militant de base considère facilement qu’il en sait déjà assez sur le sujet (et que c’est pour cela qu’il milite), alors que, le plus souvent, il a été motivé pour militer à cause de son caractère (!) ou sur la base d’informations « trouvées dans le journal », qui, hélas, sont très insuffisantes (quand elles ne sont pas franchement inexactes) pour avoir une vue d’ensemble pour prendre de « bonnes » décisions.
- elle est globalement très faible (disons qu’elle est beaucoup trop faible compte tenu de l’importance de l’enjeu) au sein du milieu médiatique : je reçois très peu de demandes de la part d’organismes de formation initiale ou continue des journalistes, et très peu de demandes de conférence « intra » de la part de directions de médias (et parfois ce n’est pas faute d’avoir proposé !),
- elle reste globalement très faible au sein du milieu politique : même pendant les universités d’été, nos chers élus s’écoutent les uns les autres, mais n’en profitent pas pour retourner à l’école. Pourtant, comme ce n’est ni à l’ENA ni à Sciences Po qu’ils ont fait suffisamment de physique et de maths pour s’y retrouver facilement dans énergie et changement climatique, ça ne leur ferait pas de mal de prendre quelques cours…
Il est clair que ce qui est indiqué ci-dessus est rédigé à la seule lumière des demandes que je reçois. Pour en faire une généralité, il reste à savoir si mon cas est représentatif ou pas !