Tribune parue dans Les Echos du 17 décembre 2013
Depuis qu’il existe des négociations sur le climat, il est courant de dire que si nous ne « faisons rien », les émissions continueront à augmenter indéfiniment, jusqu’au moment où…. où quoi, exactement ?
Le repère généralement proposé est connu : avec des émissions croissant fortement, nous risquons 4°C à 6°C en plus en 2100. C’est beaucoup : en sortie de la dernière ère glaciaire, la moyenne planétaire n’a gagné que 5°C en 10.000 ans. Une même hausse en un siècle signifierait une claque que peu imaginent.
Mais en annonçant des émissions croissantes sans limites en cas d’inaction, les partisans de l’action accréditent paradoxalement une idée très sympathique : « ne rien faire » signifierait une économie encore en croissance sur 87 ans, quoi que puisse faire le climat !
Evidemment, c’est une illusion. A raison de 3% à 5% de croissance du PIB par an, les prélèvements et rejets de toute nature augmenteraient presque à la même vitesse. D’ici à 2100 nous aurions multiplié tout ce qui est flux physique – énergie, extraction de minerai, poissons pêchés et artificialisation des sols – par 5 à 10. Est-ce seulement possible ?
C’est peu probable, quand on voit que plusieurs régions du monde sont déjà sous stress d’approvisionnement physique, avec un PIB qui patine depuis un certain temps, comme le Japon depuis 20 ans ou l’Europe depuis 2006.
Dans les deux cas, c’est l’impossibilité de consommer plus de pétrole – depuis 2005 l’offre mondiale de brut n’augmente presque plus – qui est à la manœuvre. Le pétrole alimentant tout ce qui roule, vogue ou navigue, et donc tout ce qui permet les échanges, s’il n’y a pas assez de pétrole, il n’y aura pas assez de PIB.
En clair, nous avons donc déjà sous les yeux deux blocs où, faute d’avoir organisé une baisse ordonnée de la consommation d’énergie fossile, c’est désormais une limite physique qui nous y conduit de manière bien moins agréable : l’absence d’action n’a pas du tout amené la croissance perpétuelle….
Au niveau mondial, le « business as usual » généralisera cette situation bien avant 2100. Faute d’action, nous cumulerons alors des ennuis climatiques croissants avec une baisse continue des moyens d’y faire face. Alors, l’inaction, bonne affaire ?